Une tournée pour bâtir la voix commune des Noirs francophones de l’Ontario

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TORONTO – Au terme d’une tournée provinciale de Windsor à Sudbury en passant par London, St. Catharines, Cornwall, Ottawa et qui s’est achevée ce week-end à Toronto, la Coalition des Noirs francophones de l’Ontario (CNFO) a maintenant entre les mains un portrait global des attentes des minorités visibles de langue française en province avec des particularités régionales, ainsi que des pistes de solution qui alimenteront ses prochaines actions.

L’un des principaux enseignements de cette tournée est que les communautés vivent différemment les défis d’intégration et les barrières liées au racisme ou encore à l’assimilation linguistique, suivant qu’elles vivent dans un grand centre urbain ou en zone rurale, et dans un milieu plus ou moins francophone.

C’est d’ailleurs en partant des attentes du terrain que la jeune organisation espère maintenant réussir là où celle qui l’a précédée – l’Union Provinciale des Minorités raciales ethnoculturelles francophones de l’Ontario (UP/MREF) – a échoué.

Pour Levit Koloko, un consensus a émergé à Ottawa sur la nécessité de se doter d’outils structurels. « On ne produit pas de statistiques, d’études, de recherche. En collectant, en compilant et en documentant des données sur nos communautés, cela nous permettra d’avoir les mêmes références statistiques en termes d’identification de besoins, de constats et de solutions quand on parle entre nous ou avec le gouvernement », explique l’enseignant de la région de la capitale nationale.

Levit Koloko, enseignant à Ottawa. Source : CNFO

Près d’une dizaine d’organismes ont participé à l’étape ottavienne de la tournée de la CNFO.

« Ça montre que la Coalition a encore un travail d’information et de sensibilisation à faire pour aller convaincre une partie de la communauté », en déduit-il. « On a quelques organismes champions, mais il n’existe pas une forte solidarité. On a besoin de cela pour bâtir un cadre de concertation qui permette de partager nos besoins, nos ressources et une stratégie commune. »

Le principal défi de la CNFO est en effet de pousser les minorités visibles de langue française de la province à travailler ensemble afin que la jeune organisation porte-parole assoie sa légitimité auprès des gouvernements.

Déficit de confiance et de cohésion entre les Noirs

À St. Catharines, les échanges ont été « très francs », se satisfait Fété Kimpiobi, directrice générale de Solidarité des femmes et familles interconnectées francophones du Niagara (SOFIFRAN) qui a elle aussi identifié « un manque de solidarité, un déficit de confiance et de cohésion entre les Noirs ».

Or, « on ne peut pas exister dans l’anonymat, sans participer aux activités communautaires. Dans un environnement de minorité dans la minorité, si on ne vous voit pas, on ne peut rien faire pour vous. Et c’est dommage car il y a des talents, des compétences à mettre en valeur ».

Fété Kimpiobi, directrice générale de SOFIFRAN. Crédit image : Rudy Chabannes

« Aux yeux de la société canadienne », dit-elle, « nous sommes tous des Noirs. Alors mieux vaut parler d’une voix car on a les mêmes combats », affirme-t-elle. Parmi ces combats : discrimination, difficultés d’intégration, sous-emploi ou encore accès aux services en français ont été évoqués au cours des échanges qui ont eu lieu dans le Niagara.

Pour les surmonter, elle pense que l’on devrait mettre en avant les gens qui ont réussi et pourrait servir de modèles à la jeunesse. Un avis partagé par Patrick Auguste.

Présent à la consultation communautaire de Toronto, le vice-président de la CNFO trouve intéressante l’idée d’« approcher ceux qui sont de l’autre côté de la clôture, pour cultiver chez eux ce devoir de redonner à la communauté, de lui faire bénéficier de son expérience ».

La CNFO peut jouer le rôle de courroie de transmission entre ceux qui ont réussi et ceux pour qui c’est plus difficile ». Il estime aussi qu’une des missions fondamentales de l’organisation va être de faire parvenir le plus rapidement et le plus efficacement l’information utile aux immigrants afin de faciliter leur intégration.

« Développer nos propres outils »

Gouled Hassan, qui a participé à l’étape sudburoise de la tournée, retient de cette consultation que la communauté doit développer ses propres outils. « Ça doit se faire par la communauté elle-même, soutient-il, « et non par l’intermédiaire d’autres groupes car personne d’autre que nous ne connait mieux nos besoins. Si, par exemple, on confie la rétention et l’intégration des immigrants à un organisme dont ce n’est pas le mandat, cela devient un projet de deuxième niveau. »

Il relate que dans le Nord, où 90 % de l’immigration récente est noire francophone, les gens ne sont pas habitués à voir de la diversité, ce qui génère un racisme « très présent en surface » et que le manque d’appui comparé aux organismes des grandes villes fait qu’« on est toujours en train de revendiquer dans la précarité, de quémander des services au lieu d’offrir nos propres services ».

Il est temps de « développer un leadership communautaire qui puisse s’appuyer sur des outils sur le terrain. Ce leadership rejaillirait dans d’autres domaines comme la culture ou l’art », estime-t-il.

Gouled Hassan, coordonnateur de projet au Contact interculturel francophone de Sudbury. Gracieuseté

Plusieurs organismes des différentes villes parcourues ont par ailleurs regretté de récents refus de subvention du gouvernement fédéral, sans explication. Une expérience qui les décourage, voire les dissuade, de reformuler des demandes. Ils espèrent que le soutien de la CNFO leur permettra dans le futur de surmonter cet obstacle pour développer des services aux populations.

C’est ce qu’entend faire la présidente de l’organisation, Julie Lutete : « Cette consultation réalisée dans les régions va nous aider maintenant à mettre sur pied un plan stratégique sur trois ans qui reflète la réalité des communautés en Ontario ».