Université de l’Ontario français : un campus encore introuvable

Dyane Adam.Crédit image: Jackson Ho

[ANALYSE]

TORONTO – C’était presque trop beau. Depuis plusieurs mois, les étapes s’enchaînaient pour la future Université de l’Ontario français : rapport de Dyane Adam déposé en août dernier, création de l’entité légale en décembre, puis mise sur pied officielle du conseil des gouverneurs en début de semaine dernière.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Tout roule, sauf que l’Université devra se passer d’un véritable campus pour son ouverture en 2020. La présidente du conseil des gouverneurs, Dyane Adam, est même catégorique. Ça ne sera pas avant 2023, voire même 2025, on ne sait pas très bien.

On pourrait arguer que les francophones prennent leur mal en patience. Que le plus difficile – convaincre le gouvernement du projet – est déjà fait. Sauf que cette longue attente fait déjà des victimes. En premier lieu, le Collège Boréal.

La date de 2023 condamne la succursale de l’établissement sudburois à Toronto, dont le bail se termine en 2020, à se trouver un autre local que le carrefour francophone tant espéré. Ce dernier a pour mission de regrouper bon nombre d’organismes autour de l’université dans les mêmes locaux.

Ce n’est pas rien, quand on sait que 300 étudiants de Boréal sont actuellement présents sur ce campus postsecondaire de la Ville reine. L’absence de cette masse amenuiserait dès lors la portée de ce « village francophone ».

La crainte d’être dans un cadre anglophone

Difficile dans ces conditions de lire vraiment les intentions de Dyane Adam quant à Boréal. Pour certains, la présidente du conseil de planification, dorénavant plus indépendante du gouvernement, n’avait pas fait de la succursale l’une de ses priorités.

Dans les coulisses, un autre défi accapare les organismes : la localisation de ce campus temporaire maintenant confirmé. A demi-mots, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) espère que celui-ci sera dans « un environnement francophone pour que les étudiants puissent vivre en français ». Comprendre ne pas être noyé dans un cadre anglophone.

Car on ne sait toujours pas à quoi ressemblera ce campus temporaire. Sera-t-il dans un lieu au centre-ville ou intégré à une université déjà en place? De quoi laisser planer des hypothèses autour d’une éventuelle localisation à l’Université de Toronto, à York, ou à Ryerson. Dans les recommandations du conseil de planification fin août, Mme Adam citait l’Université d’Ottawa, mais aussi Ryerson, comme des « universités mentors » pour le futur établissement.

Il est encore difficile d’évaluer l’impact de ce campus temporaire sur les étudiants et l’embauche des professeurs. Les 300 étudiants espérés lors de l’ouverture en 2020 auront-ils le même entrain dans un établissement encore en transition? On est quand même loin ici du campus flambant neuf pressenti l’automne dernier sur les bords du Lac Ontario.

Un conseil des gouverneurs qui fait réagir

Enfin, on ne peut passer sous silence le conseil des gouverneurs. Sans surprise, les 12 membres nommés sont tous issus de la région de Toronto, à l’exception de Koubra Haggar de Hamilton. La présence de la vice-présidente de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) est rafraîchissante, sans pour autant éteindre les critiques quant à cette représentativité. Entre autres, le mandat soi-disant trop franco-torontois de l’établissement.

Si cette vision ne fait pas l’unanimité, l’obtention d’un campus temporaire doit inquiéter davantage. Car l’établissement serait ici directement confronté aux démons que les militants n’ont cessé de dénoncer : le manque d’indépendance culturelle et la possible assimilation. Le tout pour une durée encore nébuleuse. Mieux vaut une université francophone à soi à Toronto, que rien du tout.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 16 avril.