Emploi : gouvernement et libéraux s’expliquent à coup de projets de loi

Les députés veulent éviter que des immigrants surqualifiés se retrouvent chauffeurs de Uber. Crédit image : adamkaz / E+ via Getty Images.

TORONTO – Les dernières annonces du ministère du Travail, de la Formation et du Développement des compétences se suivent mais ne se ressemblent pas. Dévoilé au goutte-à-goutte durant les deux dernières semaines, le nouveau projet de loi phare du gouvernement « visant à œuvrer pour les travailleurs » vient d’être déposé à Queen’s Park. La réaction de l’opposition ne s’est pas fait attendre et, une fois n’est pas coutume, se veut plus complémentaire qu’opposée.

À peine une semaine après avoir annoncé la proposition de nouveaux changements axés sur l’élimination des exigences en matière d’expérience de travail au Canada pour l’inscription et l’obtention d’un permis professionnel, et ce dans le cadre de la lutte contre la pénurie de main-d’œuvre dans la province, le ministère du Travail, de la Formation et du Développement des compétences met le paquet. En effet, c’est en début de semaine que le ministère a présenté, sous forme de projet de loi, les modifications législatives apportées aux règles régissant le secteur de l’emploi actuellement.

« La législation proposée montre que l’Ontario est prêt à ouvrir la voie aux lieux de travail de demain et à créer les conditions qui inciteront les personnes talentueuses et novatrices à vouloir travailler dans notre grande province », a déclaré le ministre McNaughton.

Monte McNaughton, ministre du Travail, de la Formation et du Développement des compétences. Source : Assemblée législative de l’Ontario

Sur le papier, les nouveautés notoires du programme gouvernemental peuvent être résumées en trois points. Premièrement, obliger les employeurs à la tête de 25 travailleurs ou plus de se doter « d’une politique écrite concernant la déconnexion des employés à la fin de la journée de travail afin de leur permettre de passer plus de temps avec leur famille », une mesure qui, dans l’hypothèse qu’elle soit adoptée, ferait de l’Ontario la première province à se porter garante du droit des travailleurs à la déconnexion.

Deuxièmement, supprimer les clauses de non-concurrence que le ministère qualifie d’injustes et « qui empêchent les gens d’explorer d’autres perspectives professionnelles afin de permettre aux travailleurs de progresser plus facilement dans leur carrière ».

Troisièmement, bannir les barrières qui se dressent devant les individus formés à l’étranger pour obtenir un permis d’exercer « une profession réglementée et accéder à des emplois correspondant à leurs qualifications et compétences ». On parle ici des métiers de médecin, enseignant ou encore avocat. On compte près de 300 000 postes vacants dans les professions spécialisées.

Un coup de pouce pour les enseignants francophones

Côté opposition, 24 heures après le dépôt du projet de loi gouvernemental à l’Assemblée législative, la députée libérale Lucille Collard a, à son tour, posé sur la table des greffiers un projet de loi privé intitulé Loi de 2021 sur le Comité consultatif des titres de compétence acquis à l’étranger. Et n’allez surtout pas lui parler de douteuse coïncidence!

« Ça fait plus d’un an et demi, depuis que je suis élue, que je travaille sur ce projet de loi parce que le problème ne date pas d’aujourd’hui. Bien avant, quand j’étais présidente de conseil scolaire, je voyais des enseignants francophones venant d’autres pays qui avaient beaucoup de difficultés à accéder à leur profession ici. Ce n’est donc qu’une simple coïncidence », justifie-t-elle.

Lucille Collard, députée d’Ottawa-Vanier. Source : Assemblée législative de l’Ontario

Dans le fond, le document présenté par la députée d’Ottawa-Vanier préconise la création « d’un comité consultatif pour les titres de compétence acquis à l’étranger ».

Constitué de 12 membres issus de quatre ministères différents, ce comité serait en charge d’examiner la législation et les autres règles qui régissent la reconnaissance en Ontario des diplômes et des titres de compétences obtenus à l’étranger d’une part, et de l’autre, il sera en mesure de fournir des recommandations au ministre de tutelle s’agissant des obstacles rencontrés par les détenteurs de ces titres et les façons optimales pour reconnaître ces derniers.

Peut mieux faire, selon l’opposition

« Il est clair que le projet de loi du gouvernement ne va pas assez loin, surtout concernant l’accès aux professions et la reconnaissance des titres professionnels des nouveaux arrivants. C’est pourquoi les recommandations de ce comité qui travaillera d’une manière indépendante et en toute transparence permettront au ministre de proposer une solution beaucoup plus complète que ce qui a été proposé dans son projet de loi », juge Mme Collard.

La politicienne assure également que « cette révision de la législation, si elle est adoptée, s’appliquera d’une manière exhaustive à tous les métiers qui ont besoin d’un permis ou d’une autorisation de travail en Ontario, comme les avocats, les médecins ou encore les enseignants ».

Voilà qui pourrait faire des mécontents du côté des ordres professionnels, considérés jusque-là comme l’unique porte d’entrée pour ces métiers et qui risquent fort d’être court-circuités.