La communauté francophone peu impressionnée par le départ du recteur Haché : « Le mal est déjà fait »

Robert Haché, recteur et vice-chancelier de l’Université Laurentienne.

SUDBURY – Au lendemain de l’annonce du départ à la retraite du recteur de l’Université Laurentienne Robert Haché et de la vice-rectrice Marie-Josée Berger, les réactions ne se sont pas fait attendre du côté de la communauté franco-ontarienne.

La date annoncée de la fin prochaine du processus de la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), pour le 5 octobre prochain n’est pas non plus passée inaperçue. Même s’il s’agit d’un pas vers la fin de la crise qui a secoué la région depuis plus d’un an, ces nouvelles sont loin de sauver la situation selon les francophones de Sudbury.

Depuis les révélations incriminantes issues du rapport de la commissaire aux services en français de l’Ontario, Kelly Burke, le 1er avril dernier et celui de la vérificatrice générale de l’Ontario, Bonnie Lysyk près de deux semaines plus tard, dans lesquels on apprenait, d’une part, que l’établissement a enfreint la Loi sur les services en français de l’Ontario, et, d’autre part, que celui-ci n’était pas tenu de se placer sous la LACC, les appels à la démission de la direction se sont multipliés.

C’est le cas de l’Association des professeurs et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL), dont le président Fabrice Colin rappelle que cette nouvelle fait suite à un vote de non confiance des membres envers l’administration.

« Tous nos membres ont perdu confiance en ces personnes donc le renouveau était nécessaire »,  lance Fabrice Colin qui reconnaît ne pas avoir été très surpris de cette décision.

Fabrice Colin, président de l’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (l’APPUL) et professeur émérite. Crédit image :  Dr. Byron Eastman.

Pour autant, selon Denis Constantineau, directeur général du Centre de santé communautaire de Sudbury, la nouvelle est loin d’apaiser.

« Ça change pas grand-chose, on est en train de changer les joueurs mais le processus est le même, le mal est déjà fait », déclare-t-il avant d’ajouter que les jeunes ontariens boudent l’établissement dont la fréquentation est majoritairement celle des étudiants internationaux.

Le directeur général du Regroupement des étudiants franco-ontariens (RÉFO), François Hastir, peine à croire l’optimisme exprimé par le recteur Haché dans le communiqué.

« La réalité c’est que leur héritage ça va avoir été un héritage ou ce que ce fut la première institution au pays à s’être placé à l’abri de ses créanciers en travaillant très peu avec leur communauté et particulièrement les plus touchées, soit les autochtones et les francophones, c’est ça qu’on va se rappeler de l’époque Haché », lance-t-il.

De son côté, l’ancien étudiant en Musique de l’établissement Philippe Mathieu, reconnaît que, même s’il s’agit d’un pas dans la bonne direction, il est difficile de comprendre qu’il ne soit pas parti plus tôt comme le souhaitaient beaucoup d’autres étudiants ayant lourdement étés affectés par les suppressions de programmes.

Un départ forcé?

Annoncé comme un départ à la retraite, le doute plane sur une possible implication de l’établissement dans la décision de Robert Haché et Marie-Josée Berger.

Denis Constantineau se réjouit du fait de ce départ annoncé comme étant une retraite. Selon lui, le recteur Haché ne peut donc pas prétendre à un dédommagement : « Comme ça on ne lui donne pas ce qu’il a refusé aux professeurs qui ont étés congédiés. »

Denis Constantineau, directeur général du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury. Gracieuseté.

Il ajoute également ne pas comprendre que le changement de direction s’effectue avant la fin du processus de la LACC : « je trouve ça bizarre de changer de capitaine, du Titanic on peut dire, d’amener quelqu’un de nouveau pour compléter le processus ».

« Je suis très heureux pour le recteur Haché et la vice-rectrice Berger qu’ils puissent avoir le choix de partir ou de rester, car s’il y a une chose qu’on a vue dans la dernière année et dans le climat qui s’est installé sous leur leadership c’est que pour beaucoup d’employés de La Laurentienne il n’y a plus de choix entre partir ou rester », lance de son côté François Hastir.

Marie-Josée Berger était également vice-rectrice aux affaires francophones par intérim. Son départ pourrait poser davantage de doutes sur la considération de la francophonie par l’université, selon l’ancien professeur Thierry Bissonnette.

Celui qui a perdu son poste en avril 2021, comme une centaine d’autres, s’interroge sur le fait que ce sujet ne soit pas davantage adressé : « Il y a plus personne! On en parle même pas, ça prouve à quel point c’est pas important », se désole-t-il.

Fin de la LACC

La fin annoncée de la LACC pour le 5 octobre prochain après avoir été prolongée à quatre reprises, est très bien accueillie par Fabrice Colin de l’APPUL.

Également professeur à l’établissement, celui-ci y voit une source d’espoir : « Les membres du corps professoral, les employés, les membres de la communauté peuvent enfin voir la lumière à la fin du tunnel. »

Denis Constantineau, quant à lui, est loin d’être rassuré par la nouvelle. « Que le processus de la LACC se termine au mois d’octobre, décembre ou en juin ça n’arrange rien au niveau du prix qu’on a payé pour tout ce fiasco-là. »

François Hastir soulève également que, bien que la nouvelle puisse être positive, il existe encore un flou concernant les détails du processus : « On a encore très peu de détails sur comment cette sortie-là va s’effectuer, quels vont être les dommages collatéraux jusqu’au 5 octobre. »

Il cite en exemple, les discussions autour de la vente de bâtiments de l’université comme la Galerie d’art de Sudbury, les coupures et autres suppressions de programmes qui pourraient se produire d’ici là.

Le directeur général du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), François Hastir. Crédit image : EMNO

Quel avenir pour la Laurentienne?

Selon Fabrice Colin, il faudra très vite assurer un recrutement pour remplacer les quelque 20 professeurs ayant définitivement quitté l’établissement pour la retraite ou d’autres universités : « Il en va de la qualité de l’enseignement », somme-t-il.

Il ajoute qu’il est nécessaire que les professeurs soient à l’avenir inclus dans le processus décisionnel, avec notamment un siège attribué dans différents comités, et que l’établissement fasse preuve d’une complète transparence à l’avenir.

Selon Denis Constantineau, qui est également à la tête de la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française, l’université « ne doit plus s’opposer au développement collectif de la francophonie. Elle doit transférer tous les programmes de langue française qu’elle offrait jadis ou offre couramment vers l’Université de Sudbury ».

Même son de cloche du côté de François Hastir qui estime que le mandat de l’Université doit changer.

« L’entêtement de la Laurentian de se considérer comme bilingue et triculturelle malgré tous les dommages qui ont étés faits aux communautés francophones et autochtones montrent que l’institution a plus à cœur ses propres intérêts que ceux des communautés en question. »