Ivanie Blondin, d’or et de feu sur la glace
[LA RENCONTRE D’ONFR+]
CALGARY – La patineuse franco-ontarienne et championne olympique en titre de poursuite par équipes, Ivanie Blondin, a débuté la saison sur les chapeaux de roue en ramenant trois médailles d’or dès les premières manches de Coupe du monde, en Norvège puis en Alberta, où elle vit depuis 12 ans. Elle confie à ONFR+ les émotions intenses qu’elle a vécues en 2022 et son désir de record mondial.
« Avec trois médailles d’or en un mois (en départ groupé et poursuite par équipe), pouviez-vous rêver meilleur départ dans la Coupe du monde?
Non, en effet. La compétition est déjà intense. Ça s’est bien déroulé à Stavanger (Norvège), que ce soit pour le départ groupé, la poursuite, le 1 500 et le 3 000 mètres. Je suis vraiment contente du début de la saison. C’est une belle surprise d’avoir eu la première médaille d’or à la première Coupe du monde à la poursuite, et de continuer ainsi à Calgary (Alberta).
Depuis les Jeux olympiques, avez-vous eu le temps de souffler?
Pas vraiment mais j’aime ça. J’ai quand même eu un mois et demi de repos, avant de reprendre le vélo et recommencer à m’entrainer, début mai dernier.
Vous suivez actuellement l’entrainement de l’équipe masculine. Quel avantage cela vous procure-t-il?
Grâce à ça, j’ai acquis plus de vitesse cette année que les années précédentes. Ça me donne plus de vitesse dans les courses personnelles et la poursuite.
L’or olympique et l’or mondial ont-ils une saveur différente?
C’est quand même différent. Quand on décroche une médaille aux championnats du monde, on en veut une en coupe du monde, puis une aux Jeux olympiques. La seule chose qui manque maintenant, pour l’équipe de poursuite, c’est le record du monde. On veut l’atteindre.
Ce record mondial par équipe est-il à portée de main?
Ça dépend de beaucoup de choses : la pression de l’air, les conditions de la glace, etc. On est excitée de tenter le coup.
Vous dites « on » en référence à vos coéquipières en poursuite : Valérie Maltais (Montréal) et Isabelle Weidemann (Calgary). N’est-ce pas compliqué d’acquérir des automatismes quand 4 000 kilomètres vous séparent?
On a passé quatre ans ensemble dans le but de remporter l’or olympique. On a réussi mais, après ça, on avait besoin d’un break mental et ça a été bénéfique pour l’équipe car on est toujours contente de patiner à nouveau ensemble dans les grands rendez-vous et ça fonctionne très bien.
À près de 60 km/h sur la piste, comment fait-on une différence stratégique, dans la tête et les jambes, pour compenser le retard sur les concurrents?
On se concentre sur nous-mêmes. On essaye de garder la cadence stable dans les premiers tours. On connaît nos qualités et on voit que les autres équipes ont un profil de course qui est d’aller vite au début, tandis que nous c’est l’inverse : on garde ça sur la fin.
Votre discipline de prédilection est le départ groupé, pourquoi?
Avec mon background en courte piste depuis 2010 et ma vitesse qui s’affute, le départ groupé représente un bon challenge, un milieu avec lequel je suis confortable. J’aime ça, pousser.
Pour gagner une épreuve, vous devez parfois faire l’impasse sur une autre. Est-ce des choix difficiles à opérer?
Oui mais ça fait partie du jeu. Cette année, j’ai fait toutes les courses sauf le 500 mètres en Coupe du monde. C’est un horaire très chargé. C’est épuisant mais j’ai bien performé dans les distances où je sais que je peux faire un podium. Rendu aux Mondiaux, Il faudra tout de même couper dans les courses où les chances sont plus faibles car certaines se trouvent dans la même journée.
Vous vivez et vous entraînez à Calgary, en Alberta, loin d’Ottawa et de votre famille. Comment vivez-vous cette distance?
