Devant l’angoisse de l’épidémie, l’étonnante réussite de Kingston
KINGSTON – Alors que le bilan de la COVID-19 dépasse les 10 000 cas à Toronto, d’autres villes échappent à la propagation du virus. À Kingston et ses environs, l’incendie semble presque circonscrit, avec seulement un cas observé au cours des quatre dernières semaines. Des chiffres rassurants, mais qui n’éteignent pas la vigilance des résidents sur le terrain.
Le printemps est arrivé sur les bords du lac Ontario. Connue pour sa tranquillité, l’ancienne capitale de la province du Canada n’échappe pas à sa réputation, même en période de coronavirus. C’est en tout cas ici, au pied de l’archipel des Mille-Îles, que Nora Lebert a choisi de vivre son confinement, loin de la mégalopole torontoise.
« Mon compagnon et moi vivons à Toronto. On a compris que ça serait très long. Début avril, nous avons décidé d’aller vivre temporairement chez mes beaux-parents qui résident à Kingston. »
Un choix qu’elle ne regrette pas.
« C’est tout simplement beaucoup moins d’angoisse. Si nous sortons, nous sommes ici en contact avec beaucoup moins de personnes. À Toronto, on vivait dans un condo proche de Dundas Square. On devait toujours faire attention, quand on allait au supermarché ou qu’on devait prendre l’ascenseur. »
Mme Lebert et son compagnon resteront au moins jusqu’en septembre à Kingston. En attendant de voir où en sera alors la situation.
Si les nouveaux cas quotidiens de COVID-19 ne parviennent pas à baisser en Ontario, Kingston profite d’une situation très particulière, malgré sa proximité avec l’État de New York, fragilisé par 350 000 cas.
Depuis les trois premiers cas rapportés le 17 mars, le Bureau de santé publique de Kingston, Frontenac, Lennox, et Addington, a enregistré un total de 62 cas. Personne n’est décédé de la maladie, et aucun foyer de soins de longue durée n’a été touché.
Des données flatteuses pour une population de quelque 193 000 résidents, dont les deux tiers sont situés directement à Kingston, si l’on en croit les dernières données de Statistique Canada.
Le bilan aurait même pu même frôler la perfection, puisque la région compte seulement un cas actif. Le 19 mai, l’agence de santé a fait état du premier cas sur le territoire depuis trois semaines.
Petite subtilité cependant : il a été précisé, par la suite, que la femme contaminée, dans la vingtaine, résidait en réalité à Ottawa, mais n’avait jamais officialisé son changement d’adresse.
Dans ces conditions, le dernier cas remonterait alors au 29 avril.
Dépistage supérieur à la moyenne provinciale
Azim Kasmani, médecin résident pour l’agence de santé, estime pour sa part que la distanciation sociale a été particulièrement bien « respectée » dans la région.
« Le monde était très bien préparé », ajoute-t-il. « En août dernier, nous avions fait plusieurs présentations sur les risques de contaminations liés à la grippe, et la nécessité d’être vacciné. »
Face au coronavirus, l’agence de santé publique a fait bien plus de tests que la moyenne provinciale, précise le médecin résident. Un peu plus de 10 000 tests ont été effectués, soit 5 064 tests pour 100 000 habitants, pour une moyenne provinciale de 4 368, d’après les chiffres de mercredi matin.
Dans les rues de Kingston, le calme domine.
« Les gens sont très respectueux ici. C’est une ville avec trois campus universitaires, alors quand il n’y pas plus tous ces étudiants, c’est évidemment plus calme », observe le francophone Éric Galarneau.
« Disons que le peu de cas à Kingston est un hasard bien préparé. J’ai l’impression que les équipes de santé étaient bien préparées au niveau des hôpitaux. Par ailleurs, je pense que le degré de familiarité a joué. On connaît tous quelqu’un, à Kingston, qui travaille dans le milieu de la santé ou qui est un travailleur de première ligne. Aussi, Kingston n’est pas une grande ville, avec beaucoup d’activités. Quand tout est fermé, nous n’avons pas le choix de respecter! »
Dépendance des autres villes, selon un commerçant
Au centre-ville, l’artiste visuel et propriétaire de deux galeries d’art Martello Alley, David Dossett, y va lui aussi de son hypothèse sur les chiffres encourageants de la région de Kingston.
« Ma théorie, c’est que nous avons beaucoup de médecins, et les centres médicaux sont très proches. Les personnes peuvent être rapidement prises en charge. Nous ne sommes pas une grande ville, c’est plus facile aussi pour donner des communications de santé publique. »
Une semaine après la réouverture de ses galeries d’art et en dépit d’une situation sanitaire rassurante, les clients n’affluent pas.
« C’est très calme », constate M. Dossett. « Habituellement, mes galeries dépendent des touristes. Ma clientèle vient principalement d’Ottawa et de Toronto. Ce ne sont pas des résidents de Kingston. »
Et de conclure : « Il faudra attendre que la situation dans la province toute entière aille mieux. »