Actualité

Casselman vote pour garantir aux citoyens une réponse dans la langue officielle de leur choix

CASSELMAN – Le conseil municipal de Casselman a donné le feu vert, ce mardi soir, à une modification réglementaire visant à ce qu’un citoyen obtienne une réponse dans la langue officielle de son choix lorsqu’il s’adresse au conseil. La décision fait suite à un incident survenu au printemps dernier qui avait suscité malaise et incompréhension au sein de la population.

C’est sans débat que les élus de cette ville, où 74 % de la population a le français comme première langue officielle parlée, ont d’adopté lors du conseil municipal de mardi soir une recommandation visant à renforcer l’usage des langues officielles durant le conseil.

Dorénavant, tout citoyen pourra poser ses questions en français ou en anglais, et la réponse lui sera donnée dans la même langue, ou traduite immédiatement si nécessaire, que ce soit durant la période de questions ou lors de présentations devant les élus.

« Nous sommes une municipalité où la francophonie est une valeur très importante et qu’on respecte énormément, mais il ne faut pas oublier que, avec le temps, il y a beaucoup plus d’anglophones, et pour moi il est très important de respecter tout autant ces gens-là », a insisté la conseillère Francine Leblanc en discussion de cette motion qu’elle avait appuyée au printemps.

Le conseiller Sylvain Cléroux a tenu, quant à lui, à féliciter ses collègues : « Le besoin se faisait sentir, et c’est vraiment important de s’assurer que nous traitons les deux langues officielles, particulièrement lors des réunions de conseil. »

Casselman compte environ 3960 habitants selon le recensement de 2021. Photo : Archives ONFR/Benjamin Vachet

Un cadre juridique solide

Cette recommandation est basée sur un avis juridique de Me Ronald Caza, figure bien connue du droit linguistique en Ontario, que l’administration avait mandatée pour un rapport quelques mois plus tôt.

Dans son analyse, l’avocat franco-ontarien confirmait que Casselman disposait du pouvoir légal de modifier son règlement de procédure afin d’y intégrer de nouvelles dispositions linguistiques.

Il a toutefois souligné qu’un tel règlement devrait inclure des dispositions particulières pour les cas où un conseiller ne pourrait pas s’exprimer dans la langue officielle choisie par le citoyen, tout en réitérant que l’objectif légitime demeure de garantir une réponse dans la langue demandée. 

L’avis proposait donc deux scénarios pour répondre aux préoccupations citoyennes :

  • Premier scénario : lorsqu’une question est adressée au conseil dans son ensemble, la réponse doit être donnée immédiatement dans la langue utilisée par le citoyen.
  • Deuxième scénario : lorsqu’une question est posée à un élu ou à un employé qui ne maîtrise pas cette langue, la réponse peut être donnée dans l’autre langue officielle, mais un membre du conseil ou de l’administration doit ensuite en assurer la traduction consécutive.

Cette approche, estimait Me Caza, permet de respecter à la fois les droits linguistiques du public et la liberté d’expression des élus.

L’avocat Ronald Caza a été impliqué dans plusieurs dossiers de la francophonie, comme celui de la cause Montfort. Photo : archives ONFR/Lila Mouch

Abrogation d’un vieux règlement

Dans le même souffle, le conseil a abrogé le réglement linguistique de 1983, qui prévoyait la production de certains documents municipaux dans les deux langues officielles mais qui n’était plus appliqué de façon cohérente. 

L’administration est désormais mandatée pour dresser une liste des documents disponibles en français et en anglais, qui sera intégrée à la politique municipale de communication et de relations publiques

Le vote du conseil enclenche maintenant un travail administratif. La municipalité devra préparer un amendement formel à son règlement de procédure afin d’y intégrer les nouvelles dispositions linguistiques. Celui-ci sera adopté officiellement lors d’une réunion ultérieure.

« Ce n’est pas une question d’imposer quoi que ce soit aux élus, mais de s’assurer que les droits des citoyens soient respectés », a rappelé à ONFR le conseiller Paul Groulx.

Paul Groulx représente le quartier 4 de Casselman depuis 2018. Photo : Gracieuseté de Paul Groulx

La controverse

À l’origine de cette controverse, un incident survenu le 20 mai dernier : lors d’une séance du conseil, une citoyenne s’était exprimée en français et la mairesse Geneviève Lajoie lui avait répondu en anglais, provoquant un malaise palpable dans la salle.

« Toutes les municipalités devraient s’assurer que leurs citoyens soient respectés dans la langue officielle qu’ils choisissent »
— Paul Groulx

Dans les jours suivants, le conseiller Paul Groulx avait déposé une motion visant à garantir qu’à l’avenir, tout citoyen qui s’adresse au conseil obtienne une réponse dans la langue officielle de son choix.

« On sentait une tension dans la salle. Les gens avaient l’impression que rien n’était fait pour les respecter. Plusieurs citoyens sont venus me dire à quel point c’était important », a expliqué M. Groulx.

La mairesse Geneviève Lajoie a soutenu que l’adoption de l’avis de motion pourrait entraîner une contestation judiciaire, estimant qu’il risquait d’enfreindre la Charte canadienne des droits et libertés. Malgré ses réserves, les quatre conseillers municipaux de Casselman ont appuyé la motion, tandis qu’elle a voté contre.

Au-delà de Casselman

Pour Paul Groulx, l’enjeu dépasse largement les frontières de la petite municipalité de Prescott-Russell. 

« Ça ne concerne pas seulement Casselman. Toutes les municipalités devraient s’assurer que leurs citoyens soient respectés dans la langue officielle qu’ils choisissent », a-t-il souligné.

Selon lui, l’adoption de cette motion constitue un geste fort pour la francophonie locale et pour la communauté anglophone également. « C’est une question d’équité et de respect », a-t-il insisté.