Le Mois du patrimoine libanais est célébré en novembre pour souligner l'anniversaire de l'indépendance du pays obtenue il y a 80 ans. Source : Canva

ONTARIO – C’est ce mois-ci qu’est célébré, pour la première fois, le patrimoine libanais partout au pays. En pleine Semaine nationale de l’immigration francophone (SNIF), la diaspora franco-libanaise dit vouloir afficher fièrement son héritage même si le contexte politique au Moyen-Orient et ses impacts au Canada viennent entacher les festivités.

Le Mois du patrimoine libanais était attendu depuis longtemps par les quelque 210 000 personnes d’ascendance libanaise du pays, dont près de 81 000 vivent en Ontario.

Ibrahim Ajouz gère un groupe Facebook de Libanais de Toronto, comme beaucoup il se dit fier de voir la reconnaissance du pays : « Je suis très content que maintenant la communauté libanaise ait un mois spécifique où on peut célébrer notre héritage, notre culture. »

Approuvé à l’unanimité par le Parlement du Canada, le projet de loi S-246, visant à reconnaître ce mois, a reçu la sanction royale pour devenir loi le 26 juin dernier. La députée fédérale Lena Metlege Diab est celle qui a poussé la proposition de cette motion, avec la ministre de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes en situation de handicap, Kamal Khera.

Mme Metlege Diab ira à des événements organisés à l’occasion du mois en Nouvelle-Écosse où vit une partie de la communauté. Source : Parti libéral du Canada

Un lever de drapeau sera organisé pour la première fois de l’histoire au Parlement d’Ottawa le 22 novembre prochain, coïncidant ainsi avec la fête de l’indépendance du pays. Du côté de la province, le mois existe depuis 2017 avec, notamment, un lever de drapeau à Queen’s Park.

« Quand, collectivement, nous choisissons de célébrer un mois voué au patrimoine d’un peuple, nous aidons les communautés à se sentir encore plus chez elles au Canada », avaient déclaré les élues au début du mois dans une déclaration commune.

Le premier ministre avait lui-même invité la population à en apprendre davantage sur le pays dans son message officiel : « Que ce soit par le partage de la cuisine nationale libanaise, par les célébrations où la musique et la danse traditionnelles sont à l’honneur, ou par leur influence dans les domaines des sciences et de la médecine, les Canadiens d’origine libanaise contribuent à faire du Canada le pays que nous aimons. »

Si la cuisine libanaise en est un des points d’intérêt, pour Elissa Kabboush « le Liban c’est bien plus que le houmous ». L’étudiante à l’Université d’Ottawa, arrivée en 2018, ajoute que son pays d’origine « c’est des traditions, du multiculturalisme, un exemple de tolérance. »

De mêmes valeurs multiculturelles

Selon le consul honoraire du Liban à Toronto, Grégoire Bostajian, la présence libanaise mérite d’être enfin célébrée, car elle contribue à l’essence du pays depuis plus d’un siècle : « Les Libanais sont au Canada depuis 140 ans, on était là avant même le Titanic. »

M. Bostajian considère le bilinguisme des Libanais de l’Ontario comme une force pour le Canada. Gracieuseté

Ce à quoi la députée Metlege Diab ajoute que des Libanais ayant perdu la vie lors du fameux naufrage sont enterrés à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Les premiers immigrants libanais étaient alors majoritairement des chrétiens cherchant à fuir l’Empire ottoman. Plus récemment, ce sont près d’un million de personnes qui se sont déplacées vers le Canada pour échapper à la guerre civile du Liban qui a duré 15 ans avant de prendre fin en 1990.

À Sault Ste. Marie, Blind River ou encore Elliot Lake, dans le Nord, réside une dizaine de familles de seconde ou troisième génération.

« En tant que médecin chirurgien, la ville de Sault Ste. Marie nous a très bien accueillis », raconte le docteur Nadim Haidar. Installé dans la ville avec sa famille depuis un peu plus de 13 ans, il explique que l’intégration dans le Canada, pays où le multiculturalisme est célébré, est facilitée par le fait que le Liban accueille lui aussi une diversité de religions et langues. « Les Libanais sont au moins trilingues, donc je fais mes consultations en français ou en anglais, ce que beaucoup de francophones apprécient », lance-t-il.

Le Liban compte une importante population bilingue dont la plupart habitent au Québec, plus spécifiquement à Montréal. Hors Québec, le pays arrive en 8e position des pays d’origine des nouveaux résidents permanents d’expression française, selon des données de Statistique Canada de 2022, soit juste après la République démocratique du Congo et la Tunisie, entre autres, et juste avant Haïti.

Le conflit au Moyen-Orient, l’ombre au tableau

Si tous se réjouissent de voir cette reconnaissance, les cœurs sont lourds pour de nombreux Libanais qui suivent de très près la situation au Moyen-Orient, faisant craindre une escalade du conflit au Liban voisin.

« Vraiment nos cœurs et nos prières sont avec toutes les personnes au Moyen-Orient, c’est une catastrophe », se désole M. Bostajian.

« Ce n’est pas facile ces dernières semaines, on voudrait la paix, on pleure beaucoup », lance de son côté avec un trémolo dans la voix la députée Metlege Diab.

M. Ajjouz a lui aussi des inquiétudes par rapport à la situation. Gracieuseté

Néanmoins, tous les deux s’accordent pour dire qu’il n’y a pas de mal à vouloir se rassembler et être fiers de son héritage en ce mois spécial pour la communauté : « C’est important qu’on célèbre, on n’a pas besoin de danser ou chanter, mais ce mois ça nous donne de l’espoir. »

Mme Kabboush estime, de son côté, être très chanceuse d’être au Canada, particulièrement en ce moment : « On réalise tous les jours combien on est choyé de vivre dans un pays où on se sent en sécurité, peu importe nos croyances ou nos origines. »

Des activités prévues pour la SNIF cette année ont, notamment, dû être annulées dans le Nord en raison des impacts du conflit sur la communauté.