Budget 2019 : Encore beaucoup d’incertitude pour les Franco-Ontariens
TORONTO – Le budget provincial progressiste-conservateur, dévoilé ce jeudi, contient peu d’annonces pour les francophones. Certaines mesures pourraient concerner la communauté franco-ontarienne, mais il reste difficile de savoir comment.
Les Franco-Ontariens qui retenaient leur souffle en souvenir du dernier énoncé économique de novembre pousseront sans doute un soupir de soulagement. Mais le budget Protéger l’essentiel, présenté par le ministre des Finances, Vic Fedeli, pose plus de questions qu’il ne fournit de réponses.
« Il manque une lentille francophone dans ce budget, et le gouvernement Ford n’est pas le premier à l’avoir oubliée. Il y a des engagements qui pourraient être intéressants pour les Franco-Ontariens, mais rien ne précise comment ils pourront en profiter », analyse le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand. « Il va falloir que la communauté francophone soit vigilante quant à la mise en œuvre de ces mesures. »
Espéré, le renouvellement du Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO), instauré par les libéraux, reste la seule mesure précise qui est confirmée. Le gouvernement progressiste-conservateur maintient une somme d’un million de dollars pour le programme. Mais en élargissant sa portée pour y ajouter une composante économique, le gouvernement risque d’en limiter les bénéficiaires. La précédente enveloppe du PAFO, déjà d’un million de dollars, n’était pas parvenue à répondre aux 8 millions de dollars de demandes déposées par les organismes franco-ontariens.
En entrevue avec ONFR+, la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, l’assure : « C’est un excellent budget pour les francophones et pour les Ontariens. Un budget responsable qui montre la voie vers l’équilibre afin de pouvoir faire des investissements dans les années à venir. »
« Protéger l’essentiel »
Peut-être échaudé par les réactions de l’automne dernier, le gouvernement évite toutefois de cibler les programmes en français. On explique même s’engager à « améliorer l’accès aux services en français et à protéger le financement des principaux programmes du ministère ».
En matière de santé, notamment, le gouvernement assure qu’une partie des investissements de 267 millions dollars pour les soins à domicile et communautaires et des 174 millions de dollars en appui aux services communautaires de santé mentale et de lutte contre les dépendances ira aux francophones.
Mais austérité oblige, le ministère des Affaires francophones fera l’objet d’une recherche « d’efficiences administratives ». Dans la version anglaise, on parle même de « lutter contre les gaspillages » au sein du ministère.
« Le ministère des Affaires francophones n’a de ministère que le nom » – Martin Normand, politologue
Rétabli au cœur de la crise de l’automne, le ministère des Affaires francophones voit son budget légèrement amputé, passant de 6 à 5,8 millions de dollars.
« La capacité d’action du ministère des Affaires francophones va encore diminuer », prévoit M. Normand. « On baisse son budget et l’énoncé de vision est peu ambitieux. On assure le strict minimum et on lie les mains d’un ministère dont la ministre [Caroline Mulroney] est absente. »
L’opposition néo-démocrate fustige.
« On a déjà perdu le Commissariat aux services en français et l’Université de l’Ontario français, là on perd le budget du ministère! Il n’y a rien pour nous dans ce budget-là! Le gouvernement doit se rendre compte que la communauté francophone est une part importante de l’Ontario et qu’elle doit être traitée comme telle », lance la députée du Nouveau Parti démocratique (NPD), France Gélinas.
L’éducation en priorité
En matière d’éducation, la communauté franco-ontarienne verra sans doute d’un bon œil que ce secteur est moins affecté que les autres.
Un montant de 1,4 milliard de dollars est même prévu pour la rénovation d’écoles, dont un montant ira aux conseils scolaires de langue française. Le document budgétaire cite notamment la création de la nouvelle école élémentaire catholique Riverside Sud II, à Ottawa, et l’agrandissement de l’école secondaire catholique Sainte-Trinité, à Oakville.
Mais les francophones auront à l’œil la volonté du gouvernement de mettre « au défi les écoles et les conseils scolaires de la province de faire converger les ressources vers les besoins des élèves », ainsi que « l’examen minutieux » des conseils scolaires qui sera mené par le ministère de l’Éducation pour en améliorer l’efficience.
Particulièrement touchés par la pénurie d’enseignants, les conseils scolaires de langue française devront également tenir compte de la révision des règlements d’embauche des enseignants « pour fournir aux élèves le meilleur accès possible au corps enseignant qualifié », et ce, alors que nombre de leurs écoles peinent à recruter faute de candidats.
Des grands absents
L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) avait plusieurs attentes dans ce budget. L’organisme porte-parole des Franco-Ontariens espérait notamment un cadre financier pour la mise en œuvre de l’Université de l’Ontario français (UOF) et deux ressources à temps plein au sein du ministère des Affaires francophones pour travailler sur les dossiers reliés à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Aucune de ces deux mesures ne fait partie du document de M. Fedeli, pas plus qu’une mention de l’argent qui sera consacré au Conseil des arts de l’Ontario.
Le budget du bureau de l’ombudsman de l’Ontario, qui récupérera l’équipe du Commissariat aux services en français le 1er mai, n’est pas non plus abordé. Il n’est pas non plus question d’immigration francophone malgré la stratégie provinciale pour attirer des nouveaux arrivants qui répondent aux besoins du marché du travail ou dans les petites collectivités.
« Ce n’est pas surprenant que le gouvernement ne parle ni du Commissariat, ni de l’université, ni de l’OIF. Il y a une volonté de mettre le couvercle sur ces discussions et l’OIF n’est pas une priorité pour le gouvernement », estime M. Normand.
En revanche, on connaît depuis ce jeudi la version française de la nouvelle plaque d’immatriculation pour les automobiles : « En plein essor ». Celle-ci devrait être disponible, en français, à tous les conducteurs lors qu’ils en feront le renouvellement.
Cet article a été mis à jour vendredi 12 avril à 10h32