Inflation en Ontario : les Franco-Ontariens sont à bout
Depuis le début de la pandémie, on a remarqué une inflation rapide des prix sur l’ensemble du territoire. Selon le dernier rapport de Statistique Canada sur l’indice des prix à la consommation, l’Ontario a un indice de 5 %, soit 0,3 % de plus que l’indice national. Face à cette flambée croissante des prix, bon nombre de Franco-Ontariens tirent la sonnette d’alarme sur cette situation insoutenable.
Selon la banque du Canada, l’inflation est définie comme « une hausse persistante du niveau moyen des prix au fil du temps ». En moyenne, ce taux oscille entre 2 et 2,5 % annuellement sur le territoire. Mais, avec la pandémie, il a atteint un seuil record de 4,7 % en 2021.
« Nous avons dû faire certains choix dans nos habitudes de consommation [à cause de la hausse des prix]. Si je prends l’exemple le plus flagrant, le prix du bœuf a tellement augmenté au cours des derniers mois que nous avons été contraints de choisir des options alimentaires plus économiques comme le poulet ou le porc », déplore Daniel Lajeunesse, père de famille de deux enfants vivant à Aurora.
Même si son portefeuille global ne semble pas avoir été affecté par la hausse des prix, M. Lajeunesse craint que les économies de sa famille ne soient compromises compte tenu de l’augmentation de son panier d’épicerie.
Cette frustration est partagée par Diana Mbonga, étudiante en maîtrise à l’uUniversité Saint-Paul, à Ottawa.
« J’ai commencé à ressentir les effets de la hausse des prix à cause de l’augmentation du carburant. Je suis passé de 50 $ par semaine à 70 $ presque 80 $. Sur un plan mensuel, on se retrouve presque à un extra de 60 $. Je ne peux pas me le permettre pour le moment », se lamente-t-elle.
Benoît Durocher, économiste au mouvement Desjardins, explique les revenus perçus par les foyers moyens ne suivent pas l’inflation nationale.
« Cela entraine plusieurs problèmes sociaux. Dans un premier temps, on observe une baisse du pouvoir d’achat des foyers moyens. Par la suite, les épargnants sont les grands perdants, car une trop grande inflation entraine une baisse de la valeur de leur argent sur le long terme », ajoute-t-il.
Pour lui, cette incertitude quant à l’évolution des prix compromet la stratégie économique de la Banque du Canada qui vise normalement à stabiliser le taux d’inflation à 1 ou 3 %, avec un médium à 2 % sur une base générale.
Une situation qui n’est pas faite pour durer
D’après Benoît Durocher, l’inflation que nous observons en ce moment serait une situation temporaire.
« C’est clair que l’inflation a atteint un niveau plus haut que ce que l’on espérait et elle est aussi plus longue. Cependant, on demeure sûr qu’il s’agit d’une situation temporaire. On estime que les facteurs qui ont amené à une hausse significative des prix devraient se dissiper au cours des prochains mois », déclare-t-il.
Pour lui, en se basant sur les prix de l’essence en début de pandémie, il est clair que les prix actuels sont très élevés, mais commencent progressivement à se normaliser pour atteindre des prix initiaux prépandémie.
« Plus on avance dans le temps, plus ces effets-là vont disparaître », assure-t-il. « On va commencer à se comparer à des prix que nous connaissons déjà. C’est une simple logique mathématique ». M. Durocher estime aussi que le retour progressif à la normale dans les chaînes de production et la diminution des pressions faites aux entreprises pourraient favoriser une diminution graduelle des prix à la consommation.
« Il faudrait que les ménages gardent en tête que c’est juste une mauvaise phase à passer. Il faut rester calme et ne pas penser que c’est le début d’une nouvelle ère marquée par une inflation galopante sur plusieurs années », ajoute-t-il.
« Le gouvernement n’a pas grand rôle à jouer »
Face à l’accroissement de l’indice des prix à la consommation, le gouvernement de l’Ontario a ajusté le niveau du salaire minimum pour qu’il se rapproche du taux d’inflation.
Selon Mme Mbonga, même si cette augmentation salariale fait une différence, elle se trouve dans une situation de précarité compte tenu de la réduction de ses heures de travail.
« Si la situation persiste, je vais perdre le peu d’indépendance financière que je possédais. Je crois qu’à cette allure, je vais prendre le plus d’heures possible et même un second emploi au besoin », se plaint-elle.
D’après Benoît Durocher, même si l’initiative du gouvernement ontarien est louable, elle est contreproductive si l’on souhaite stabiliser la politique monétaire canadienne.
« On est dans une situation où il y a plusieurs pénuries de main-d’œuvre. En partant, les conditions dans le marché du travail sont assez serrées. Ici, les employés sont déjà prompts à espérer une augmentation salariale. Même si on augmente le pouvoir d’achat, on crée une spirale quant à la hausse des prix pour couvrir les frais élevés de la main-d’œuvre », ajoute-t-il.
L’économiste précise que la Banque du Canada travaille déjà à une stratégie de repositionnement monétaire pour éviter de rentrer dans une telle spirale.
En quittant d’un modèle très expansionniste qui privilégie des taux d’intérêt bas et des achats excessifs d’obligations sur les marchés financiers, on va essayer de progressivement stabiliser le système monétaire. Cela permettra de s’adapter à des taux d’inflation très élevés.
« Le gouvernement n’a pas grand rôle à jouer dans ce processus. La Banque du Canada a pour mandat principal de s’assurer de la stabilité des prix au pays. Elle fait la gestion de sa politique monétaire en fonction de cet objectif », conclut-il.