Catia Céméus, le sens des affaires et de la communauté
[LA RENCONTRE D’ONFR]
OTTAWA – Chef d’entreprise et présidente du Regroupement Affaires Femmes (RAF), Catia Céméus exploite les multiples canaux de l’animation, de l’événementiel et de la philanthropie pour mettre en avant la force des femmes noires dans la communauté. Elle revient sur son parcours, ses projets et les énormes défis qu’a fait surgir la dernière année et demie, sur le plan personnel et professionnel.
« Qu’est-ce qui vous motive le plus dans votre rôle de présidente du RAF?
C’est d’être en position de faire rayonner le leadership des femmes noires franco-canadiennes. C’est la raison d’être du RAF. On met de l’avant le travail et les accomplissements de ces femmes, le changement qu’elles apportent dans la communauté. Qu’elles soient entrepreneures, enseignantes ou dans tout autre rôle d’initiative ou d’innovation, elles restent souvent dans l’ombre. On n’entend pas assez parler d’elles. On ne les voit pas nécessairement dans des rôles de pouvoir ou de production à la tête d’entreprise ou de gros organismes. Les mettre en avant est extrêmement important pour moi.
Par le biais de quels événements mettez-vous ces femmes de l’avant?
Il y a notre gala d’excellence qui récompense l’apport des femmes dans neuf catégories (entrepreneuriat, éducation, engagement communautaire, etc.) mais aussi les RAFTalk, des conférences d’inspiration et de leadership destinées aux jeunes filles afro-canadiennes, de 14 à 18 ans. Au cours de ces conférences dans les écoles franco-ontariennes de la région d’Ottawa, on parle de racisme, de sexisme, de confiance en soi, de littéracie financière… Les jeunes apprennent à se connaître, à cerner leur potentiel et découvrent d’anciennes lauréates du gala. Cela leur donne une motivation. Si j’avais eu moi-même accès à ça, mon parcours aurait été moins difficile dans le sens où j’aurais eu un exemple à suivre. On veut donc que les jeunes se disent « si elle y arrive, je peux y arriver ». C’est une activité qu’on va reconduire cet hiver et on espère toucher encore plus de jeunes. Ce sera la deuxième édition. On organise aussi des séances de mentorat et des activités pour les aînés.
Comment est né Kimdja, votre entreprise en événementiel?
J’ai toujours eu un amour pour l’événementiel, depuis l’université. Des amis me demandaient d’organiser leur mariage ou leur gala. À ce moment-là, j’ai eu la piqûre. Planificateur d’événement n’était pas vraiment une profession répandue ou reconnue mais, de fil en aiguille, je me suis découvert une passion. Mon côté entrepreneur a fait le reste. Je voulais créer mon entreprise pour sortir de ma zone de confort.
Quelle est la mission de Kimdja, dont vous êtes la directrice et fondatrice?
On accompagne les entreprises et les organismes francophones dans leur projets d’événements en format hybride, virtuel et en présentiel, partout au Canada. On se spécialise dans l’organisation de congrès, de galas, d’inaugurations, de salons d’exposition ou encore d’événements caritatifs.
Créer une entreprise constitue une certaine prise de risque. Sept ans plus tard, avez-vous fait le bon choix?
Oui, je me suis découvert des compétences et une force que je ne pensais pas avoir, pour atteindre cette réussite. J’ai toujours eu une certaine rigueur analytique mais j’étais plutôt timide. Créer mon entreprise a été un choix que je ne regrette pas, au contraire. Je suis encore une fille timide qui ne déplace pas trop d’air mais je pense que, le jour où j’ai décidé de me lancer dans l’entrepreneuriat, je ne pouvais plus rester comme ça. Petit à petit, le sens des affaires m’a transformée : je me suis affirmée et j’ai pris ma place.
Que conseillez-vous aux femmes qui voudraient elles aussi se lancer en affaires?
Je leur dis de poursuivre leurs rêves. Quand on crée une entreprise, il faut le faire pour soi et bien prendre tous les aspects de sa vie en considération afin de faire les bons choix. Chaque parcours est personnel.
