Une rentrée scolaire particulière pour les Franco-Ontariens

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[ANALYSE]

Après les élèves de la région d’Ottawa la semaine dernière, c’est au tour de ceux du Grand Toronto et du Nord de revenir sur les bancs d’école. Les indicateurs sont même au vert pour la majorité des conseils francophones, dont le nombre d’élèves croît année après année.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Si l’on ajoute les bons résultats des élèves au test de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE) dévoilés la semaine dernière, ou encore la nouvelle école temporaire du côté de Kingston, tout semble se diriger vers une rentrée sous les meilleurs auspices.

Le hic, c’est que les écoles francophones sont aujourd’hui victimes de leur succès. Car depuis 2013, plus de 100 000 élèves s’y rendent chaque matin. Les établissements de langue française représentent environ 10 % de toutes les écoles de la province, contre seulement 8 % il y a quinze ans.

Sur le terrain, il devient de plus en plus difficile d’embaucher des enseignants francophones. Un défi dont Ottawa est relativement épargné, mais qui se pose avec acuité dans les régions plus éloignées.

Pour certains conseils, il faut bien souvent piocher dans la banque des enseignants suppléants pour combler les trous, quand ce n’est pas des lettres de permission pour des non-diplômés.

La raison principale invoquée par les organismes reste la baisse du nombre de postes disponibles, conjuguée au passage d’un à deux ans du programme de formation des enseignants. Conséquence : moins de francophones se précipiteraient pour embrasser une carrière d’enseignant.

L’Ontario doit aussi traiter avec la concurrence des autres provinces, prêtes à mettre le prix pour se doter d’enseignants francophones.

Convaincre le gouvernement sur la pénurie des enseignants

Cette nouvelle donne n’a pas forcément mis à mal les conseils scolaires de langue anglaise. Bien souvent confrontées à un surplus d’enseignants, les institutions éducatives anglophones ont absorbé le choc. Mais la réalité différente pour les francophones oblige à des solutions immédiates. Au risque d’embaucher des enseignants « verts », sans expérience, et de voir les résultats scolaires en pâtir.

Pour l’instant, l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AÉFO) aimerait avoir l’oreille du nouveau gouvernement sur le dossier. Faut-il mieux valoriser la profession? Miser sur l’immigration francophone? Repasser à seulement un an de formation? Plusieurs options sont sur la table, et la ministre de l’Éducation, Lisa Thompson, devra répondre à ces questions.

L’enveloppe du ministère de l’Éducation à surveiller

À cet égard, le nouveau gouvernement de Doug Ford, tatillon sur les dépenses publiques, est surveillé du coin de l’œil par les conseils scolaires. Si tout n’a pas été parfait avec eux, les libéraux n’ont pas lésiné sur les moyens concernant le ministère de l’Éducation. L’enveloppe, quasiment doublée pendant leurs 13 ans au pouvoir, a permis de multiplier les écoles francophones.

Si dans quelques semaines, Doug Ford et son équipe décident de freiner les dépenses de ce même ministère, certains projets de construction pourraient être mis sur la glace. Dans le Grand Toronto, où les francophones ne cessent de s’implanter, on a besoin de nouvelles écoles. Leur absence est bien souvent synonyme de temps de trajet allongé chaque matin pour les parents. Des situations qui incitent parfois à rejoindre les écoles de langue anglaise.

Parler aujourd’hui des écoles francophones en Ontario comme d’un succès n’est pas une vision optimiste, mais une réalité. Il faut maintenant attendre de voir les ressources financières allouées ou non par les progressistes-conservateurs. Avec dans le meilleur cas, une consolidation des écoles francophones, dans le moins bon, une dangereuse stagnation.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 4 septembre.