Des artistes franco-ontariens se souviennent de Jean-Pierre Ferland
Le 27 avril, le Québec a perdu l’un de ses monuments, l’auteur-compositeur-interprète Jean-Pierre Ferland. Le petit roi aura droit à des funérailles nationales tant son apport à la culture québécoise est indéniable et important. Jean-Pierre Ferland a quelques fois traversé la rivière des Outaouais, bien que son influence ne soit pas du même ordre en Ontario.
Jean-Pierre Ferland a participé au Festival franco-ontarien en 1992, 1996 et 2011. Il a également été deux fois parrain du concours Ontario Pop. Mais ce sont surtout les chanteurs franco-ontariens qui font carrière au Québec qui le nomment comme une influence majeure.
En entrevue avec ONFR, Breen LeBoeuf a raconté comment il avait été impressionné de voir l’auteur des Immortelles débarquer à North Bay en 1965. Il représentait une fenêtre sur la culture québécoise, déjà très attirante pour le futur bassiste d’Offenbach. « Je suis tombé sous le charme et le professionnalisme de Jean-Pierre Ferland, explique le rocker. La façon dont il charmait les dames, dont il s’habillait, dont il bougeait, son aise avec les caméras et avec le monde (…) et j’étais impressionné qu’il ait amené Radio-Canada chez nous. »
Les deux artistes se sont recroisés dans les années suivantes, que ce soit à la quincaillerie de Saint-Gabriel-de-Brandon ou sur les plateaux de tournage. Breen LeBoeuf a entre autres participé à Station soleil, à L’autobus du showbusiness, à Tapis rouge et à Ferland/Nadeau, où Jean-Pierre Ferland, animateur, recevait ses invités avec une grande générosité.
Même si leurs styles musicaux étaient différents, Breen LeBoeuf a toujours apprécié Jean-Pierre Ferland et son ouverture. « Il comprenait le rock and roll, il comprenait les petits voyous. Il comprenait toute la gamme d’artistes. »
Originaire d’Orléans, Luce Dufault a beaucoup côtoyé l’auteur de la classique Un peu plus haut, un peu plus loin. C’est avec une interprétation sobre, mais particulièrement sentie de cette chanson qu’elle s’est présentée sur le plateau de l’émission Bonsoir bonsoir! lundi, à la télévision de Radio-Canada.
« C’est difficile. Ça secoue, ce départ-là. Même si, quelque part, on s’y attendait, on le savait malade », a témoigné la chanteuse, en expliquant avoir d’abord refusé l’invitation, car elle craignait d’être submergée par les émotions. Selon elle, Jean-Pierre Ferland se démarquait par sa générosité, son authenticité et son talent.
Jaune traverse la frontière
L’album Jaune, sorti en 1970, est reconnu comme une pierre angulaire de la musique québécoise. Ses 11 titres ont aussi résonné dans les foyers franco-ontariens. La directrice de la Meute culturelle de Lafontaine et autrice-compositrice-interprète Joëlle Roy a expliqué à ONFR : « J’ai écouté obsessivement l’album Jaune. Son franc-parler a définitivement influencé ma plume de parolière. »
Pour Nicolas Doyon, qu’on a connu dans le groupe Deux saisons, la musique de Jean-Pierre Ferland a toujours fait partie du quotidien, que ce soit Jaune joué en boucle dans la maison de son enfance ou Une chance qu’on s’a (album Écoute pas ça, 1995) qui résonne à son propre mariage, des années plus tard. C’est d’ailleurs en fouillant dans les cahiers de chansons son père qu’il a fait ses premiers pas en musique. « C’est par la suite que ça m’a véritablement servi et que j’ai vraiment compris la richesse de son œuvre. Mais ça a toujours fait partie de ma culture musicale. »
En 2008, la formation sudburoise Konflit a repris la chanson God is an American. Contacté par ONFR, Christian Berthiaume, le leader du groupe, raconte que l’album Konflit dramatik réagissait aux années de présidence de George W. Bush et « plus spécifiquement, l’invasion illégale et sans mérite des États-Unis contre l’Iraq. God is an American était la chanson parfaite pour clôturer l’album qu’on voulait terminer avec une grande exclamation. La version originale laisse beaucoup de place pour une nouvelle interprétation, mais le gros défi était d’y rendre justice. »
La version Konflit a failli ne pas voir le jour. « Nous n’avions pas encore reçu l’autorisation de M. Ferland qui, à notre grande surprise, nous a donné le OK une journée avant la sortie officielle. » Un beau cadeau pour Christian Berthiaume, pour qui « l’album Jaune représente l’apogée des albums Québécois, un modèle du processus artistique poussé à sa limite et un produit final presque parfait, qui est autant marquant et à la hauteur aujourd’hui qu’en 1970. »
Un exemple pour les générations suivantes
Plusieurs artistes franco-ontariens ont rencontré Jean-Pierre Ferland dans des événements de formation et des concours. C’est le cas de l’auteur-compositeur-interprète Stef Paquette, qui a partagé sur Facebook une photo de lui et du géant datant de 2008, au Festival international de la chanson de Granby.
Contactée par ONFR, la chanteuse Manon Séguin a parlé de son amour pour Une chance qu’on s’a, qu’elle a l’habitude d’interpréter en spectacle. « C’est une des plus belles chansons d’amour jamais écrites, toutes langues confondues. C’est un chef-d’œuvre, cette chanson-là. »
L’artiste originaire de L’Orignal, dans l’Est ontarien, a pu passer un moment privilégié avec Jean-Pierre Ferland il y a une dizaine d’années. Son conjoint, Christian Marc Gendron, participait à un spectacle hommage à ce grand de la musique. « Pour la conférence de presse, on s’était même rendus à sa maison dans Lanaudière. On avait passé un bon moment avec lui. Je garde cet instant gravé dans ma mémoire. Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de rencontrer un artiste comme M. Ferland, et chez lui, en plus. »
Manon Séguin a recroisé la route de Jean-Pierre Ferland en 2019, lors d’un spectacle bénéfice pour les sinistrés des inondations au Québec. Elle était la choriste principale du concert Le soleil emmène au soleil, dont le titre est également une référence à l’œuvre de Jean-Pierre Ferland.
« Ce qu’il y a de bien avec la musique, c’est que même si un monument comme Jean-Pierre Ferland nous quitte, son héritage musical va vivre à tout jamais. C’est à nous, aux nouvelles générations, de faire vivre cette musique-là », conclut Manon Séguin.