Campagne municipale décevante pour les francophones de Timmins
TIMMINS – À moins de deux semaines du scrutin, la campagne électorale municipale laisse peu de place aux enjeux francophones pourtant bien réels à Timmins, regrette l’Alliance de la francophonie de Timmins.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
« Les enjeux francophones ne sont pas une priorité naturelle pour les candidats. Pour la première fois, la très grande majorité des affiches électorales sont juste en anglais. Et même dans le quartier 1, qui est pourtant très francophone, on n’a même pas un candidat francophone! »*, regrette le directeur général de l’Alliance de la francophonie de Timmins, Sylvin Lacroix.
Pourtant, des dossiers francophones importants existent, poursuit-il. À commencer par celui du centre de santé communautaire francophone, réclamé par la communauté depuis plus de 30 ans. Le gouvernement libéral a beau en avoir confirmé le financement avant les dernières élections provinciales, le projet aura aussi besoin du conseil municipal pour se concrétiser.
« Ce n’est pas un appui financier qu’il nous faut, mais la ville va être un partenaire important dans la planification du centre. Elle peut aider, notamment pour l’obtention des permis. »
Concernant la reconstruction du centre culturel La Ronde, c’est un appui financier qui sera espéré de la part de la municipalité, ajoute-t-il.
« Pourquoi ma facture de taxes est-elle uniquement disponible en anglais? » – Sylvin Lacroix
Dans une ville où 36,2 % de personnes ont le français comme première langue officielle parlée, soit plus de 14 000 francophones, l’organisme aimerait également que le prochain conseil municipal développe davantage les services en français et le bilinguisme de son affichage public.
« Il y a six mois, on nous avait dit que ce serait le cas, y compris pour l’affichage touristique qui devait être disponible en anglais, en français et en cri. On attend toujours… Quant aux services municipaux en français, ça dépend d’une fois sur l’autre… Il faudrait que ça devienne un standard. »
Cinq candidats
Le directeur général reconnaît que son organisme aurait peut-être dû en faire plus pour pousser ces dossiers auprès notamment des cinq candidats qui briguent la mairie. Plusieurs d’entre eux ont toutefois été approchés, dont les deux favoris, le maire sortant Steven Black et George Pirie.
Après un premier mandat, M. Black dit vouloir poursuivre son travail au sein de la municipalité et fixe ses priorités autour de l’emploi et de l’économie, de la qualité de vie, de l’accès à des services abordables et des infrastructures.
« Nous avons fait un bon travail, notamment sur le plan fiscal. Je pense qu’il est important de continuer dans cette voie, en attirant de nouvelles compagnies et en rendant notre municipalité plus attrayante pour garder notre population et en attirer davantage. »
Son principal adversaire, M. Pirie, se montre toutefois critique de la situation actuelle, utilisant le déficit du Festival Stars and Thunder comme exemple d’une gestion inadéquate des finances publiques.
« Ça fait longtemps que je m’intéresse à la politique et notamment la politique municipale. J’ai réfléchi longtemps avant de me lancer dans cette course, mais je l’ai fait, car je ne suis pas content de la direction prise. Notre population est en déclin, nos taxes sont élevées… Je ne suis pas contre les activités culturelles, mais ça ne doit pas être aux contribuables de payer pour les déficits. Il est temps de travailler tous ensemble, avec les gens d’affaires, tous les niveaux de gouvernements et les premières nations pour relancer notre économie et la diversifier. »
Appui discret
Les deux adversaires, qui ont répondu en anglais lors de l’entrevue, se sont montrés discrets sur les enjeux francophones pendant la campagne. Interrogés par #ONfr, ils restent peu bavards sur le sujet.
« Nous voulons être inclusifs et continuer à supporter la communauté franco-ontarienne qui représente un important pourcentage de notre population. Je veux continuer à développer l’affichage bilingue et soutenir les projets comme le centre culturel La Ronde et le centre de santé communautaire qui va bénéficier à toute la population », explique M. Black.
Le maire sortant défend ses accomplissements en francophonie, insistant notamment sur la place faite à la musique francophone pour fêter la St-Jean-Baptiste lors de l’événement Stars and Thunder ou encore, la présence permanente du drapeau franco-ontarien à l’hôtel de ville.
M. Lacroix juge que le bilan de M. Black, qui a également suivi des cours de français, est plus positif que négatif.
« Il a fait de bonnes choses, mais j’espérais qu’il serait allé plus loin. On sent qu’il a toujours une crainte de perdre le vote anglophone. »
Son adversaire, qui se présente comme un francophile et qui a choisi un directeur de campagne francophone, cite deux priorités.
« La communauté franco-ontarienne est très importante pour notre ville. Je veux l’aider à accomplir ses projets, que ce soit le centre de santé communautaire francophone et le centre culturel La Ronde. »
Un candidat francophone
Face à eux, un candidat francophone s’est lui aussi lancé dans la course à la mairie. S’il reconnaît avoir peu de chance de l’emporter, Daniel Fortier dit toutefois vouloir être la voix de la communauté franco-ontarienne.
« La francophonie n’est pas assez visible à Timmins, que ce soit dans les activités culturelles qu’en général, dans la ville. On sent une perte de fierté par rapport à la francophonie, alors qu’étant si près du Québec, on devrait tous être capables de parler dans les deux langues officielles. »
Mais ses propositions restent vagues pour la communauté franco-ontarienne.
« Nous manquons de programmes d’éducation en français », regrette-t-il notamment.
Celui qui se présente pour, selon ses dires, « montrer que tous les politiciens ne sont pas des menteurs », insiste sur sa volonté de redynamiser économiquement Timmins, de lutter contre la pauvreté et de permettre un meilleur accès à la propriété.
Si M. Fortier est le seul candidat francophone à la mairie, plusieurs autres candidats franco-ontariens briguent des postes de conseiller municipal. Pour M. Lacroix, il s’agira moins d’avoir des maires ou des conseillers francophones que de gens sensibles à la réalité franco-ontarienne.
« Ce serait extraordinaire d’avoir des francophones autour de la table, mais si on a des anglophones qui sont sensibles à notre communauté, c’est bien aussi. Nous sommes prêts à travailler avec tous les élus. »
À noter qu’au moment de publier cet article, les deux autres candidats à la mairie, Raymond Burey et Lauchlan MacInnes n’avaient pas répondu aux demandes d’entrevue de #ONfr.
*Contrairement à ce qui est indiqué dans cette citation et après vérification des faits, un candidat francophone se présente dans le quartier 1 en la personne de Roch Whissell.
Cet article a été mis à jour le lundi 15 octobre à 11h38.