Selon le BFR et les chiffres de 2021-2022, il y avait près de 110 000 enfants de plus en droit de fréquenter les écoles du système d’éducation en langue française que de places disponibles. Source : Canva

TORONTO – Selon un rapport du Bureau de la responsabilité financière (BRF) publié ce mardi, bien que les conseils scolaires francophones reçoivent de plus grands financements par élève que les conseils scolaires anglophones en Ontario, il y a aussi près de 110 000 enfants en droit de fréquenter les écoles de langue française de plus que de places disponibles, soit 41 % des élèves qui ne peuvent pas y avoir accès.

Selon le dernier rapport du BRF sur les conseils scolaires de l’Ontario, en 2021-2022 les écoles des systèmes scolaires français (publique et catholique) disposaient de 158 309 places seulement au total pour les 268 250 enfants et jeunes dont les parents étaient titulaires des droits liés au français, soit une couverture partielle de 59 %.

Par conséquent, il y avait environ 110 000 enfants de plus en droit de fréquenter les écoles du système d’éducation de langue française que de places disponibles, soit 41 % d’enfants éligibles ne pouvant pas se tourner vers des écoles francophones.

Au manque de places disponibles s’ajoute également le problème de proximité géographique avec les écoles de langue française qui constitue un obstacle pour les parents éligibles qui voudraient que leur enfant fréquente une école francophone.

Nombre d’enfants et de jeunes d’âge scolaire en Ontario, avec des parents titulaires des droits liés au français, comparativement au nombre de places dans les écoles de langue française (systèmes public et catholique), 2021-2022. Source : BRF

Selon Statistique Canada, la fréquentation des écoles du système d’éducation en langue française baisse considérablement avec l’allongement de la distance entre le lieu de résidence de l’enfant et l’école de langue française la plus proche. En Ontario, moins de la moitié des enfants (46,7 %) susceptibles de bénéficier d’une éducation en langue française sont à distance de marche (c’est-à-dire moins de 2 kilomètres) d’une école du système d’éducation en langue française.

« Bien que les systèmes scolaires français gèrent moins de conseils scolaires, ces derniers couvrent une zone géographique plus grande », signifiant qu’il y a moins d’écoles et que celles-ci doivent couvrir et desservir de plus grandes zones géographiques : un territoire 7,8 fois plus vaste à couvrir pour les conseils scolaires publics francophones, en comparaison de l’équivalent public anglophone, et 3,6 fois plus vaste pour les conseils scolaires catholiques francophones par rapport à leurs homologues anglophones.

Le rapport fait également montre de grandes inégalités en matière de couverture régionale : « En 2021, 30 des 49 divisions de recensement en Ontario présentaient une couverture inférieure à 50 %; parmi lesquelles 12 comptaient au total 5 195 enfants et jeunes qui n’ont pas d’écoles de langue française et dont les parents sont des titulaires des droits liés au français. Dans la région du grand Toronto et de Hamilton (RGTH), la couverture allait de 19 % (Peel) à 37 % (Hamilton), alors qu’Ottawa avait une couverture de 71 %. »

« Un besoin criant d’infrastructures pour les élèves francophones »

Megan Cotnam-Kappel, professeure adjointe à la faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, spécialiste en technologies éducatives et en éducation en milieu minoritaire, se dit consciente de l’écart entre le nombre d’enfants éligibles à l’éducation en français et ceux qui sont inscrits et explique que les conseils scolaires et leurs partenaires, dont l’Université d’Ottawa, collaborent sur cette question pressante.

« Je suis très heureuse de voir cette étude qui suscite chez moi l’espoir d’une attention accrue et de ressources supplémentaires. Nous sommes engagés dans la résolution de ce problème par l’augmentation de la capacité de formation des enseignants, 110 places supplémentaires dont 70 à l’Université d’Ottawa et 40 à l’Université de l’Ontario français (UOF). Les conseils scolaires font également tout ce qu’ils peuvent pour recruter davantage. »

« En revanche, nous avons besoin d’investissements accrus, de plus d’infrastructures, de plus d’écoles pour répondre à ces besoins », développe celle-ci.

Megan Cotnam-Kappel, professeure adjointe à la faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, est spécialiste en technologies éducatives et en éducation en milieu minoritaire. Gracieuseté

« Non seulement il faut augmenter le nombre de places, mais aussi l’offre à travers la province. Il s’agit parfois de communautés minoritaires qui n’ont pas toujours l’option d’aller dans une école de langue française, tout simplement parce que l’option n’existe pas, à cause du manque d’infrastructures, pour ces jeunes qui ont un droit constitutionnel à cette éducation. »

Elle raconte son exemple personnel à elle qui, en tant qu’élève, devait parcourir 30 km aller et 30 km retour pour avoir accès à son école de langue française dans le Centre-Sud de la province.

« C’est un énorme choix qu’ont fait mes parents qui m’a rappelé quotidiennement l’importance de cet accès qui n’était pas facile », conclut-elle en martelant que les ressources, le personnel, le recrutement et l’infrastructure sont les enjeux et défis majeurs et urgents.

Plus de financement par élève pour les conseils francophones

Parmi les 72 conseils scolaires ontarien, dont 12 conseils scolaires francophones, les huit du système catholique français comptaient en 2021-2022 77 000 élèves (3,8 %) et les quatre du système public français, comptaient 35 000 élèves (1,7 %).

À titre de comparaison, le système scolaire public anglais, totalisant 31 conseils scolaires, comptait en 2021-2022 1,3 million d’élèves (66,7 %) et le système catholique anglais, totalisant 29 conseils scolaires, comptaient 555 000 élèves (27,8 %).

Répartition des effectifs et zone géographique par système scolaire. Source : BRF

Le rapport du BRF indique que les conseils scolaires de langue française ont reçu des financements par élève plus élevés, soit 18 585 dollars par élève pour le système public français et 17 680 $ par élève pour le système catholique français, contre 13 027 $ et 13 252 pour les systèmes anglophones respectifs.

Une différence qui se justifie par le plus petit nombre d’inscriptions (certaines subventions provinciales fournissant une aide d’un montant minimal prescrit à chaque conseil scolaire, peu importe sa taille), la faible concentration démographique (plus de fonds sont alloués aux conseils scolaires dont les écoles sont éloignées les unes des autres), l’éloignement géographique (plus de fonds sont alloués aux conseils scolaires dont les écoles sont éloignées d’un centre urbain) en plus de recevoir du financement ciblé pour la langue française.

Financement provincial des conseils scolaires par élève, année scolaire 2021-2022. Source : BRF