Vincent Georgie, l’intrépide tête pensante du WIFF

Vincent Georgie, directeur général et programmeur en chef du Festival international du film de Windsor (WIFF). Crédit image: WIFF
Vincent Georgie, directeur général et programmeur en chef du Festival international du film de Windsor (WIFF). Crédit image: WIFF

[LA RENCONTRE D’ONFR+]

WINDSOR – Vincent Georgie partage son temps entre l’Université de Windsor, dont il est vice-recteur associé, et le Festival international du film de Windsor (WIFF), dont il est le directeur général et programmateur en chef. Si la pandémie a bouleversé son approche de l’industrie du cinéma, elle est loin d’avoir entamé son énergie et sa créativité. De ses racines iraquiennes à son engagement dans la francophonie du Sud-Ouest ontarien, on vous dit tout, tout, tout.

« Dans quelles circonstances êtes-vous devenu directeur général du WIFF?

Quand j’ai déménagé dans la région pour un poste à l’Université de Windsor comme professeur en marketing, on m’a tout de suite approché pour m’inviter sur le conseil d’administration du WIFF. J’ai mis beaucoup d’effort dans la programmation et la promotion de l’événement, avant d’en devenir le directeur général en 2013, alors que je ne connaissais pas grand-chose en festival. C’est un rêve, une passion qui me consomme tout au long de l’année, car ça prend 12 mois de l’année à organiser. Ça a changé ma vie.

En quoi cette nomination a-t-elle changé votre vie, exactement?

Je réalise quelque chose que je souhaite à tout le monde : choisir les projets auxquels on croit et qui nous intéressent. C’est un privilège de passer une grande majorité de mon temps dans des organisations comme l’Université de Windsor et le WIFF, auxquelles je crois fondamentalement. Je suis très chanceux et je ne le prends jamais pour acquis.

Est-il vrai que c’est en fuyant l’Iraq de Saddam Hussein que vos grands-parents se sont retrouvés au Canada?

Mon père est né en Iraq et a immigré au Canada avant ma naissance. Mon grand-père était un politicien iraquien haut placé avant la guerre. Mais quand l’armée de Saddam Hussein a pris le pouvoir et détruit le pays, ma famille qui était en situation de pouvoir a fui en cachette pour ne pas être assassinée. Mes grands-parents sont arrivés au Canada dans les années 1970 et ont rebâti leur vie. Sans ça, mon père n’aurait jamais rencontré ma mère qui est une Québécoise. J’ai fait mon secondaire à Mississauga, mon Bac à l’Université de Toronto, ma maîtrise à Windsor et mon doctorat HEC à Montréal.

Vincent Georgie donne le coup d’envoi du 15e WIFF en 2019, dernière édition avant la pandémie. Source Twitter WIFF

Sans directeur francophone, y aurait-il autant de films en français à l’affiche du WIFF?

Probablement que non, même si le WIFF a toujours eu une bonne programmation francophone, même avant moi. Dès qu’il s’agit de mettre de l’avant une production francophone, l’appui des autres programmeurs du festival est à 100 %. Je n’ai pas besoin de les convaincre. C’est un engagement profond qui a d’ailleurs été reconnu par l’ACFO qui nous a remis le prix de meilleure organisation francophone à Windsor.

Que s’est-il passé dans votre tête quand la pandémie a frappé en mars 2020? Avez-vous été déstabilisé par la brusque fermeture de la province?

À ce moment-là, j’avais l’impression que je courrais à 100 000 à l’heure dans les bonnes directions et que, tout à coup, je frappais un mur de briques car, au WIFF, on n’avait jamais été aussi forts, aussi bons, aussi organisés, aussi proactifs qu’avant. L’édition de novembre 2019 venait de connaître un énorme succès avec 43 000 participants et un partenariat avec Netflix. Sur le coup, c’était incroyable. La pandémie a tout changé.

Comment avez-vous retourné la situation à votre avantage?

Ça aurait été très facile de dire « On ferme les portes et rendez-vous quand la pandémie sera finie », mais moralement on s’est dit qu’on devait faire quelque chose qui contribue de façon positive à la communauté. D’un autre côté, on avait aucun intérêt à monter un festival numérique, sur Internet. C’était contre la valeur de notre marque. On a pris des risques en optant pour un format cinéparc. Ça a été une découverte amusante mais aussi tout un défi car, à cause de la COVID-19, on devait garantir une énorme sécurité et gérer beaucoup d’éléments de planification.

Vincent Georgie enseigne le marketing du cinéma à l’Université de Windsor. Crédit image WIFF

Un cinéparc est à l’opposé du strass et des paillettes d’un festival. Est-ce que cette formule a attiré le public?

