Une victoire conservatrice aiderait-elle l’Université de l’Ontario français?

Le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer
Le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer. Source: Gracieuseté PCC

OTTAWA – Le gouvernement ontarien a ouvert la porte à des discussions avec Ottawa pour un financement de démarrage partagé de l’Université de l’Ontario français (UOF). Mais la première rencontre tant attendue entre les ministres Mulroney et Joly n’a pas encore eu lieu. Une victoire le 21 octobre des troupes d’Andrew Scheer pourrait-elle permettre d’accélérer le dossier? C’est l’avis du porte-parole du Parti conservateur du Canada (PCC), Alupa Clarke.

« Le départ du chef de cabinet du premier ministre Ford, Dean French, pourrait être une explication, car il avait la main mise sur plusieurs dossiers. On peut aussi penser que Mme Mulroney essaie de redorer son blason auprès des francophones, car sa popularité, comme celle du gouvernement, n’est pas au beau fixe. Si les progressistes-conservateurs ontariens avaient voulu aider M. Scheer [le chef du Parti conservateur du Canada], ils auraient attendu les élections fédérales », analyse la politologue du Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, pour expliquer les causes de la récente ouverture de la province à des discussions sur l’UOF avec Ottawa.

Mais même si la porte semble désormais ouverte, aucune réunion n’est encore prévue entre les deux paliers de gouvernement.

Le bureau de la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, le confiait à La Presse canadienne : la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne à Iqaluit aurait été le moment idéal pour débuter des discussions sur le projet d’université. Mais en l’absence de Mme Mulroney, retenue à Toronto, il faudra encore attendre.


« Pour les libéraux, l’objectif était seulement de marquer des points électoraux » – Alupa Clarke, député conservateur


Un financement de démarrage de l’UOF partagé entre le fédéral et le provincial est évoqué depuis plusieurs mois. Jusqu’ici la province s’était murée dans le silence. Interrogé en fin de session parlementaire, le député conservateur Alupa Clarke y allait de son explication.

Le député du Parti conservateur du Canada (PCC), Alupa Clarke. Crédit image : Benjamin Vachet

« Le gouvernement Trudeau n’aurait jamais dû intervenir de manière partisane comme il l’a fait. Il aurait dû tendre la main au gouvernement ontarien et lui offrir son aide, au lieu de répéter que le Parti progressiste-conservateur n’aime pas les francophones. Mme Joly a sali Doug Ford et les conservateurs ontariens publiquement. »

La promesse des conservateurs

Le dossier de l’UOF a valu de nombreuses joutes verbales et partisanes à Ottawa, ces derniers mois, que la rencontre des chefs des partis politiques fédéraux, fin novembre, suggérée par le chef conservateur Andrew Scheer, n’a pas vraiment calmées.

« Nous avons été les seuls à proposer des solutions en appuyant, dès le départ, l’idée que le fédéral paie pour les quatre premières années et en proposant de céder des terrains fédéraux inoccupés à Toronto à l’université… », explique M. Clarke.

Justin Trudeau rencontrant les autres leaders parlementaires sur le sujet de la crise linguistique, au mois de novembre. Archives ONFR+

Cette idée d’un financement décalé avait été proposé par l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), initialement.

Aujourd’hui, le député estime qu’un gouvernement conservateur victorieux le 21 octobre prochain serait mieux à même de faire avancer le dossier.

« Si nous gagnons, cela va faciliter la réalisation de l’université, car nous avons une relation de respect avec le gouvernement ontarien. Les Franco-Ontariens peuvent compter sur nous! Et puis, comme nous allons assainir les finances publiques et réduire le fardeau fiscal, cela va favoriser le développement économique et profiter aux provinces qui pourront plus rapidement réduire leur déficit et investir dans ce genre de projet. »

Des différends possibles aussi entre les conservateurs

Le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand se montre sceptique face à l’analyse de M. Clarke.

« Même si le courant passerait sans doute mieux avec un gouvernement fédéral conservateur, on peut se demander que répondrait M. Scheer à la demande de l’Ontario de revoir le financement fédéral de la communauté franco-ontarienne qu’il juge injuste par rapport aux autres communautés francophones. Je pense que M. Clarke essaie surtout de dissocier son chef et son parti du gouvernement ontarien à l’approche des élections. »

Un scepticisme que partage Mme Chouinard.

« Il est normal que les relations soient parfois plus faciles quand deux gouvernements sont de même couleur politique. Mais on a déjà vu par le passé des gouvernements provinciaux et fédéraux de différentes origines politiques capables de se parler et d’avoir des relations cordiales. C’est là où on voit si les gouvernements agissent de bonne foi ou juste à des fins partisanes. Si le blocage actuel est seulement partisan, on peut questionner la bonne foi du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario. »

Jeux stratégiques?

Selon la politologue, il est encore tôt pour prédire si un gouvernement conservateur serait plus profitable pour les Franco-Ontariens, tant que la plateforme du parti et ses engagements en matière de modernisation de la Loi sur les langues officielles ne sont pas connus.

Une chose est sûre, la récente ouverture à des discussions pose désormais un problème stratégique dans les deux camps.

« Pour Mme Joly, ce serait une victoire si elle peut ratifier un accord avec la province avant octobre. Ce serait bon pour son bilan. Pour Mme Mulroney, en revanche, si elle veut aider M. Scheer et qu’il ne s’agit que d’une stratégie, elle a intérêt à ne rien signer avant octobre. Le fait que nous soyons en été et que tout fonctionne au ralenti pose problème pour agir vite. »