Des parents anglophones exigent l’immersion française pour leurs enfants

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OTTAWA – Des nombreux parents anglophones du centre-ville d’Ottawa, n’enverront pas leur enfant à l’école de leur quartier en septembre prochain.

C’est qu’ils réclament, sans succès depuis plusieurs années, que l’École publique de la rue Cambridge offre l’immersion précoce en langue française.

Il s’agit d’une école primaire du quartier Centre Town, couvrant le programme académique de la maternelle à la sixième année.

La conseillère scolaire de la zone Somerset-Kitchissipi de la Commission scolaire Ottawa-Carleton, Justine Bell, vit à proximité de l’école. Elle dit que de nombreux parents lui ont fait part de leur mécontentement.

« Des membres de la communauté sont venus me dire qu’ils retiraient leur enfant de l’école de la rue Cambridge à cause de l’absence d’un programme d’immersion française. Ils m’ont demandé ce que j’allais faire l’an prochain pour ma fille. J’ai déjà décidé d’envoyer ma fille à l’école Devonshire qui est un peu plus loin de la maison », a-t-elle indiqué sur un ton qui trahissait sa déception.

Cet exode est confirmé par Jo McCutcheon, qui vient de terminer sa troisième et dernière année à titre de co-présidente du comité des parents de l’école de la rue Cambridge.

« Il y a dans le quartier au moins 166 familles dont l’enfant pourrait fréquenter l’École de la rue Cambridge, mais qui choisissent de les inscrire dans des écoles où il y a un programme d’immersion française précoce. Parmi ces familles, au moins une dizaine habitent sur la même rue que l’école », explique-t-elle.

Selon Mme McCutcheon, le fait que l’école soit peu fréquentée, pénalise davantage les élèves qui s’y trouvent parce qu’il est plus difficile d’organiser des sports intra-muraux, ou des clubs sociaux, entre autres choses.

L’école peut accueillir jusqu’à 323 élèves, mais en ce moment, seulement 55 élèves la fréquentent. Et parmi ceux-ci, il y a des élèves ayant des besoins spéciaux pour leur apprentissage qui proviennent d’autres quartiers

Elle ne compte que trois classes où sont enseignés plusieurs niveaux simultanément. L’une d’elles regroupe les bambins de maternelles junior et sénior, dans une autre il y a les cinquième et sixième années, tandis que les élèves des première, deuxième et troisième années, se trouvent tous ensemble dans la même salle de classe.

« Dans cette situation, on demande aux enseignants de livrer trois programmes différents en même temps et nous savons que pédagogiquement cela ne fonctionne pas », poursuit Mme Bell.

« L’École de la rue Cambridge a traditionnellement toujours été une école anglaise où l’on enseignait le français en tant que matière parmi les autres. La raison de ce choix se trouve dans la démographie du quartier Centre Town. On y retrouve beaucoup de nouveaux immigrants, de groupes racialisés, d’enfants ayant des besoins spéciaux en éducation et beaucoup de ménages à faible revenu », explique Mme Bell.

Le français : un atout pour les parents anglophones

Là où le bât blesse, c’est que l’absence de programme d’immersion française pénalise les jeunes à long terme, tout particulièrement dans la capitale du pays, selon Mmes Bell et McCutcheon. La conseillère scolaire Bell a organisé récemment une rencontre sur Internet à laquelle une soixantaine de personnes ont participé.

« Au cours de cette rencontre », relate Justine Bell, « un jeune homme d’origine asiatique nommé Winson Li a raconté à quel point cela l’a défavorisé de fréquenter l’École de la rue Cambridge. Il a expliqué qu’il a fréquenté cette école il y a une vingtaine d’années, mais que sa mère ne savait pas comment faire valoir le droit de son enfant d’apprendre le français. Aujourd’hui il se dit désavantagé car les possibilités d’avancement sont limitées pour les anglophones unilingues à Ottawa. »

Le jeune homme a dit souhaiter que tous les immigrants aient la chance d’apprendre la langue française.

Justine Bell tente maintenant de convaincre ses 11 homologues de voter une résolution qui permettrait à la Commission scolaire d’Ottawa-Carleton de passer en revue les programmes offerts dans les écoles où il y a moins de 80 élèves, un prérequis pour changer le programme d’un établissement scolaire.

« Plusieurs des conseillers me disent que les parents de leur quartier font pression pour avoir l’immersion française dans leur école. Mais avant de soumettre une motion, je veux m’assurer qu’elle sera adoptée, alors je prends le temps qu’il faut pour informer mes collègues », a-t-elle confié.

Mme Bell disait aussi s’inquiéter au sujet d’un moratoire imposé par la province sur les révisions de programmes dans les écoles.

Du côté du Cabinet du ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, on nous a fait savoir que c’est à la commission scolaire d’Ottawa-Carleton de décider des programmes offerts dans ses écoles. On ajoute que contrairement à ce qu’à indiqué Mme Bell, il n’existe pas de moratoire, ce qui veut dire que rien n’empêche la commission scolaire de procéder.