
Fermeture du magasin Scott’s à Mattawa : « un coup dur pour toute la communauté »

MATTAWA – La fermeture prochaine du magasin Scott’s No Frills, franchisé sous la bannière Giant Tiger, suscite l’inquiétude dans cette petite municipalité du nord de l’Ontario dont les alternatives sont limitées. Le maire Raymond Bélanger et des citoyens mobilisés déplorent une décision corporative qui prive la ville d’un service essentiel.
C’est à travers un communiqué diffusé le 12 juillet dernier, que l’équipe de ce magasin qui offre vêtements à bas prix pour enfants, produits ménagers, articles saisonniers et produits d’épicerie a annoncé la nouvelle.
Les tentatives de la Ville pour obtenir des explications quant à cette décision ont été vaines, les responsables locaux ayant été redirigés vers le siège social de l’entreprise, sans réponse.
Dans une brève communication transmise à ONFR, la direction de Giant Tiger a confirmé que le magasin Scott’s Discount de Mattawa, situé au 328 rue Main, fermera définitivement ses portes le samedi 30 août 2025.
« La décision de fermer l’un de nos magasins n’est jamais prise à la légère. Elle résulte d’une analyse approfondie », précise l’entreprise, ajoutant que la priorité demeure d’« assurer un soutien aux employés et aux clients touchés ».

Les réactions politiques n’ont pas tardé. Le député provincial de Nipissing, Vic Fedeli, ainsi que la députée fédérale Pauline Rochefort se sont dits préoccupés par les répercussions de cette fermeture sur les familles locales, dans une lettre au public diffusée par la municipalité.
« C’est une décision corporative, ils ne nous donnent aucune justification », déplore le maire de cette petite municipalité dont 24 % de la population a le français comme première langue officielle parlée.
« Ils nous disent simplement qu’on peut continuer à acheter leurs produits en ligne ou aller à Deep River ou North Bay. C’est ce que moi j’appelle un dead end. C’est vraiment un coup dur pour toute la communauté », continue M. Bélanger.
Peu d’options à Mattawa
Le magasin Scott’s, présent à Mattawa depuis 20 ans, joue un rôle important dans l’économie locale et dans l’accessibilité à des produits alimentaires à prix réduit.
Dans cette municipalité de moins de 2 000 habitants, l’offre en matière d’épicerie et de produits de base est déjà restreinte.
« Il n’y a pas d’autre endroit à Mattawa pour acheter des vêtements. Si ça ferme, c’est fini », affirme Louise Guérin, soulignant l’absence d’alternatives accessibles, en particulier pour les enfants.
« Oui, il y a une belle boutique pour les femmes, mais ce n’est pas des vêtements de tous les jours », ajoute celle qui vit dans la ville depuis toujours.
Rencontrée au détour d’un rayon du magasin, Hélène Moyneur ne cache pas son inquiétude : « On vient toujours ici, au moins quatre fois par semaine, parce que c’est ici qu’on peut avoir les aliments, surtout les fruits et légumes », explique cette résidente retraitée de Mattawa.

Elle donne l’exemple des champignons, qu’elle achète pour 1,25 $ au magasin : « Si tu traverses de l’autre bord, ça va être minimum 4 $ pour le même genre. » Les deux seules épiceries de la ville, Foodland et Freshmart, ne suffisent pas à répondre aux besoins, selon celle qui raconte vivre sur une petite pension. « Tout est dispendieux ici. »
Avec la disparition d’un des rares magasins à prix abordable en ville, les habitants risquent d’avoir à parcourir jusqu’à 60 km pour accéder à des épiceries équivalentes, une contrainte difficilement soutenable pour une part significative de la population.
« Les gens qui n’ont pas de voiture, comme les aînés, vont être lourdement pénalisés », craint Mme Guérin.
La fin pour les petites ruralités ?
Pour certains résidents, la fermeture de commerces locaux comme Scott’s est le symptôme d’un mal plus profond.
« Je crois tout simplement que les petites villes rurales vivent leurs derniers jours. La plupart sont endettées, paient des taux d’intérêt élevés », écrit un citoyen préoccupé.

Selon Jean-Jacque DeGatineau, Mattawa, jadis prospère grâce à ses industries, souffre aujourd’hui des conséquences de mauvaises décisions politiques prises par les conseils municipaux successifs.
« Il n’y a plus rien qui retient les gens d’ici : pas d’emplois, pas d’industrie, pas de production. La ville risque de devenir un fantôme de ce qu’elle a été. L’économie locale dépend désormais presque entièrement de l’écotourisme, note-t-il. Juste assez pour rester à flot. »
Louise Guérin s’inquiète aussi pour les quelque 10 employés, majoritairement des femmes, qui travaillaient à salaire minimum et pour qui peu d’autres options d’emploi existent à Mattawa.
« Ce n’est pas une petite ville où il y a beaucoup d’emplois. Je ne peux pas m’imaginer ce que ces gens-là vivent. »
Pour les résidents, cette fermeture illustre une réalité plus large : celle d’un effritement du tissu social dans les petites communautés du Nord, confrontées à l’abandon progressif des services de proximité.
« C’est important d’avoir des magasins où les gens se rencontrent. Scott’s, c’était un peu comme un magasin général. J’ai peur qu’on perde ce sens de communauté là », confie encore Mme Guérin en référence à la tendance de l’achat en ligne qui séduit de plus en plus.

Une pétition lancée
Dans les jours qui ont suivi l’annonce, Mike Guay, citoyen et créateur d’une pétition en ligne, a rassemblé 1355 signatures – au moment d’écrire ces lignes – pour tenter de sauver le magasin, révélant l’ampleur du mécontentement local.
L’administration municipale espère maintenant qu’un repreneur potentiel se manifestera pour maintenir un commerce de détail dans les lieux. « On espère qu’une compagnie quelconque va voir qu’il y a une nouvelle opportunité à Mattawa », dit M. Bélanger. « Et puis, on espère que ça se passe plus vite que plus tard. »
Puisque le bâtiment qui abrite le commerce n’appartient pas à Giant Tiger, le maire n’écarte pas que le propriétaire des lieux puisse aussi tenter d’attirer un nouveau locataire pour éviter que l’espace ne reste vacant trop longtemps.
Le conseil municipal encourage les résidents qui ne l’auraient pas encore fait à exprimer leur désaccord directement auprès de Giant Tiger via son site web.
« Il y a de la force dans le nombre », conclut le trésorier municipal, Paul Laperrière.