Université de l’Ontario français : Joly fait un premier pas vers Mulroney

La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly. Crédit image: Benjamin Vachet

OTTAWA – La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, dit avoir contacté le bureau de la ministre ontarienne des Affaires francophones, Caroline Mulroney, pour faire avancer le dossier de l’Université de l’Ontario français (UOF). L’opposition fédérale lui demande d’en faire plus, alors qu’à Queen’s Park, on fuit la question.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Mon équipe a contacté l’équipe de Mme Mulroney pour lui faire comprendre comment fonctionnent les fonds complémentaires fédéraux, pour lui dire qu’il suffit qu’ils présentent un projet et que nous sommes prêts à le financer. Ils ont toute l’information en mains, c’est maintenant à eux de prendre la décision », a lancé Mme Joly en marge d’une conférence de presse, ce jeudi.


« Je suis à la table, mais présentement, j’ai une chaise vide devant moi » – Mélanie Joly  


Mardi, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) avait suggéré une solution demandant au gouvernement fédéral de financer les quatre premières années du fonds de démarrage de l’Université de l’Ontario français (UOF), estimé à 84 millions de dollars sur huit ans, puis que la province prenne le relais pour les quatre années suivantes. Selon l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens, cette solution permettrait d’engager la province dans le dossier, sans nuire à son objectif d’assainir les finances publiques.

Questionnée sur cette possibilité, la ministre Joly s’est dite ouverte.

« Je suis prête à présenter des solutions créatives, mais la réalité c’est que le gouvernement fédéral ne peut pas présenter le projet, c’est la province qui peut le faire. »

L’opposition fédérale demande du leadership

Le porte-parole aux langues officielles pour le Parti conservateur du Canada (PCC), Steven Blaney, demande au gouvernement fédéral d’en faire plus pour débloquer la situation.

« On est en situation de crise et ça prend des gestes exceptionnels. Les différents témoins [devant le comité permanent des langues officielles] nous l’ont dit : les pouvoirs du fédéral sont illimités en matière de promotion de la dualité linguistique. La ministre Joly a la responsabilité constitutionnelle de prendre des gestes concrets et de faire une offre au gouvernement ontarien. »

Même son de cloche du côté de son homologue néo-démocrate, François Choquette.

« Le gouvernement doit faire les premiers pas exceptionnellement, car on est dans un contexte difficile. Mme Joly doit demander une rencontre spéciale avec les ministres ontariens concernés et faire une offre de financement. »

Avec la fin du financement de l’UOF prévu pour le 15 janvier, le temps presse, rappelle M. Blaney.

Devant le comité permanent des langues officielles, le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, est allé dans le même sens que l’opposition, invitant le gouvernement fédéral à « faire les gestes nécessaires pour trouver une solution ».

Quelle réponse de l’Ontario?

Reste que le gouvernement ontarien n’a toujours pas formulé de demande et n’a pas non plus indiqué s’il accepterait une éventuelle offre du gouvernement fédéral.

« Soit il y a un intérêt de ne pas aller de l’avant de leur part ou c’est qu’ils décident de prendre leur temps pour que le dossier devienne moins important aux yeux de la population. Mais on va continuer d’en faire une priorité », a assuré la ministre Joly.

Pour M. Choquette, il faut procéder par étape.

« Ce qu’on veut, c’est que les deux parties s’assoient ensemble. Si le gouvernement fédéral fait une offre concrète et que l’Ontario la rejette de la main, là ce sera clair et on ira devant les tribunaux. Mais le gouvernement doit d’abord utiliser tous les instruments de ce fédéralisme qu’on dit coopératif. »

À Queen’s Park, la ministre de la Formation et des Collèges et Universités, Merrilee Fullerton, a évité la question.

« Je ne peux pas spéculer, je n’ai pas parlé avec Mme Joly », a-t-elle répété, refusant de dire si une demande formelle serait faite.

Pendant ce temps, la ministre Mulroney quittait en douce la Chambre pour un rendez-vous privé, son attachée de presse refusant de dire si la ministre serait éventuellement disponible pour répondre aux questions des médias.

Le critique néo-démocrate en matière de francophonie Guy Bourguoin ne comprend pas pourquoi Mme Mulroney refuse cette main tendue. « Elle montre ses vraies couleurs sur la francophonie. Elle pourrait dire : je vais chercher l’argent. Mais elle se cache derrière un faux prétexte de compressions budgétaires. »

La libérale Marie-France Lalonde n’en revient pas. « Lorsqu’on était au pouvoir, c’était très clair que la province devait faire une demande au fédéral. Je suis triste de voir que Mme Mulroney ne regarde pas cette solution présentée. Le fédéral est très clair : écris-moi, appelle-moi et je vais te déposer l’argent. »

Au menu des discussions Ford-Trudeau?

La discussion pourrait être au menu de la rencontre du premier ministre Justin Trudeau avec Doug Ford, ce jeudi. M. Trudeau rencontre les ministres des provinces et territoires, à Montréal, jusqu’à vendredi. Dans une lettre ouverte, ce jeudi, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) lui demande d’intervenir.

« En solidarité avec tous les francophones de ce pays, je vous prie, Monsieur le premier ministre, de faire des langues officielles un dossier prioritaire lors de votre rencontre des premiers ministres provinciaux cette semaine. Sinon, les actions de Monsieur Ford risquent d’encourager ceux et celles qui souhaiteraient le recul de nos acquis ici au Nouveau-Brunswick et ailleurs dans la francophonie canadienne », écrit le président de l’organisme, Robert Melanson.

Selon Mme Joly, le premier ministre est très conscient de l’importance du dossier. Il lui a d’ailleurs demandé d’être présente à ses côtés.

« Je vais rappeler aux premiers ministres provinciaux leurs obligations constitutionnelles. »

Article écrit avec la collaboration d’Étienne Fortin-Gauthier.