Université Laurentienne : les créanciers approuvent le plan d’arrangement

L'Université Laurentienne s'était placée à l'abri de ses créanciers le 1er février 2021. Crédit image : Inès Rebei.

SUDBURY – Une nouvelle étape importante de l’histoire vient d’être franchie à la Laurentienne qui tourne une page douloureuse de son histoire, quelques semaines après que le recteur Robert Hâché ait annoncé son départ de l’établissement. Lors d’une réunion virtuelle à huis clos, les créanciers de l’établissement ont voté majoritairement en faveur du plan d’arrangement visant à la sortir de son insolvabilité.

« Aujourd’hui, c’est le début d’un nouveau chapitre pour l’Université Laurentienne », a déclaré Fabrice Colin, président de l’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL) dans un communiqué.

Les créanciers présents lors de la réunion virtuelle ce mercredi matin ont, en effet, adopté le plan d’arrangement en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers de compagnies (LACC) d’après un communiqué transmis par l’établissement aux alentours de midi.

Pour que le plan puisse être adopté, il devait recevoir une majorité de votes favorables de la part des créanciers présents et représentant au moins deux tiers de la somme totale que leur doit collectivement l’Université Laurentienne.

Cependant, selon des données fournies par l’APPUL, le plan a bien failli ne pas être approuvé car bien que 87 % des votants aient appuyé le plan, soit 522 créanciers au total, ceux-ci ne représentaient que 68,9 % de la somme due Le seuil était, effectivement, fixé à 66,7 % soit seulement 2,2 % de plus que celui demandé pour éviter le rejet du plan.

« Même s’il y a encore du travail à faire, cette grande étape envoie un solide message à la population étudiante actuelle et future, à notre personnel et à notre corps professoral dévoués, à tous les membres de la communauté de la Laurentienne et à la population du Nord. Nous sommes persuadés que nous émergerons prochainement de la restructuration plus forts que jamais et avec un regain d’optimisme », indique de son côté Jeff Bangs, président du Conseil des gouverneurs de l’Université Laurentienne.

« Nous pouvons enfin commencer le travail de restauration de l’intégrité de notre université ainsi que des programmes et des emplois supprimés à cause d’une mauvaise gestion et d’un gouvernement provincial irresponsable », ajoute quant à lui Fabrice Colin.

La nouvelle de l’approbation du Plan de restructuration intervient à quelques jours de la rentrée à l’Université Laurentienne. Crédit image : Inès Rebei.

Des avancées récentes dans le dossier

Selon le plan adopté, les créanciers non garantis recevront entre 14 et 24 cents pour chaque dollar qui leur est dû. L’établissement accumule une dette totale avoisinant les 360 millions de dollars.

Celui-ci avait été approuvé par l’APPUL et le Syndicat des employés de l’Université Laurentienne (SEUL) qui avaient incité leurs membres à voter en sa faveur.

Quelques jours plus tôt, le 9 septembre dernier, la Laurentienne avait déposé une modification du plan d’arrangement auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario après avoir reçu une mise à jour de la province.

Le gouvernement ontarien a, en effet, avancé pouvoir finalement acheter les biens immobiliers rattachés à l’Université Laurentienne au cours des trois prochaines années suivant la mise en exécution du plan au lieu des quatre ans prévus initialement.

Cette vente plus rapide de ses biens permettrait à l’Université Laurentienne de rembourser plus rapidement ses créanciers.

Au total, la province aura investi 35 millions de dollars dans la prise en charge du prêt d’insolvabilité et offert de participer à hauteur de 53,5 millions de dollars pour l’achat des actifs de l’établissement pour appuyer le plan d’arrangement.

Une nouvelle qui avait alors reçu un bon accueil auprès de la communauté et qui a probablement joué dans le processus de vote des créanciers.

Vers une sortie de crise en octobre

Un vote défavorable aurait eu des conséquences désastreuses pour la communauté qui aurait vu l’établissement fermer ses portes et ses actifs vendus, ou transférés à une autre université, mettant ainsi en péril l’avenir de milliers d’étudiants.

En rappel, l’université avait coupé dans 72 programmes, dont 29 programmes en français, tous cycles confondus, en avril 2021. Même s’ils étaient moindres, les coupes concernant les programmes en français étaient proportionnellement plus élevées que chez les anglophones.

La prochaine étape aura lieu le 5 octobre prochain alors que l’Université demandera alors à la Cour supérieure d’approuver le plan, marquant ainsi la fin officielle de la procédure de la LACC.

D’anciens professeurs loin d’être satisfaits

« Une partie de moi est soulagée que c’est fini, mais il reste que c’est un processus horrible, qui n’aurait jamais dû avoir lieu », soupire Joel Béliveau, professeur émérite de l’Université Laurentienne.

Celui qui fait partie de la trentaine de professeurs francophones licenciés lors de la coupe des programmes en avril 2021, s’est prononcé contre le plan lors du vote d’aujourd’hui, sans céder aux pressions du syndicat confie-t-il.

Avec un remboursement à hauteur de 14 % à 24 %, le plan proposé selon lui n’est pas très alléchant pour les créanciers de l’établissement.

Joel Belliveau, professeur émérite du département d’histoire de l’Université Laurentienne. Crédit image : Université Laurentienne.

Rappelons que l’Université Laurentienne est la première université publique au Canada à recourir à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, ce qu’elle n’avait pas à faire selon les conclusions du rapport de la vérificatrice générale paru en avril dernier.

Aurélie Lacassagne, autre professeure émérite licenciée de l’établissement ne mâche pas ses mots. Ayant également voté contre, celle-ci pense que le rôle qu’a joué la province n’a pas été suffisant.

Selon elle, un vote de rejet aurait contraint les parties prenantes de retourner à la table des négociations, notamment le gouvernement ontarien qui aurait eu à mettre plus d’argent sur la table.

« Les 50 millions qu’a proposés la province, c’est très loin de compenser la responsabilité de la province dans ce fiasco et dans la mauvaise gestion de l’université depuis 15 ans », somme-t-elle avant de rappeler que plusieurs fonctionnaires du gouvernement siègent sur le Conseil des gouverneurs de l’établissement.

Le dossier de l’Université de Sudbury

Du côté de l’Assemblée de la francophone de l’Ontario (AFO), le président Carol Jolin pense qu’il s’agit d’une bonne nouvelle pour l’établissement, mais que cela doit pouvoir permettre de se concentrer désormais sur le dossier de l’Université de Sudbury.

« Sudbury a besoin d’une Laurentian University qui est forte de sa programmation en anglais et une Université de Sudbury qui est forte pour sa programmation en Français », confie-t-il. Selon lui, il est temps que l’Université Laurentienne réponde aux appels de la communauté à collaborer avec l’Université de Sudbury pour le bien du développement de la région.

Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Carol Jolin. Crédit image : Inès Rebei.

Il en profite pour rappeler que l’Université de Sudbury a déposé, il y a trois semaines, auprès de la Commission la documentation visant à démontrer sa capacité à fournir une programmation universitaire et que des recommandations à ce sujet seraient imminentes.

« Moi je suis optimiste, parce que l’Université de Sudbury s’est toujours bien administrée et c’est probablement celle qui est la mieux gérée dans tout le Moyen-Nord donc j’ai hâte de voir, mais la nouvelle d’aujourd’hui va enfin permettre d’avancer dans ces dossiers-là », conclut-il.

Article mis à jour le 14 septembre à 17h10