Bienvenue à la « Petite Maurice » de Toronto
TORONTO – De nombreux citoyens de l’Île Maurice choisissent de poursuivre leur vie au Canada, où comme dans leur pays d’origine, on parle le français et l’anglais. À Toronto, des dizaines d’entre eux atterrissent sur le campus bilingue de Glendon, où ils composent une partie importante du personnel et de la communauté étudiante.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg
« Seulement sur mon étage, il y a quatre Mauriciens. Oh non, attendez! Il y a aussi Véronique, Noël, Chantal, Delphine… et d’autres. Vous me faites réaliser que je suis entouré de Mauriciens! », lance le Principal de Glendon, Donald Ipperciel. Sur la vingtaine de bureaux qui l’entourent, la moitié sont en fait occupés par un Mauricien d’origine.
« Les Mauriciens, c’est spécial. C’est notre plus grande minorité francophone au sein du personnel. Environ 20% de nos employés administratifs sur une centaine sont Mauriciens », confie-t-il. « Pour nous ce sont des employés modèles, car ils ont un niveau de français et d’anglais très élevé », complète le Principal.
L’île Maurice est située dans l’océan Indien et compte 1,2 million de personnes. La population est métissée, composée de citoyens aux origines indiennes (66 %), créole ou métis (27 %), en plus de plusieurs minorités, notamment asiatiques.
Le Principal Ipperciel montre avec fierté quelques-uns des cadeaux offerts par ses collègues mauriciens au fil des ans, dont un bibelot représentant un Dodo, le célèbre et regretté volatile de l’île.
Île Maurice/Canada : un mariage naturel
Tous les Mauriciens rencontrés par #ONfr s’entendent : le caractère bilingue du Canada a joué grandement dans leur décision de venir s’établir au pays.
« La majorité des Mauriciens sont bilingues anglais/français, en plus de parler créole. Le fait français m’attirait grandement à Glendon. C’est la même chose pour les étudiants étrangers ou ceux nés de parents mauriciens », confie Chantal Lishingman, déléguée aux affaires académiques à Glendon.
Dans son cas, la décision de venir au Canada n’est pas non plus étrangère à l’ouverture du pays à la diversité. « En Australie à une certaine époque, on ne prenait pas les Asiatiques. L’Angleterre, elle, n’était pas très accueillante non plus. Au Canada, je savais que j’allais être bien accueillie et qu’il y avait une communauté mauricienne grandissante », explique-t-elle.
Véronique Lim, adjointe aux études supérieures, confirme cet esprit de communauté qui l’a aussi menée sur le petit campus. « Je suis arrivé au Canada en 2003 et des copines mauriciennes m’ont vanté Glendon. J’ai postulé et obtenu le poste. Tranquillement, j’ai vu le nombre de Mauriciens grandir. Parfois lorsqu’on a un moment de nostalgie, nous discutons ensemble à l’heure du lunch de notre pays d’origine! », raconte-t-elle.
Les deux femmes ne sont pas les seules Mauriciennes a avoir décidé de venir vivre ici. L’Île Maurice fait partie du classement ontarien des dix pays d’où arrivent le plus d’immigrants francophones. Depuis l’an 2000, près de 800 Mauriciens s’identifiant comme francophones ont décidé de faire de l’Ontario leur nouvelle maison. C’est sans compter les milliers d’autres qui sont venus dans les années 90 et les nombreux étudiants mauriciens qui effectuent ici un séjour d’études. Selon certaines données, il y aurait environ 7 000 Mauriciens seulement dans le Grand Toronto. Et environ 20 000 au Canada.
Sherrilynn Tse entame sa seconde année d’étude à Glendon. « J’ai suivi les traces d’autres membres de ma famille qui sont venus au Canada. Sachant que je pourrais vivre chez eux, cela me permet d’économiser. Mon but est de rester au Canada, car il y a plus d’opportunités ici », explique-t-elle.
Le consul de l’Île Maurice à Toronto, Banwarilal Ben Sennik, confirme que de nombreux jeunes Mauriciens décident de quitter leur pays. « Les citoyens viennent au Canada pour avoir davantage de possibilités économiques et plus d’options pour leur éducation. En fait, le gouvernement de l’île Maurice encourage sa population à aller étudier à l’étranger pour profiter d’installations qui n’existent pas dans le pays », dit-il.
Contrairement à plusieurs autres groupes, M. Ben Sennik affirme que les ressortissants qu’il représente n’ont aucun problème d’intégration. « La communauté s’assimile très rapidement et facilement, car ils sont bilingues », affirmant qu’il se dévoue plutôt à promouvoir le pays en matière de tourisme et à développer des partenariats avec des organismes canadiens sur les plans de la culture et de l’économie.
Se faire reconnaître au sein de la communauté francophone
Au cours des dernières années, la diaspora mauricienne était si importante à Glendon qu’un club étudiant était responsable d’organiser des activités à leur intention. « Le Canada est un pays où les Mauriciens s’adaptent très facilement, alors ça attire de plus en plus de gens », souligne Sherrilynn Tse.
Peut-être est-ce pour cela que la communauté mauricienne passe parfois un peu inaperçue, souligne Chantal Lishingman. « La communauté mauricienne n’est pas très connue dans la communauté francophone », se désole-t-elle. Afin d’augmenter la notoriété de ses ressortissants canadiens, elle a participé à l’organisation d’une cérémonie du drapeau devant l’hôtel de ville de Toronto. « On l’a fait pour se faire connaître et aussi pour avoir une occasion de se rencontrer, car nous n’avons pas de lieu de réunions ou d’occasions de célébrer tous ensemble », dit-elle.
Le collège Glendon est bien conscient de l’attrait de son établissement pour la communauté mauricienne et tente en profiter pour grossir ses rangs. Une de ses représentantes sera dans le pays au courant du mois de novembre pour une campagne de recrutement.