Francophones des minorités culturelles : « Nous sommes aussi Franco-Ontariens »
TORONTO – L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) représente bien souvent mal les Franco-Ontariens issus des minorités culturelles, selon de nombreux participants à la première d’une série de consultations de l’organisme auprès des minorités raciales ethnoculturelles. Les immigrants de langue française vivent en parallèle du reste des Franco-Ontariens de souche et dans des situations bien plus précaires, a-t-il été également avancé.
Les organisateurs voulaient une « discussion franche », ils l’ont eu. Mercredi soir à Toronto, plusieurs représentants des organismes francophones qui représentent les groupes ethnoculturels ont d’entrée de jeu partagé leur mécontentement à l’endroit de l’AFO.
« L’AFO, pendant longtemps, je ne savais pas ce que c’était. Votre organisme ne m’appelle pas. Et il ne me parle pas comme femme francophone. On s’est perdu de vue. Il y a une forme de clan qui semble exclure certains », a dénoncé Dada Gasirabo, directrice d’Oasis Centre des femmes.
« L’Assemblée de la Francophonie n’existe pas pour moi », a pour sa part lancé Jacques Yamdjie de Canoraa. « Les jeunes Torontois francophones ne connaissent pas l’Assemblée de la francophonie. Personne ici ne connaît l’AFO! Faites le nécessaire pour aider nos vies et vous faire connaître », a renchéri Konan Kouakou, de l’organisme Renaissance économique africaine.
Léonie Tchatat, directrice de la Passerelle-I.D.É, qui agissait comme modératrice a tenté de mettre les choses en perspective. « Il ne faut pas se positionner comme victime. L’AFO n’est pas un sauveur. Il faut se regarder en face et voir comment on peut contribuer en collaboration avec le reste de la communauté », a-t-elle lancé.
Bien souvent, l’AFO ne parle pas des enjeux qui touchent les immigrants francophones au quotidien, ont souligné d’autres intervenants.
« La première priorité d’un immigrant est sa survie et son développement économique. Ça passe par l’apprentissage de l’anglais, qu’on le veuille ou non. J’aimerais qu’on ne parle pas juste de l’Université franco-ontarienne, même si elle est importante, mais qu’on parle aussi d’autres dossiers qui touchent le quotidien des gens », a affirmé Fayza Abdallaoui, présidente du Mouvement pour les femmes immigrantes francophones.
Qui est franco-ontarien?
Bon nombre d’intervenants ont affirmé que la communauté franco-ontarienne de souche intègre mal les francophones des communautés ethnoculturelles.
« Tous les Franco-Ontariens viennent d’ailleurs. Je refuse de m’identifier comme une minorité ethnoculturelle, je suis moi aussi un Franco-Ontarien! », a lancé Jacques Yamdjie. « Il y a trop de discrimination entre ceux de souche et les autres », a-t-il renchéri. Il n’a pas été le seul à mentionner ce fossé qui existerait entre les Franco-Ontariens présents en Ontario depuis plusieurs générations et les autres plus récents.
Il a aussi été dit que les nouveaux Franco-Ontariens doivent pouvoir se faire entendre au sein des institutions politiques. « Il faut viser haut, il faut arrêter d’attendre et se faire entendre par nous-mêmes. Moi, je compte me présenter au Parlement à Ottawa », a lancé Olga Lambert, sous une pluie d’applaudissements.
Un intervenant s’est aussi questionné sur la justesse de se regrouper sous un même parapluie sur la simple base d’une langue commune. « La stratégie actuelle semble être : nous sommes francophones, nous devons nous allier aux francophones. Pourquoi ne pas s’attacher aux Chinois qui sont immigrants aussi? Est-ce que la communauté de langue doit vraiment être ce qui nous unit? », s’est questionné Serge-Patrick Goudjo.
Échec de la démarche précédente
Le sujet de l’échec de l’Union Provinciale des Minorités Raciales Ethnoculturelles Francophones de l’Ontario (UP/MREF) est rapidement arrivé sur le plancher. L’organisme devait agir comme intermédiaire auprès de l’AFO.
La division était palpable au sein de la trentaine de participants : faut-il se faire entendre au sein de l’AFO ou fonder un nouvel organisme phare pour les Franco-Ontariens issus de l’immigration? Les priorités de chaque communauté sont bien souvent différentes, ont cependant souligné plusieurs intervenants. Les organismes sont souvent dans une situation précaire et ont besoin d’argent, ont-ils ajouté.
« Mais attention, nous devons d’abord nous structurer et nous entendre entre nous. Avec l’UP/MREF, on s’est déchiré. Si le gouvernement nous donnait cinq millions aujourd’hui, on se déchirerait. On n’est pas prêt, il faut trouver un consensus. On ne doit pas rater notre chance une deuxième fois », a lancé Mme Tchatat.
L’AFO sensible aux critiques
« Les discussions n’ont pas toujours été faciles à entendre pour moi ce soir. J’ai compris beaucoup de choses, je vous remercie », a débuté Peter Hominuk, directeur général de l’AFO. « Je ne suis pas ici pour faire des excuses pour les erreurs de l’AFO dans le passé ou de l’UP/MREF. Mais de façon sincère, on veut que tous les Franco-Ontariens soient bien représentés et qu’on se parle pour avancer ensemble », a-t-il ajouté.
Il a soutenu être choqué depuis longtemps du manque d’avancées pour les Franco-Ontariens des communautés ethnoculturelles.
« La communauté francophone dans son ensemble avance à un rythme pas si mal, mais la communauté ethnoculturelle francophone n’avance pas à la même vitesse et ça m’inquiète énormément », a-t-il indiqué affirmant vouloir mettre en place des moyens pour qu’elle se fasse entendre.
Léonie Tchatat a pour sa part conclu en affirmant que de nouvelles structures devaient voir le jour.
« J’ai compris qu’on veut sortir des modèles anciens, avoir de nouvelles structures pour discuter entre nous et s’ouvrir aux jeunes qui peuvent apporter aux discussions », a-t-elle dit.