Comment avez-vous vécu les deux dernières années?
Ça a été difficile en tant que femme, en tant qu’entrepreneur et en tant que personne noire. Avec la pandémie, tout l’aspect personnel et social a été chamboulé. Il a fallu jongler avec les incertitudes, particulièrement dans mon secteur, l’événementiel, et se réinventer à chaque conférence du gouvernement. L’aspect familial a aussi été impacté comme beaucoup de femmes autour de moi. Mais en parlant à d’autres entrepreneurs, on finit par adopter des idées, réseauter différemment et trouver des façons de faire pour s’adapter. Ça m’a peut-être fermé des opportunités mais ça en a aussi créé d’autres. Je suis de nature positive. Il faut toujours trouver son compte dans l’adversité.
La crise raciale qui a agité l’Ontario en 2020 a-t-elle vraiment fait bouger les lignes face au racisme?
Ça a au moins permis d’adopter un nouveau vocabulaire : aspect systémique, intersectionnalité, micro-agression… Ce sont des mots que les gens employaient et comprenaient peu en 2019. On a vu que la majorité était prête à faire un changement, mais comment elle va le faire? C’est la question à laquelle il va falloir répondre dans les prochaines années.
Votre chapeau de chroniqueuse est-il définitivement derrière vous?
J’ai adoré animer des chroniques sur la diversité en entrepreneuriat avec Michel Picard sur les ondes d’Unique FM, à Ottawa. On mettait en revue des entrepreneurs de la diversité. La dimension radiophonique a été une belle découverte. Je ne pense pas revenir à la radio mais pourquoi pas sur un projet de podcast. J’aime le format audio, écouter les gens et raconter leurs expériences.
En quoi consistent les Mardis philanthropes que vous animez généralement deux fois par an?
Ce sont des 5 à 7 de réseautage d’affaires qui permettent à des entrepreneurs de la capitale nationale de lever des fonds pour une cause qui leur est chère, deux mardis par année, une entreprise de la région parraine un organisme sans but lucratif, afin de lever des fonds pour celui-ci. Cet événement est né du fait que je m’impliquais dans plusieurs causes et il devenait difficile de concilier famille, entreprise et autres projets philanthropiques. C’était très demandant. Pour ne pas m’éparpiller, j’ai créé les Mardis philanthropes pour rallier tous ces aspects. On a mis cette activité sur la glace durant un an, mais on va la reprendre l’année prochaine.
Vous avez grandi à Montréal. Qu’est-ce qui vous a le plus frappée en arrivant à Ottawa?
Je suis née à Montréal où j’ai fait la majorité de mon parcours universitaire. On a déménagé avec mon mari à Ottawa pour des raisons professionnelles. Ça a été une découverte avec la communauté franco-ontarienne. Ce sont des personnes qui fascinent et s’assurent de na pas perdre leur acquis. Je me suis tout de suite reconnue dans cette bataille et cette affirmation. C’est comme ça que j’ai commencé à m’impliquer au RAF, au début, en organisant des galas et en faisant la connaissance d’autres acteurs de la communauté noire et franco-ontarienne.
Que ressentez-vous concernant la situation humanitaire actuelle en Haïti, suite au séisme qui a fait plus de 2 200 victimes?
Je suis d’origine haïtienne et comme tous mes compatriotes, chaque tragédie qui survient en Haïti me peine énormément. D’ailleurs le RAF s’est rallié à d’autres organismes de la région de la capitale nationale tel le Forum d’Entraide et de Solidarité des Haïtiens d’Ottawa- Gatineau pour participer à des levées de fonds qui seront envoyés en Haïti. »
LES DATES-CLÉS DE CATIA CÉMÉUS
2005 : Quitte Montréal pour Ottawa
2015 : Fonde son entreprise d’événementiel
2017 : Crée les Mardis philanthropes
2019 : Lauréate du prix Futurs Templiers du RGA
2020 : Devient présidente du RAF
Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.