Un budget de la dernière chance?

Le ministre des Finances, Charles Sousa, lors du dépôt de son budget 2014.

 

TORONTO – Un budget de la dernière chance.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

C’est ce qu’a déposé le gouvernement libéral minoritaire de l’Ontario, le jeudi 1er  mai.

Un budget que les troupes de Kathleen Wynne sont, de toute évidence, prêtes à défendre aussi bien devant les parlementaires que devant les électeurs.

« Nous demanderons aux partis d’opposition de nous dire clairement s’ils appuieront, ou non, notre budget. Et s’ils ne veulent pas l’appuyer, nous sommes prêts à le présenter à la population », a défié Charles Sousa, ministre des Finances, lors d’un point de presse peu avant le dépôt de son budget.

M. Sousa apparaît plus généreux et moins préparé à faire des compromis qu’il ne l’était en 2013, et ce, même si les finances de la province sont moins encourageantes qu’elles ne l’étaient à ce moment-là.

Les libéraux à Queen’s Park projettent un déficit de 12,5 milliards $ pour la prochaine année.

Il s’agirait là d’un important recul. Le gouvernement prévoyait, jusqu’à tout récemment, que le manque à gagner de la province se résorberait de 11,3 milliards $ à 10,1 milliards $ en 2014.

L’élimination complète du déficit serait, par contre, toujours possible d’ici 2018, aux dires de M. Sousa.

Le ministre des Finances affirme que 98% des Ontariens « ne verront pas de hausse d’impôts » si son budget est adopté. Cependant, les contribuables gagnant plus de 150000$ par année, eux, devraient payer un peu plus.

Régime de pensions

Sans surprise, les libéraux assoient une bonne partie de leur budget sur la création d’un régime provincial de pensions. Ce programme, calqué sur le modèle fédéral et administré par un organisme indépendant, serait financé à parts égales par les employeurs et employés au moyen d’une cotisation maximale de 3,8% du salaire des participants.

« Les deux tiers des Ontariens n’économisent pas assez pour leur retraite », a signalé M. Sousa, déplorant au passage le refus du gouvernement fédéral de bonifier son régime de pensions.

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Les contribuables qui économisent déjà suffisamment pour leur retraite, via des régimes privés, pourraient se soustraire d’un régime public provincial.

Transports

Sur le plan des transports, encore une fois sans surprise, le clan Wynne souhaite dépenser 29 milliards $ sur dix ans.

La moitié de cette enveloppe, soit 15 milliards $, irait à la grande région de Toronto et Hamilton pour bonifier et électrifier le réseau de trains de banlieues GO, notamment. L’autre moitié irait au reste de la province, pour l’élargissement et le prolongement de routes provinciales comme la 69 dans la région de Parry Sound.

Pour payer la note, les libéraux proposent de faire bifurquer leurs revenus actuels des taxes sur l’essence – environ 14¢ par litre de carburant – dans des fonds dédiés pour les transports et l’infrastructure. Ils n’excluent pas d’imposer davantage les mieux nantis et, « au besoin », de contracter de nouveaux emprunts provinciaux.

Emplois

Les libéraux à Queen’s Park prévoient injecter 2,5 milliards $ sur dix ans pour un « Fonds pour l’emploi et la prospérité », ayant pour but d’attirer des entreprises et créer des emplois.

M. Sousa promet aussi 1 milliard $ pour construire des routes toutes saison et de l’infrastructure communautaire dans le but de favoriser l’exploitation minière dans le Cercle de feu, dans le nord-ouest de la province. L’investissement serait toutefois conditionnel à une contribution équivalente d’Ottawa.

Au chapitre de l’énergie, les libéraux promettent de supprimer la redevance de liquidation de la dette de l’ancienne société d’État provinciale Hydro Ontario sur les factures d’électricité des clients résidentiels, après le 31 décembre 2015. Le hic, c’est que l’entrée en vigueur d’un tel rabais, d’environ 67$ par année, coïnciderait avec l’abolition de la Prestation ontarienne pour l’énergie propre qui, elle, équivaut à une économie moyenne de 200$ par année.

Éducation et santé

Les écoles de l’Ontario recevraient environ 1,1 milliard $ par année pour les dix prochaines années, en vertu du plan libéral. Elles recevraient aussi 150 millions $ pour se doter d’outils d’apprentissage technologiques, comme des tablettes.

L’ébauche budgétaire ne laisse toutefois entrevoir aucun nouvel investissement sur le postsecondaire. Les francophones continueraient à écouler la subvention de 14,5 millions $ sur deux ans pour accroître le nombre de programmes collégiaux et universitaires dans centre et le sud-ouest de la province, annoncée en 2013.

Les libéraux promettent aussi 11,4 milliards $ sur dix ans pour agrandir et rénover des hôpitaux. Une somme de 810 millions $ sur trois ans serait affectée à l’élimination des listes d’attente pour des services aux personnes atteintes d’une déficience intellectuelle.

Un poste d’ombudsman des patients serait créé, pour accroître la transparence des hôpitaux.

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Le gouvernement se dit prêt, par ailleurs, à accorder d’ici 2016 des hausses des salaires de 11$ à 14$ l’heure pour les travailleurs de la petite enfance, et de 12$ à 16,50$ l’heure pour les préposés aux services de soutien à la personne.

Le fédéral pris pour cible

Fait intéressant : les libéraux consacrent un chapitre complet de leur budget aux mesures du gouvernement fédéral qui, disent-ils, « ont nui à la population et aux entreprises de l’Ontario et sapé le plan financier de la province ». Ils reprochent aux conservateurs à Ottawa, entre autres, d’avoir coupé leurs paiements de péréquation de 641 millions $ dans leur dernier budget.

Mais, du même souffle, le clan Wynne réclame du fédéral qu’il soit « un partenaire solide et qu’il investisse davantage dans l’infrastructure publique ».

Balance du pouvoir

Le gouvernement libéral minoritaire de l’Ontario a pu survivre depuis 2011 grâce à l’appui ou l’abstention de vote du Nouveau Parti démocratique (NPD).

La formation d’Andrea Horwath se retrouvera à nouveau avec la balance du pouvoir lors du vote de confiance auquel  le gouvernement devra soumettre son ébauche budgétaire, d’ici quelques semaines.

La chef du deuxième parti d’opposition à l’Assemblée législative n’a voulu réagir immédiatement au dépôt du budget, le 1er mai. Elle a convoqué la presse le lendemain. Du jamais vu dans la province.

Les progressistes-conservateurs de Tim Hudak, eux, ont déjà indiqué qu’ils voteront contre le budget, peu importe son contenu.