Budget 2023 : l’Ontario multiplie les projets de construction d’infrastructures
QUEEN’S PARK – Le budget qui vient d’être déposé par le gouvernement a pour mot d’ordre la construction et l’expansion économique. Le gouvernement, qui prévoit un retour à l’équilibre en 2024, dit miser sur une approche qui favorise la croissance et investit dans l’infrastructure, l’industrie minière et automobile, les transports et la formation à grande échelle, notamment pour les métiers spécialisés pour répondre à la pénurie de l’emploi.
Les investissements globaux du budget 2023-2024 pour les infrastructures culminent à 20,6 milliards de dollars, et à 184,4 milliards de dollars sur dix ans. « C’est l’un des plans d’immobilisations les plus ambitieux de l’histoire de l’Ontario », précise le ministre des Finances, Peter Bethlenfalvy.
Cela comprend 27,9 milliards de dollars dédiés au transport avec la construction de routes, notamment une nouvelle autoroute qui traversera les régions de Halton, Peel et York, celui du contournement de Bradfort, une nouvelle route à quatre voies reliant l’autoroute 400.
L’emphase est également mise sur les transports en commun dans le Grand Toronto avec une mobilisation de 70,5 milliards de dollars pour étendre le réseau ferroviaire Go Transit et la construction de la ligne Ontario, le prolongement de la ligne de métro vers Scarborough, vers le nord de la ligne Yonge et vers l’ouest de la ligne Eglinton Crosstown.
Plus de 48 milliards de dollars seront mobilisés sur ces dix prochaines années dans 50 grands projets hospitaliers, ajoutant 3 000 lits, tandis que 15 milliards serviront à la construction et modernisation des écoles et créeront 86 000 places en garderie d’ici décembre 2026.
Côté industrie : cercle de feu et secteur automobile
Côté industrie, le gouvernement engagera 1 milliard de dollars pour soutenir les infrastructures stratégiques en soutien au Cercle de feu où se trouve l’un des gisements minéraux clés.
La stratégie relative aux minéraux critiques de l’Ontario vise à assurer une meilleure chaine d’approvisionnement entre les industries, les ressources et travailleurs du Nord et la fabrication du Sud, notamment pour la production des VE et des batteries. Un investissement de 6 millions de dollars sur deux ans pour le Programme ontarien d’aide aux petites sociétés d’exploration minière permettra la croissance du secteur.
La province prévoit d’attirer 16 milliards de dollars d’investissements dans le secteur automobile et des batteries pour véhicules électriques.
Un nouveau crédit d’impôt sur le revenu des sociétés remboursable de 10 % sur les investissements dans les immeubles, la machinerie et le matériel permettra de favoriser l’investissement dans la fabrication en Ontario.
Pour améliorer la compétitivité, les employeurs ontariens bénéficieront d’un allègement fiscal, grâce à un soutien de 8 milliards de dollars du gouvernement, dont 3,6 iront aux petites entreprises qui feront l’économie de 265 millions de dollars entre 2023 et 2026.
Formation à grande échelle, emploi et immigration économique
L’une des stratégies centrales du gouvernement vers la croissance économique consiste à maximiser la formation au sein de la province. 224 millions de dollars vont être investis pour 2023-2024 dans un nouveau volet immobilisations du Fonds pour le développement des compétences et agrandir les centres de formation.
Le gouvernement va ainsi doper le Programme ontarien à l’immigration en y ajoutant 25 millions de dollars supplémentaires sur trois ans pour attirer les professionnels des métiers spécialisés en Ontario. Un programme de formation relais en Ontario pour les immigrants formés à l’étranger leur permettra d’avoir accès à un emploi équivalent, grâce à un investissement de 3 millions supplémentaires.
La formation dans la santé pourra commencer dès le secondaire grâce à des crédits spécialisés avec un investissement de 3,3 millions de dollars au cours des trois prochaines années. 33 millions de dollars seront également débloqués sur trois ans pour former davantage de médecins dans la province.
Principales mesures dans la santé
– À partir de l’automne 2023, les pharmaciens seront autorisés à prescrire des médicaments en vente libre pour un certain nombre d’affections courantes
– 22 millions de dollars seront dédiés à augmenter les effectifs dans la santé pour embaucher 200 précepteurs dans les hôpitaux assurant la formation des nouvelles infirmières
– 15 millions de dollars permettront de maintenir en poste 100 infirmières en milieu et fin de carrière, tandis que 4,3 millions aideront au moins 50 médecins étrangers à obtenir leur permis d’exercer en Ontario
– 425 millions de dollars seront investis sur trois ans pour soutenir les services de santé mentale et lutter contre les dépendances
– 569 millions de dollars en 2023-2024 permettront d’étendre les services à domicile, dont 300 millions pour couvrir la hausse des tarifs contractuels et stabiliser la main-d’œuvre du secteur du soin
Rares mentions de la francophonie
En dépit des attentes, la francophonie est le parent pauvre de ce budget. Le financement de l’Université de Sudbury n’y est pas inclus comme le souhaitaient ardemment les leaders de la communauté. Un temps envisagée, la coupe du Conseil des arts de l’Ontario ne s’est finalement pas concrétisée. Du côté scolaire, il faut noter une référence à trois écoles de langues française à Ottawa, Kingston et Iroquois Falls. Du côté de la santé, aucune ligne budgétaire sur les entités de planification de services de santé en français dont les ententes arrivent à terme en 2024.
Le ministère des Affaires francophones voit son budget amputé d’un million de dollars, des aides COVID-19 non renouvelées, tandis que son financement de base augmente de 700 000 $ pour des charges totales estimées à 7,7 millions de dollars, soit une baisse de 300 000 par rapport au budget précédent.
Le ministère des Finances précise que 900 000 $ supplémentaires soutiendront sur trois ans l’entrepreneuriat francophone, l’innovation et augmentera l’empreinte économique franco-ontarienne. Le Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO), est maintenu.
« Le choix du profit », déplore l’opposition
« Il n’y a rien dans ce budget pour aider les gens qui sont en train de lutter au jour le jour avec l’inflation, le logement abordable et les soins de santé », a déploré la cheffe de l’opposition officielle Marit Stiles, qualifiant l’exercice financier de « faillite de leadership ».
« Les familles en proie à l’autisme sont abandonnées », a-t-elle illustré. « Doug Ford aurait pu réglementer les loyers, agir pour la santé et les emplois. Au contraire, il a fait le choix du profit, et non des personnes, et a raté une opportunité de faire de l’Ontario une province plus solidaire et plus prospère. »
Le gouvernement prend-il des risques en investissant massivement dans les grands projets de construction dans une période économique incertaine? « Avec les infrastructures, on doit avoir une vue à long terme », a plaidé en conférence de presse le ministre des Finances Peter Bethlenfalvy.
L’argentier du gouvernement estime dans le même temps avoir suffisamment provisionné de fonds pour faire face à des dépenses comme celles des salaires des fonctionnaires, toujours en négociation, ou d’un ralentissement économique. Après une hausse de 3,7 % en 2022, le PIB réel de l’Ontario devrait chuter à 0,2 % cette année.
Article écrit avec la collaboration de Rudy Chabannes.