Cap sur Vankleek Hill, capitale des maisons en pain d’épices

[VIRÉES D’ÉTÉ]

VANKLEEK HILL – À mi-chemin entre Ottawa et Montréal, à quelques minutes de la frontière entre l’Ontario et le Québec, se trouve le village de Vankleek Hill. Son centre-ville semble figé dans le temps, avec ses maisons centenaires entretenues de façon à en garder le cachet originel. C’est que les citoyens s’enorgueillissent de la réputation de leur coin de pays, la capitale des « maisons en pain d’épices. Tour d’horizon de cette bourgade à la communauté francophone dynamique.

Fondée en 1797 par le loyaliste Simeon Vankleek et sa femme Cecilia Jaycox, Vankleek Hill fait aujourd’hui partie du Canton de Champlain, lui-même situé dans les comtés unis de Prescott et Russell. Le village abrite près de 1 800 résidents, dont le tiers sont francophones. La présence francophone se serait intensifiée à la suite de la guerre anglo-américaine de 1812. Au recensement de 2021, 1 065 personnes se sont déclarées bilingues. On y retrouve environ 900 maisons, cinq églises et trois écoles.

Quelque chose d’intemporel

Il y a quelque chose qui semble hors du temps à Vankleek Hill. La ville, développée autour de l’agriculture, compte des fermes actives depuis plus de 200 ans. Plusieurs familles sont enracinées dans la communauté depuis des générations. Dans un documentaire de TVO paru en 2022, le cofondateur de la microbrasserie locale, Steve Beauchesne, affirme qu’il y a cette pensée officieuse qu’il faut trois générations pour être considéré comme « venant d’ici. » Celui qui a emménagé à Vankleek Hill lorsqu’il avait sept ans est pourtant devenu l’un de ses plus grands ambassadeurs.

Le journal The Review est une institution locale toujours très impliquée dans la communauté de Vankleek Hill, mais aussi de l’Est ontarien et de l’Ouest québécois. Crédit image : Rachel Crustin

Le journal local The Review, qui célèbre son 130e anniversaire, est l’un des plus anciens médias indépendants de la province. Son éditrice, Louise Sproule, est elle-même une descendante de Simeon Vankleek. Elle possède l’une de ces charmantes « maisons en pain d’épices » qui font la particularité de la ville.

En entrevue avec ONFR+, elle explique : « Si vous marchez sur les rues à Vankleek Hill, nous avons environ 95 maisons qui ont été bâties entre 1890 et 1920. Beaucoup des corniches ont encore les ornementations de bois originales. »  

À cette époque, il y avait une usine de briques rouges à Vankleek Hill. C’était donc le matériau tout indiqué pour la construction de ces maisons. Et c’est le tandem des briques rouges et des moulures blanches qui rappelle l’image de la maison en pain d’épices, avec ses décorations en glaçage. Mais les commerces du coin n’exploitent pas cette réputation. Vous ne trouverez pas plus de pain d’épices à Vankleek Hill qu’ailleurs. 

Exemple d’une « maison en pain d’épices » de Vankleek Hill. Crédit image : Rachel Crustin

Si les maisons ont un cachet patrimonial indéniable, elles ne sont pas classées comme telles. Leur survie ne tient qu’à la bonne volonté de leurs propriétaires.

« Ce n’est pas un cadeau de peinturer ça chaque année. Mais on le fait tous. C’est dans l’esprit du village de garder le style de nos maisons », affirme Louise Sproule.

Les yeux et la panse

C’est d’abord avec les yeux que les visiteurs dégustent Vankleek Hill. Quatre murales historiques ont été peintes sur les bâtiments, par Elisabeth Skelly et la francophone Odile Têtu, il y a plus de trente ans.

En 2017, à l’occasion du 150e anniversaire du Canada, un autre projet de murales s’est ajouté au paysage. Popsilos est un circuit comptant aujourd’hui sept œuvres d’art peintes sur des silos de fermes à travers les comtés unis de Prescott et Russell. Dans un reportage d’ONFR+ réalisé en 2019, la directrice du projet, Jennifer Larocque, explique le contraste recherché. « C’est vraiment un mélange d’un art urbain, qu’on est habitué de voir dans les centres-villes, sur une infrastructure rurale. »

L’une des murales de Popsilos se trouve sur le silo de la ferme d’aventure Ouimet de Vankleek Hill. Le titre de cette oeuvre est Gars de la ferme. Les artistes sont Emmanuel Jarus et Zek One. Crédit image : Rachel Crustin

Un des bâtiments les plus connus de Vankleek Hill est la tour Higginson, le point le plus haut du village. D’abord construite en 1825, elle devait servir de moulin à vent, mais le projet n’a pas fonctionné. Thomas Higginson l’a donc transformé en observatoire. Selon Louise Sproule, qui cite des archives du journal The Review, les résidents de l’époque croyaient que le futur, le savoir et l’éducation se trouvaient dans les étoiles.

