Bilinguisme chez les jeunes : une augmentation à relativiser
OTTAWA – Statistique Canada a publié, ce lundi, de nouvelles données sur le bilinguisme anglais-français chez les enfants et les jeunes au Canada. De 2006 à 2016, les chiffres semblent encourageants. Mais ils révèlent également un problème de rétention du français chez les jeunes bilingues qui ne sont pas francophones.
Alors que le gouvernement fédéral a fait de la progression du bilinguisme l’une des priorités de son Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023, les données fournies ce lundi par Statistique Canada semblent encourageantes dans cette perspective.
Dans son infographie intitulée « Le bilinguisme chez les enfants et les jeunes au Canada », et qui s’appuie sur les données intégrées des recensements de 2006 et de 2016, on apprend que le bilinguisme français-anglais a progressé en dix ans, pour passer de 16 % à 19 % en dix ans chez les 5 à 17 ans. À l’extérieur du Québec, ce taux était de 15 % en 2016, contre 12 % en 2006.
« On constate une progression générale du bilinguisme chez les jeunes Canadiens. Toutefois, cette progression varie selon les provinces et les endroits où ces jeunes vivent », explique Martin Turcotte, chercheur principal au Centre de la statistique ethnoculturelle, langue et immigration à Statistique Canada.
La plus forte croissance du bilinguisme se trouve au Québec et au Nouveau-Brunswick. Mais cette progression ne s’explique pas de la même manière, explique M. Turcotte.
« Au Nouveau-Brunswick, cette progression provient surtout des jeunes francophones qui, quand ils parlent anglais, maintiennent leur bilinguisme ensuite. Au Québec, c’est un peu toute la population qui est concernée. »
Problèmes de rétention
Statistique Canada a également suivi la progression du bilinguisme français-anglais du même groupe d’enfants et de jeunes qui avait été examiné après le recensement de 2006.
En 2006, celles et ceux qui avaient entre 5 et 17 ans étaient bilingues à 17 % au Canada. Dix ans plus tard, ces mêmes jeunes, aujourd’hui âgés entre 15 et 27 ans, sont bilingues à 27 %. En Ontario, la progression est beaucoup plus faible, passant de 14 % à 15 % de 2006 à 2016.
« L’Ontario est un bon reflet de ce qui se passe au Canada à l’extérieur du Québec et hors du Nouveau-Brunswick. Le bilinguisme progresse lentement chez les jeunes au fil du temps, mais on se rend compte qu’il diminue ensuite chez les anglophones et les jeunes d’une autre langue maternelle que le français et l’anglais une fois qu’ils quittent l’école. Si les francophones conservent leur bilinguisme, et parfois même le renforcent en intégrant le marché du travail, ce n’est pas le cas des anglophones. »
La preuve : parmi les enfants qui étaient bilingues en 2006 à l’extérieur du Québec, 65 % seulement l’étaient encore en 2016, ce qui démontre un problème de rétention. À l’inverse, les enfants bilingues en 2006 au Québec l’étaient encore à 94 % dix ans plus tard.
« À la sortie de l’adolescence, beaucoup perdent contact avec le français. Peut-être le comprennent-ils encore, mais ils n’arrivent plus à le parler. Chez les francophones, surtout en milieu minoritaire, les occasions sont plus nombreuses de parler l’anglais ce qui peut expliquer en partie leur fort taux de rétention du bilinguisme. »
De plus, parmi les enfants et les jeunes qui n’étaient pas bilingues en 2006 à l’extérieur du Québec, seulement 7 % l’étaient devenus en 2016.
M. Turcotte explique que les taux de maintien du bilinguisme français-anglais sont d’autant plus faibles quand les parents ne sont pas bilingues, qu’ils sont moins scolarisés ou dans les familles ayant des revenus moins élevés. La présence d’une forte population francophone dans une communauté aide également au maintien du bilinguisme.
Prévisions à la baisse pour l’Ontario
Le gouvernement fédéral s’est donné l’objectif de faire passer le taux national de bilinguisme français-anglais à 20 % d’ici 2036. En 2016, il était de 17,9 %.
S’il peut compter sur le Québec, où le bilinguisme pourrait dépasser 50 % en 2036, selon le scénario de référence des projections linguistiques, ces mêmes projections font plutôt état de la diminution des taux de bilinguisme français‑anglais dans cinq provinces, dont l’Ontario, qui pourrait perdre 0,8 % de pourcentage d’ici là.