Une élection utile aux enjeux francophones selon des organismes

L'Université de Sudbury dans le Nord de l'Ontario.

OTTAWA – La décision de Justin Trudeau de déclencher des élections a fait plusieurs mécontents ces derniers jours en raison d’un gouvernement similaire à 2019. Toutefois, selon plusieurs organismes francophones, la campagne électorale leur aura permis de faire avancer plusieurs de leurs enjeux. Des avancées qui n’auraient peut-être pas eu lieu sans cette séquence politique.

Tous pointent notamment l’engagement de tous les partis à moderniser la Loi sur les langues officielles (LLO) et vers celui des conservateurs et libéraux à le faire dans les 100 premiers jours.

« On avait des engagements solides. C’était une des premières fois – que je peux me souvenir – dans l’histoire que les francophones en milieu minoritaire avaient autant de choix qu’avec ce que les partis avaient proposé pendant la campagne électorale », affirme Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA).

D’après le politologue Rémi Léger, la campagne aura forcé les partis, notamment les conservateurs à se « mouiller » en langues officielles.

« Malgré le fait que les enjeux n’ont pas fait la une des débats ou des grands médias en anglais ou en français, ils restent que les partis ont pris certains engagements dans leur plateforme électorale. Ils ont dû mettre cartes sur table. On a déjà aujourd’hui une meilleure idée de ce que proposent les partis, notamment sur la modernisation de la LLO », analyse le politologue à l’Université Simon-Fraser, à Vancouver.

Cette campagne aura créé un « momentum » pour les enjeux francophones, notamment l’éducation postsecondaire, renchérit la présidente de la FCFA.

« Ce n’était peut-être pas un cadeau avec le coût de l’élection, mais ça l’a donné un momentum autour de nos enjeux. On a attiré beaucoup d’attention sur le postsecondaire et ça nous aurait peut-être pris plus de temps comme pour la modernisation de la Loi sur les langues officielles pour arriver à ces montants-là. On a besoin d’attirer l’attention sur les institutions postsecondaires partout au pays et ça nous a permis de faire ça durant la campagne. »

La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy. Gracieuseté FCFA

Du « jamais vu » pour le postsecondaire

Pour les collèges et universités, la campagne électorale aura été un « gain » pour eux qui ont vu leur financement passer d’un programme temporaire de 40 millions de dollars par année à un permanent de 80 millions de dollars annuellement, gracieuseté des libéraux.

« C’était du jamais vu, que le sujet d’avoir de l’aide pour les établissements postsecondaires francophones en milieu minoritaire reviennent aussi souvent dans l’espace public. Dans les débats, on y faisait référence. Les communautés francophones et les établissements francophones ont trouvé leur place dans l’élection », croit Lynn Brouillette, présidente de l’Association des collèges et université de la francophonie canadienne (ACUFC).

Pour Carol Jolin, cette campagne électorale aura permis d’amener une attention clé au dossier, notamment à Sudbury avec la situation de l’Université Laurentienne et celle de Sudbury.

« Les engagements qui ont été pris par les partis sont prometteurs sachant que l’enveloppe du fédéral est gelée depuis une vingtaine d’années. Le fait qu’on ait été en campagne électorale a fait en sorte que ça l’a forcé la main des partis à mettre des chiffres sur la table pour venir résoudre une situation financière pour le postsecondaire. Il y a des occasions comme ça qui se présentent et on a su faire avancer nos priorités », soutient le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).

Rémi Léger donne notamment en exemple les visites de Justin Trudeau et Jagmeet Singh à l’Université de Sudbury qui sont survenues quelques mois après les événements en avril à La Laurentienne. Quelques semaines après ces événements, le budget du fédéral incluait ce financement au postsecondaire de 40 millions de dollars par année sur trois ans.

Justin Trudeau lors de son discours à l’Université de Sudbury. Crédit : Pascal Vachon

C’est lors d’une visite à Sudbury en pleine campagne que le premier ministre et Mélanie Joly ont doublé ce financement accordé aux établissements francophones.

« Sans la campagne électorale, on n’aurait pas doublé le montant… Si la campagne avait eu lieu en mars dernier, je ne pense pas qu’on aurait parlé autant du postsecondaire. Il y avait une fenêtre d’opportunité. Ce n’était pas sur le radar il y a six mois ou un an, mais ça a émergé en haut de la liste des priorités de la francophonie canadienne », souligne Rémi Léger.

Sur l’enjeu universitaire à Sudbury, le président de l’AFO veut éviter que le dossier traîne.

« Il faut que ça se règle et il ne faut pas que ça se règle dans deux ans ou dans quatre ans. Il faut quant à moi que ça se passe dans la prochaine année ou les prochains mois », demande-t-il.

Même son de cloche du côté de Lynn Brouillette qui souhaite voir le nouveau financement rapidement dans le portefeuille des établissements.

« Si ce programme est rendu doublé et permanent, ça sera un gain important pour nous. »

Une modernisation rapidement

Jeudi, le commissaire aux Langues officielles Raymond Théberge a demandé au gouvernement Trudeau de déposer une modernisation de la LLO « dans les plus brefs délais ».

« J’incite le nouveau gouvernement à garder nos langues officielles et la modernisation de la Loi en tête de sa liste de priorités et à respecter ses engagements auprès de la population canadienne », a-t-il ajouté.

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge. Archives ONFR+

Cet avis est aussi partagé par Lynn Brouillette qui veut éviter que le projet prenne du temps.

« C’est certain que les organismes vont définitivement talonner le gouvernement pour s’assurer que ça se passe. C’est certain que pour nous la modernisation de la loi ça nous interpelle au plus haut point. On va continuer de travailler avec le gouvernement pour que ça se passe dans les prochaines semaines. J’ai confiance que le projet va rapidement être remis sur les rails. »