Quand le savoir-faire franco-ontarien relance le fromage de l’Outaouais
LA NATION – La Fromagerie coopérative St‑Albert, entreprise franco-ontarienne centenaire, prend les devants pour relancer la Fromagerie Montebello, en difficulté au Québec. Le partenariat stratégique, annoncé jeudi, permet de sécuriser des emplois tout en renforçant la présence franco-ontarienne dans le secteur laitier.
Le partenariat entre St‑Albert et Montebello ne s’est pas fait du jour au lendemain.
Éric Lafontaine, directeur général de St‑Albert, raconte qu’il connaît le propriétaire de Montebello depuis une quinzaine d’années et avait déjà discuté à plusieurs reprises de travailler ensemble.
« J’ai semé beaucoup de graines un peu partout pour ce concept-là. Ce partenariat est le résultat de 10 à 12 ans d’efforts », confie-t-il.
Ce n’est que lorsque Montebello s’est retrouvée dans une très mauvaise situation financière, début 2025, que la discussion a véritablement abouti.
« C’est la première fois que des gens me disent : « Écoutez, ça nous tente, on peut en discuter plus longtemps. » C’est là que tout a commencé à prendre forme », ajoute encore M. Lafontaine.
Montebello, une entreprise familiale de produits fromagers de haute qualité fondée en 2011, traversait une crise financière importante après avoir bâti une nouvelle usine il y a quelques années, faute de volumes suffisants pour soutenir les coûts.
Pour Alain Boyer, propriétaire de Montebello, cette alliance marque un tournant : « C’est un grand jour pour la famille Boyer, mais surtout pour la pérennité des emplois et de l’entreprise. »
Mais M. Lafontaine insiste : il ne s’agit pas d’une acquisition. « Les anciens propriétaires restent impliqués et passionnés. Notre rôle est de les supporter et travailler ensemble, pour que l’usine reste dans la région et que le savoir-faire local perdure. »

Une complémentarité entre coopératives
La force de St‑Albert réside dans son statut de coopérative, qui permet une prise de décision collective et une vision à long terme.
Selon M. Lafontaine, le partenariat repose sur la complémentarité et la similitude des forces : « Nous ne sommes pas des compétiteurs directs, mais nos compétences et ressources se complètent parfaitement. Nous avons la force de la distribution, de la vente et de la gestion, eux un savoir-faire artisanal exceptionnel. Ensemble, nous allons plus loin. »
La Laiterie de l’Outaouais, troisième partenaire du projet, apporte sa propre expertise dans le lait de consommation, renforçant ainsi le concept de « recrutement régional » et de synergie interentreprises.
« Quand on joint nos forces, on devient vraiment un acteur régional plus fort », explique-t-il.
Même son de cloche à la Chambre de commerce de Prescott-Russell : « nous voyons ce type d’initiative comme un modèle à suivre : lorsqu’on unit nos forces, les retombées sont positives autant sur le plan économique qu’humain. »
Et d’ajouter : « Ce genre d’initiative montre concrètement à quel point nos entreprises francophones savent innover, se structurer et collaborer pour bâtir des projets solides, qui ont un réel impact dans leur milieu »

Sécuriser l’emploi et stimuler l’économie locale
Le partenariat a des retombées concrètes pour l’Outaouais et l’Ontario. Les emplois à Montebello sont sécurisés et de nouvelles opportunités devraient se créer, notamment dans la distribution et le service à la clientèle.
« Pour nos équipes en Ontario, cela signifie plus d’ouvrage dans les secteurs des montages de commande, des services à la clientèle et pour les livreurs », précise celui qui est à la direction générale de la fromagerie depuis plus de dix ans.
« Au niveau des emplois, on conserve les 20 employés de notre fromagerie. C’est une excellente nouvelle pour notre main-d’œuvre et pour notre village », indique de son côté le propriétaire de Montebello qui espère voir une création d’emplois à moyen terme.
Pour l’entreprise québécoise, ce partenariat ouvre de nouvelles perspectives en Ontario : « Nos fromages vont maintenant se retrouver un peu partout en Ontario grâce au réseau de distribution de Saint-Albert. Ce partenariat nous permet de maximiser la production de notre nouvelle usine et d’exploiter pleinement notre potentiel. »

Un leadership franco-ontarien rare et stratégique
St‑Albert est l’une des rares coopératives franco-ontariennes encore actives dans le secteur laitier canadien et la seule en Ontario, selon M. Lafontaine.
« Il n’y a pas beaucoup de coopératives de producteurs francophones en Ontario, contrairement au Québec où le mouvement coopératif est beaucoup plus développé. Notre rôle est donc stratégique : montrer que le savoir-faire franco-ontarien peut rayonner au-delà de nos frontières », explique-t-il.
L’entente permet également de sécuriser la succession familiale. Le fils de M. Boyer rejoint l’actionnariat et bénéficiera de l’encadrement de la coopérative : « La pérennité de l’entreprise est assurée grâce à un bon encadrement avec nos partenaires. C’est doublement important pour la relève familiale et pour la continuité de Montebello. »
« C’est important pour nous d’avoir la relève engagée dans le projet. Cela garantit que le savoir-faire et l’expertise artisanale se perpétuent pour les prochaines décennies », livre quant à lui M. Lafontaine.

Un modèle pour d’autres entreprises francophones
Pour le Franco-Ontarien, cette collaboration constitue un modèle à suivre. « En 2025, pour survivre et prospérer, les entreprises francophones ne peuvent pas tout faire seules. Il faut travailler ensemble, partager nos forces et créer des partenariats gagnant-gagnant. »
Il espère que d’autres coopératives et entreprises artisanales, en Ontario comme au Québec, s’inspireront de ce partenariat.
« Nous avons montré qu’il est possible de combiner expertise, distribution et savoir-faire artisanal pour assurer la pérennité d’une entreprise et soutenir l’économie locale », conclut-il.
Avec ce partenariat, St‑Albert ne se limite pas à sauver Montebello : la coopérative vise à étendre sa présence au Québec et dans le reste du Canada, tout en développant de nouveaux produits et en consolidant son réseau de distribution.
« Notre objectif est de faire rayonner le savoir-faire franco-ontarien et de sécuriser l’avenir de la coopérative pour les prochaines générations », conclut-il.