Crise à Fauquier-Strickland : « Je ne démissionnerai pas », dit la mairesse visée par une pétition
FAUQUIER-STRICKLAND – Un nouveau chapitre s’ouvre dans la crise politique qui secoue Fauquier-Strickland. Des résidents ont lancé une pétition en ligne et sur papier réclamant la démission de la mairesse Madeleine Tremblay, mais celle-ci répond qu’elle a l’intention ferme de finir son mandat.
Intitulée « Request for Leadership Resignation », la pétition circule à la fois en ligne et en version papier. Elle compte dix signataires sur la plateforme Change.org au moment d’écrire ses lignes alors que la version papier aurait déjà recueilli environ soixante-dix signatures.
La pétition revient d’abord sur les graves difficultés financières que traverse Fauquier-Strickland, notamment l’annonce d’un déficit opérationnel de 2,5 millions de dollars, la menace d’une interruption complète des services municipaux dès le 1er août, ainsi que des propositions de hausses de taxes foncières allant jusqu’à 300 %.
Le texte dénonce aussi un manque de transparence, l’absence d’un plan concret, ainsi que la stagnation administrative de la municipalité.
S’adressant directement à la mairesse Madeleine Tremblay, en poste depuis 19 années, on peut y lire : « Compte tenu de ces circonstances, nous vous prions respectueusement de quitter votre poste de mairesse. Nous croyons qu’un nouveau leadership est nécessaire pour rétablir la confiance du public, répondre aux besoins urgents de notre municipalité et guider Fauquier-Strickland vers un avenir plus durable et financièrement responsable. »
Une affiche appelant à la démission de Madeleine Tremblay est aussi visible dans la municipalité près de l’avenue qui porte le même nom que la mairesse. Contactée par ONFR, Madeleine Tremblay confirme avoir pris connaissance de cette affiche.
Interrogée sur les appels à la démission qui circulent publiquement, Mme Tremblay affirme n’avoir aucune intention de quitter son poste. « J’ai toujours dit que je ne démissionnerai pas et que je vais rester jusqu’à la fin de mon mandat en 2026. On ne lâche pas quand les temps sont durs, j’ai un bon système de soutien autour de moi. Passer au travers, c’est plus difficile que de lâcher, mais c’est ça qu’il faut faire », a-t-elle indiqué.
Les appels à la démission se multiplient
« On demande qu’elle se retire, qu’elle quitte son poste », explique Tammy Daigle, résidente de longue date de Fauquier-Strickland et instigatrice de la pétition. « Il y a eu beaucoup de mensonges, un manque de transparence, et plusieurs choses ont été cachées à la population », affirme-t-elle.
Installée dans la municipalité depuis plus de 30 ans, Mme Daigle indique qu’elle n’a commencé à découvrir l’ampleur des tensions municipales que récemment. « Même moi, ça fait juste quatre mois que je commence à savoir ce qui se passe réellement », dit-elle.
Depuis l’émergence publique de la crise à l’hôtel de ville, des appels à la démission de la mairesse circulent régulièrement sur les réseaux sociaux.
Certains citoyens expriment ouvertement leur frustration dans des publications et commentaires, réclamant un changement de direction politique à la tête de la municipalité. Ces appels, d’abord isolés, se sont multipliés au fil des dernières semaines, au rythme des tensions observées au sein du conseil.
Les tensions se sont d’ailleurs fait sentir jusque dans la salle du conseil. Lors de la réunion régulière du conseil municipal tenue mardi soir à Fauquier-Strickland, un citoyen a vivement interpellé la mairesse Madeleine Tremblay.
Peter Konopelky a critiqué la gestion financière de la municipalité, rappelant que Mme Tremblay avait reconnu en 2014 avoir des difficultés à comprendre les finances de la communauté. Il a souligné qu’à l’époque, la mairesse avait affirmé avoir recruté un conseiller pour l’aider à mieux gérer la situation.
« Je trouve difficile à croire que, malgré votre implication politique depuis le début des années 2000, vous ne soyez toujours pas en mesure de gérer les finances municipales, même avec l’aide d’un conseiller financier », a-t-il déclaré.
M. Konopelky a aussi dénoncé le manque de place accordée à la participation citoyenne lors des décisions importantes. « Nous, les contribuables de cette communauté, vous demandons de démissionner et de laisser la place à quelqu’un qui comprend mieux comment diriger une municipalité », a-t-il conclu sous les applaudissements d’une grande partie de l’assistance.
Une procédure juridiquement complexe
Si certains citoyens espèrent un changement immédiat, les possibilités légales de démettre une élue municipale sont très limitées. Un rapport administratif commandé par la municipalité en réponse à une demande citoyenne rappelle que ni le conseil municipal ni les résidents ne peuvent voter pour forcer la démission de la mairesse.
Selon la Loi de 2001 sur les municipalités, la destitution d’un élu n’est possible que dans des cas bien définis :
- une condamnation pour pratiques électorales corrompues;
- une violation de la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux;
- ou une absence non autorisée de plus de trois mois consécutifs.
En l’absence de telles circonstances, une élection anticipée ne peut être convoquée. Le mandat actuel des membres du conseil se poursuit jusqu’en novembre 2026.
Des pistes pour l’avenir
Lors de la réunion régulière du conseil municipal tenue mardi soir, les élus se sont penchés sur plusieurs propositions citoyennes visant à améliorer la situation financière de la municipalité. Parmi celles-ci figuraient des suggestions pour revoir la structure administrative, prioriser les services essentiels, ou encore relancer certains projets de développement jugés porteurs.
La conseillère Priscilla Marcoux a plaidé pour une plus grande pression sur les paliers supérieurs de gouvernement, notamment pour obtenir des fonds sans contrepartie locale. « On a déjà dû abandonner des projets faute de pouvoir payer la part exigée », a-t-il déploré.
Elle a aussi suggéré d’emboîter le pas à la municipalité de Tweed, qui a récemment écrit au premier ministre Doug Ford pour réclamer plus de soutien aux communautés rurales, et a suggéré de préparer une lettre semblable et de solliciter l’appui d’autres municipalités.
L’idée de mettre sur pied un comité de citoyens ou de travail pour suivre la situation financière a également été évoquée. Ce comité pourrait avoir pour mandat d’examiner les finances municipales, de proposer des solutions et de faire le lien entre la population et le conseil.
Un autre moment fort de la rencontre a été la prise de parole d’une citoyenne qui a réclamé l’ouverture d’une enquête interne afin de faire toute la lumière sur la gestion financière des dernières années. « On a le droit de savoir, on a le droit de demander des comptes, et on a le droit d’engager un avocat pour enquêter », a-t-elle affirmé, appuyée par plusieurs personnes présentes dans la salle.
Cette demande faisait écho à celle de la conseillère Priscilla Marcoux, qui dit réclamer depuis 2020 la tenue d’une telle enquête, en vain jusqu’à maintenant. Des réserves ont été exprimées concernant le coût potentiel d’une enquête interne, souvent évalué à plusieurs dizaines de milliers de dollars pour le recours à un cabinet externe ou un expert indépendant.
Il a aussi été mentionné que le gouvernement provincial pourrait offrir une aide financière par le biais de programmes destinés à soutenir les petites municipalités en difficulté, ce qui pourrait alléger la charge financière pour la communauté. L’ensemble du conseil a convenu que cette question pourrait être abordée lors de la prochaine réunion, avec une proposition claire de motion.