Les aînés de Vankleek Hill se souviennent avoir joué autour de la tour en ruine dans leur jeunesse. En 2004, Louise Sproule et d’autres résidents ont formé un comité pour la restaurer. Avec l’appui de la communauté, de l’église anglicane située au même endroit, du propriétaire du terrain, du canton de Champlain et de dons de particuliers, la restauration complexe s’est achevée en 2007.

Lors des journées claires, la tour Higginson permet d’observer les paysages des comtés unis de Prescott et Russell à des kilomètres à la ronde. Crédit image : Rachel Crustin

En plus de ces lieux d’observation, Vankleek Hill est une destination pour les adeptes d’agrotourisme. La brasserie Beau’s, fondée en 2006 par le duo père-fils Tim et Steve Beauchesne, s’est imposée comme un chef de file de son industrie. Les produits de Beau’s ont remporté de nombreux prix et Steve Beauchesne est souvent appelé à participer comme expert ou comme juge lors de différents événements.

Beau’s a été vendue à la brasserie torontoise Steam Whistle en 2022. Les deux entreprises collaboraient déjà ensemble et la fusion permettait non seulement à la brasserie de mieux traverser la période pandémique et de conserver son aspect indépendant, mais également à Tim Beauchesne de prendre une retraite bien méritée.

Le tracteur vert est l’emblème de la brasserie Beau’s. Crédit image : Rachel Crustin

Les épicuriens doivent aussi faire un arrêt au Vignoble de Vankleek Hill. À la recherche d’une propriété en 2018, le couple formé de Teresa et Scott Lambert n’avait pas prévu se lancer dans l’industrie du vin, mais n’a pas hésité à sauter dans le vide devant l’opportunité d’acheter ce terrain de 55 acres. La première année fut consacrée à la recherche et à la remise sur pied des vignes. Il est aujourd’hui possible de se procurer plus d’une quinzaine de produits et de visiter le vignoble dans les deux langues officielles.

Vankleek Hill compte d’autres produits et marchands locaux et son marché champêtre est ouvert tous les samedis, à longueur d’année.

Les deux langues en même temps

En plus de sa communauté francophone établie et du taux de bilinguisme élevé chez les anglophones, de nombreux Québécois se rendent à Vankleek Hill pour profiter des commerces, puisque la limite entre les deux provinces se situe à moins de 15 km du village.

Teresa Lambert était courtière immobilière à Montréal avant d’acheter le vignoble de Vankleek Hill. Dans un épisode du balado Breaktime, présenté par le Centre de services à l’emploi de Prescott et Russell (CSEPR), elle affirme : « C’est une communauté assez bilingue. Honnêtement, je trouve que je parle plus le français aujourd’hui que quand je vivais au Québec. Il y a des gens qui ne me croient pas, mais c’est exactement ça. »

Louise Sproule observe la vue depuis le haut de la tour Higginson, qu’elle a contribué à restaurer. Crédit image : Rachel Crustin

Au micro d’ONFR+, Louise Sproule ajoute que « les visiteurs francophones qui viennent ici pensent que c’est anglophone, et les anglophones qui viennent pensent que c’est francophone. Pour moi, le bon côté de ça, c’est qu’on est bilingue, ici. C’est un vrai mélange. On travaille ensemble. Les choses sont bilingues. C’est juste comme ça, ici. »

Pour aller plus loin
Des fouilles archéologiques ont été effectuées sur le site de la tour Higginson avant sa restauration. Certains artefacts sont exposés dans l’observatoire, entourés de fiches explicatives. On y découvre que les archéologues « croient que les constructeurs de la tour étaient des maçons en pierres français, puisque toutes les mesures sont métriques » et que la structure relève d’un style typiquement français, peu commun au Canada.

À gauche, la vue du haut des escaliers de la tour Higginson. À droite, des cartes postales de Vankleek Hill présentées à l’entrée de la tour. Crédit images : Rachel Crustin

Activités communautaires et culturelles
En juin, l’événement de ventes de garage Trésors et pacotilles rassemble non seulement les résidents, mais attire aussi les visiteurs. En juillet, de nombreux musiciens se donnent en spectacle sur les balcons et devant les maisons lors du porchfest, ou balconfête. La foire agricole, en août, est un vrai classique. Et à une époque prépandémique, l’Oktoberfest de la brasserie Beau’s rassemblait jusqu’à 20 000 personnes. En juin 2023, l’organisation a annoncé qu’il n’était plus possible d’offrir une telle expérience, suite aux difficultés financières engendrées par les tornades de 2018 et la pandémie. L’Oktoberfest reste tout de même gravé dans la mémoire des gens et a contribué à faire rayonner Vankleek Hill.

Victor Courte en spectacle au Porchfest de Vankleek Hill samedi dernier, le 15 juillet 2023. Crédit image : Reid Masson

Tout au long des mois de juillet et août, Virées d’été vous emmène dans des villages et recoins inattendus de la francophonie ontarienne. Une série à découvrir sur notre site web et nos réseaux sociaux.