La gouverneure générale Mary Simon. Crédit image: Sgt Johanie Maheu, Rideau Hall

Les avocats du gouvernement fédéral ne sont pas parvenus à convaincre un tribunal québécois de juger comme irrecevable une procédure judiciaire visant à annuler la nomination de Mary Simon comme gouverneure générale, car elle ne parle pas français.

Dans une décision rendue lundi, la juge de la Cour supérieure de justice Marie-Hélène Dubé a rejeté une requête du Procureur général du Canada (PGC) qui demandait la fin des procédures, estimant que les demandeurs n’ont pas l’intérêt requis pour agir. Le PGC était aussi d’avis que la demande présentée par les demandeurs, Droits collectifs Québec, Justice pour le Québec et l’Association de défense des droits individuels et collectifs du Québec, était « infondée en droit », car il n’y existe pas d’exigence constitutionnelle de maîtriser l’anglais et le français pour ce poste.

Le groupe de demandeurs réclame l’annulation de la nomination de la gouverneure générale Mary Simon, car le fait qu’elle ne puisse pas communiquer en français contrevient aux droits linguistiques prévus dans la Charte des droits et libertés, soutiennent-ils.

Sans statuer sur le fond ou sur les motifs des différentes parties concernant les capacités linguistiques de Mary Simon, la juge Dubé n’a pas accepté les arguments du gouvernement fédéral concernant la mise en arrêt des procédures. Elle écrit dans son jugement que « l’absence de fondements juridiques n’est pas suffisamment manifeste » et qu’il serait « prématuré de conclure que la demande en jugement déclaratoire est vouée à l’échec ».

Il s’agit d’un deuxième échec pour le fédéral, qui avait échoué l’an dernier lorsqu’il avait demandé à ce que le dossier soit transféré vers une cour fédérale. Les représentants du gouvernement arguaient que la Cour supérieure de justice du Québec n’avait pas les compétences nécessaires pour statuer sur les questions dans cette cause, ce qui avait été rejeté par la juge Catherine Piché dans une décision rendue en juin 2023.

Mary Simon a été nommée gouverneure générale du Canada en juillet 2021, à la suite d’un avis du premier ministre et d’un processus de sélection basé sur les travaux du Groupe consultatif sur la sélection du gouverneur général.

Dans son verdict, la juge Dubé donne aussi raison aux trois groupes québécois, qui demandent à ce que soient présentés le rapport du groupe consultatif et l’avis du premier ministre sur la nomination de Mary Simon. Le fédéral jugeait que ces deux éléments sont « des actes politiques qui ne produisent aucun effet juridique » et donc ne peuvent pas faire l’objet d’une réparation judiciaire. La juge Dubé conclut plutôt qu’il ne « serait pas prudent » de mettre un terme à la démarche juridique en lien avec ces deux éléments.

La cause devrait maintenant pouvoir aller de l’avant, à moins que le PGC ne tente de porter la décision de la juge Dubé en appel.

Inspiré du Nouveau-Brunswick

La cause a été introduite pour la première fois en juin 2022, suite à une décision de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick qui avait jugé inconstitutionnelle la nomination par Justin Trudeau d’une lieutenante-gouverneure ne parlant pas français au Nouveau-Brunswick, Brenda Murphy. La décision a toutefois été infirmée en mai dernier par la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, qui a validé à nouveau cette nomination.

Les demandeurs québécois calquent leurs arguments sur la décision rendue par la juge en chef Tracy Deware, qui avait invalidé la nomination de Brenda Murphy au départ. Ils prétendent que, comme l’institution que représente la gouverneure générale doit être bilingue, la personne qui représente l’institution se doit aussi de pouvoir communiquer en français et en anglais.

« Le bilinguisme de la personne du Gouverneur général est ici tout simplement indissociable des garanties linguistiques constitutionnelles conférées aux citoyens canadiens par les articles 16 et 20 de la Charte canadienne », argumentent-ils.

Deux ans après sa nomination, Mary Simon, qui est devenue la première personne autochtone à être gouverneur général, ne parle toujours pas français. Elle suit des cours de français.