Crépu: Our DNA est un événement bilingue qui célèbre les cheveux typiquement afrodescendants, tout en éduquant sur le sujet. Photo: Curtis Perry

Ottawa – La popularité de l’événement Crépu : Our DNA ne se dément pas. Après avoir affiché complet l’an dernier, les organisatrices ont prévu une troisième édition sur deux soirs, les 1er et 2 février, au Musée des sciences et de la technologie du Canada. Or, tous les billets en ligne ont déjà trouvé preneur. Des laissez-passer supplémentaires, en quantité limitée, seront en vente à la porte.

En entrevue avec ONFR, la cofondatrice Sandra Ngenge Dusabe décrit Crépu comme « un grand mélange » de différentes activités servant à la fois à célébrer et à éduquer. Exposition d’art, marché d’artisans, stations de soins, démonstrations et performances sont au programme.

« On essaie aussi d’éduquer les jeunes. Parce que savoir comment se coiffer, ça aide vraiment avec l’estime de soi », exprime Sandra Ngenge Dusabe, qui encourage les familles à s’y rendre.

Un marqueur identitaire

« Des fois, quand tu as quelque chose de différent, tu peux sentir que ce serait mieux de te fondre dans la masse, d’avoir l’air comme tout le monde, raconte Sandra Ngenge Dusabe. Moi, pendant une certaine période, je me rasais. Je voulais juste me débarrasser de mes cheveux, parce que c’était quelque chose qui prenait beaucoup de mon temps. »

Elle croit qu’avoir des informations à jour et de comprendre comment bien se coiffer peut donner beaucoup de confiance aux personnes noires. « La plupart des gens ne savent pas comment certaines techniques peuvent endommager les cheveux crépus. Ils ne savent pas qu’il y a des produits qu’on utilise depuis des années dont on doit se débarrasser. »

L’événement Crépu est animé par Yanaminah Thullah. Photo : Curtis Perry

L’organisatrice déplore le fait que même les formations en coiffure sont silencieuses sur les spécificités des cheveux afrodescendants, ce qui fait que même les professionnels manquent de connaissances.

Crépu, le premier événement du genre à Ottawa, veut « donner une plateforme aux gens pour savoir que les cheveux crépus ne sont pas difficiles à entretenir. Ils sont tellement fragiles, mais tellement résilients. »

Utiliser l’art

Sandra Ngenge Dusabe explique que « beaucoup de gens pensent que les cheveux sont un sujet ordinaire, pas vraiment artistique. Mais pour nous, dans notre communauté noire, il y a beaucoup de différents styles, beaucoup de types de cheveux, beaucoup de choses qui peuvent indiquer quel type de personne tu es, selon le style ».

Dans le défilé d’art capillaire, trois coiffeuses présenteront ce que l’organisatrice qualifie d’œuvres d’art. Le public pourra voter pour sa création préférée. Il y aura également des performances musicales avec Kezi et poétiques avec Dominique Gené.

Le défilé d’art capillaire mettra en vedette la créativité des artistes coiffeurs de l’événement. Photo : Curtis Perry

Deux courts-métrages seront projetés : On a Sunday at Eleven d’Alicia K. Harris, et Nœuds, d’Aïcha Morin-Baldé.

Au micro d’ONFR, cette dernière explique que Nœuds est un documentaire « sur la relation des femmes noires avec leurs cheveux naturels. C’est venu de mon besoin de discuter de ça par rapport à mon propre cheminement ».

Celle qui est née d’une union québécoise et guinéenne raconte qu’elle arborait jusqu’à récemment un afro qui lui a valu des commentaires négatifs, majoritairement de la part des femmes noires de son entourage. « Je voulais toucher à ce sujet, comment à l’intérieur de la communauté noire, entre nous, on a tendance, très souvent subconsciemment, à perpétuer des discriminations. »

La réalisatrice montréalaise Aïcha Morin-Baldé parle de racisme intériorisé avec son film Noeuds, réalisé en 2021. Photo : Gracieuseté de Aïcha Morin-Baldé

Nœuds se concentre sur les témoignages de deux protagonistes : Marlyne Désir, qui a vécu de la discrimination au travail, et Abisara Machold, propriétaire du premier salon de coiffure montréalais à se spécialiser dans la clientèle afrodescendante. Cette dernière a pu constater l’évolution de la société par rapport à l’apparence des femmes noires tout au long de sa carrière.

Aïcha Morin Baldé souligne tout de même qu’il ne faut pas amalgamer un manque d’acceptation de ses cheveux naturels avec une simple envie d’explorer la mode et les styles.

« Toutes les femmes noires portent des perruques. Ce n’est pas nécessairement parce qu’elles détestent leurs cheveux naturels, nuance-t-elle. Ultimement, on doit laisser les femmes, noires ou pas, faire ce qu’elles veulent avec leur apparence. Mais c’est sûr qu’il y a une certaine pression sociale, qu’on commence beaucoup plus à dénoncer maintenant. »

Nœuds a été présenté dans plusieurs festivals du film au Canada et a même obtenu une mention honorable au New-York Tri-State International Film Festival.

Un événement qui grandit

Crépu est né de la rencontre entre Sandra Ngenge Dusabe et Sharlène Clarke. La première a fondé The Moving Art Gallery, qui veut répondre au manque de représentation des femmes noires en art visuel à Ottawa. La seconde est l’instigatrice de Hors Pair Social, un groupe qui organise des événements destinés aux personnes noires de la région d’Ottawa-Gatineau.

En 2023, la première édition de Crépu a accueilli une centaine de personnes au Club Saw d’Ottawa. Parmi les visiteurs, on trouvait des commissaires d’Ingenium Canada, qui gère trois des sept musées nationaux situés dans la capitale.

L’événement Crépu permet aussi de découvrir des entrepreneurs locaux afrodescendants. Photo : Curtis Perry

Les commissaires ont réalisé que Crépu rejoignait un sujet de recherche du Musée des sciences et de la technologie du Canada, qui souhaite exposer les contributions des Canadiens noirs dans le domaine des technologies domestiques.

Ils ont donc offert aux organisatrices un espace plus grand dès 2024. En 2025, l’événement se tient maintenant sur deux jours.

Une invitation pour tous

Si Crépu vise particulièrement la communauté noire d’Ottawa, Sandra Ngenge Dusabe rappelle que « ce ne sont pas toujours les personnes noires qui ont les cheveux crépus ». De plus, elle encourage les personnes blanches à se rendre à l’événement afin de s’éduquer et d’ouvrir la discussion avec leurs proches.

L’occasion de réseautage est une autre bonne raison de participer.

« Pour venir au Crépu, tu n’es pas obligé d’avoir des cheveux crépus. Ce n’est pas exclusif », rappelle l’organisatrice, qui souhaite plutôt encourager le dialogue sur les sujets qui touchent les personnes noires au Canada.