C’était extrêmement populaire. On a rassemblé près de 10 000 spectateurs en plein centre-ville, au bord de la rivière Détroit, avec une programmation étendue à trois semaines et demi en 2021. On a offert de grands classiques de qualité pour donner aux gens les vacances qu’ils ne pouvaient pas avoir, car ils ne pouvaient pas voyager.

Vous envisagez un retour du WIFF traditionnel, fin 2022. N’est-ce pas trop optimiste au vu des incertitudes que fait encore peser le virus?

C’est notre plan, présentement. Après toute cette période, les gens vont avoir un appétit féroce pour le festival traditionnel. On envisage de l’étendre sur 11 jours dans quatre sites au centre-ville pour 2 à 300 projections, soit 180 longs métrages de 30 pays. Le plan B serait de retourner à un format cinéparc pour l’automne. Dans tout ce qu’on voit dans les projections et les tendances de l’industrie, et sachant qu’on a encore dix mois devant nous, notre plan A est un WIFF tel qu’on l’a connu en 2019.

Comment réagissez-vous au blocage du pont Ambassador par des manifestants anti-vaccin?

C’est malheureux et bas, purement et simplement.

Aux côtés de la ministre de la Culture, Lisa McLeod, et du maire de Windsor, Drew Dilkens, Vincent Georgie annonce le retour du WIFF sous les étoiles . Source Twitter WIFF

Vous siégez au conseil d’administration d’Ontario créatif, depuis l’automne dernier. Quel est votre rôle au sein de cette agence gouvernementale dédiée au développement économique des industries culturelles?

Dans cette agence, mon rôle est celui d’un expert-conseil du milieu cinématographique. On assure une veille stratégique afin de favoriser les succès économiques de l’industrie. On peut avoir deux grands impacts. D’abord sur les rabais d’impôt accordés aux production tournées en Ontario, que ce soit dans musique ou le cinéma. L’autre élément important, c’est attirer les productions dans la province.

Quel est justement le potentiel cinématographique de la région de Windsor?

Il y a un gros intérêt à Windsor mais, pour se développer dans une région, l’industrie de film dépend en très grande partie de décisions fiscales et économiques. S’il y a autant de films tournés dans le Nord de l’Ontario, c’est essentiellement à cause des rabais d’impôt. L’autre point important est l’inventaire des sites intéressants, du climat et la géographie, montrer ce qu’on peut offrir pour répondre aux besoins d’une certaine géographie et architecture.

Pour quelle raison la pandémie n’a-t-elle pas mis un coup d’arrêt aux productions cinématographiques?

Durant la pandémie, les gens sont chez eux et consomment du contenu rapidement. Les géants ont donc besoin de beaucoup plus de contenus pour demeurer concurrentiels. La production de films n’a jamais été aussi rapide. Il y a quantité de films en tournage ou qui vont tourner à cause de l’acquisition de nouveaux contenus par les streamer comme Netflix, Amazon, etc. Beaucoup de tournages ont annulés mais, dans le même temps, on a vu des productions changer de géographie en fonction de l’évolution du virus. Je pense à l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Danemark.

Vincent Georgie réserve une place particulière aux films francophones dans le festival. Source : Facebook WIFF

En quoi consiste vos travaux et responsabilités universitaires?

Je suis professeur de marketing à l’Université de Windsor. Mes activités se concentrent sur le marketing de l’industrie du cinéma, la création et l’activation communautaire des festivals de film. Le marteking du cinéma est tout ce qui suscite l’intérêt des gens pour la consommation de films. Je suis aussi vice-président associé de l’Université. Je m’occupe du portfolio marketing, relations publiques et gouvernementales de l’université.

Quel est le pire film que vous ayez vu dans votre vie?

Il y en a plein. Un des mythes du rôle de chef programmateur de festival est de croire qu’on trouve tous les films bons, mais ce n’est pas le cas! Un des pires dont je me souvienne est Murder Mystery avec Adam Sandler et Jennifer Ansiton. Je ne peux même pas dire que c’était un film. C’était atroce, un manque d’idée, un manque de tout. Je ne comprennais pas que ça existait, qu’on ait financé ni même écrit ça.

Si la communauté francophone de Windsor était un film, serait-ce un film d’action? Une comédie dramatique?

Ca serait un film très chaleureux avec un très bon casting, un film intime entre les acteurs et actrices, car les francophones à Windsor se tiennent ensemble. Ils sont très fiers, engagés et attachés à l’histoire francophone de la région. »


LES DATES-CLÉ DE VINCENT GEORGIE :

1980 : Naissance à Chateauguay, au Québec

2009 : Intègre l’Université de Windsor comme professeur de marketing

2013 : Nommé directeur général du WIFF

2020 : Devient vice-recteur associé de l’Université de Windsor

2021 : Nommé membre du conseil d’administration d’Ontario créatif

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.