Plutôt bien. C’est le fun de retourner de temps en temps à Ottawa, en général deux fois par an, mais Calgary est vraiment mon milieu depuis 2010 avec mon mari, les montagnes, notre gros chien, les infrastructures comme l’anneau olympique et le centre d’entraînement.
Si on vous dit : École secondaire catholique Garneau, à Orléans, qu’est-ce que cela évoque pour vous?
C’est mon école! Ce sont vraiment de belles années que j’ai passées là-bas. Ils m’ont beaucoup aidée et donné la chance de faire mes études à distance les deux dernières années, en 11e et 12e année quand j’ai dû déménager à Montréal à 16 ans pour évoluer avec l’équipe nationale de courte piste.
Comment percevez-vous le fait d’être un modèle pour les jeunes franco-ontariens?
J’espère qu’ils voient mon parcours comme un exemple à suivre. À chaque fois que je descends à Ottawa, j’essaye de me connecter avec Jason Dupuis (surintendant de l’éducation au Conseil des écoles catholiques du Centre-Est et ancien directeur de l’École Garneau). Que ce soit dans le sport ou dans leurs études, je pousse les jeunes à se dépasser comme moi. Ça n’a pas toujours été facile.
Que leur dites-vous quand vous les croisez dans les couloirs de l’école?
Poursuis tes rêves! C’est vraiment ça que j’ai fait. J’avais toujours en tête que j’irais aux Jeux olympiques et que je ferais un podium. Ça a été un accomplissement qui peut leur donner des idées. Pour ça, il faut travailler très fort.
À quel âge avez-vous chaussé vos premiers patins à glace? Et quand le déclic pour la vitesse s’est-il produit?
J’ai commencé à patiner à l’âge de 2 ans sur la patinoire que mon père installait l’hiver derrière chez nous, proche de la résidence Saint-Louis (établissement de soins de longue durée à Orléans). J’ai pris en suite des cours de patinage artistique mais je n’étais pas très gracieuse. Alors je suis passée à la vitesse à 6 ans. J’ai performé très jeune et me suis qualifiée pour mes premiers mondiaux junior à 14 ans, puis dans les coupes du monde senior l’année suivante.
Vos parents, Lise et Robert, ont-ils contribué à tous ces succès?
Je leur dois beaucoup, oui. Ils ne m’ont jamais poussée. C’est plutôt moi qui avait tendance à souvent trop pousser. Ils ont passé des heures et des heures à m’amener à toutes les compétitions à travers le Canada. C’est à cause de cela que j’ai connu un tel succès dans ma carrière.
À quoi ressemble une journée dans la vie d’Ivanie Blondin?
Une journée très chargée! Je m’entraîne le matin sur la glace à l’aréna. Je retourne à la maison pour manger puis je prends une marche de 45 minutes avec mon chien. Je retourne à l’entrainement l’après-midi et je reviens pour le souper. Je termine à nouveau pas 45 minutes de marche de chien, Netflix et dodo (rires).
Vous avez connu des moments difficiles, comme en 2018, après les Jeux olympiques de PyeongChang. Comment avez-vous remonter la pente? En avez-vous fait une force?
C’était difficile. Je m’étais retrouvée en dépression. Ce qui m’a sorti de ça, ce sont mes animaux : mon perroquet, mes chiens. Avoir deux chiens n’était pas assez, alors j’ai aménagé un refuge pour animaux blessés chez moi. J’avais fait des études en techniques vétérinaires. Les animaux constituent une grosse partie de ma vie. J’en ai accueillis de plus en plus, ce qui m’a aidée mentalement à sortir de la dépression et à retrouver la motivation.
Y a-t-il des coups bas entre adversaires?
Pas vraiment, c’est très spécial. Ça dépend qui. Par exemple, Irene Schouten (une des meilleures patineuses néerlandaises) et moi, en dehors de la glace, on est amies. Mais sur la glace, je dirais que les griffes sortent un petit peu! (rires)
Avez-vous souvent l’occasion de parler français lors des compétitions internationales?
En patinage de vitesse longue piste, on utilise pas beaucoup notre français. On ne se rend jamais en France par exemple. Et à Calgary non plus, on ne parle pas beaucoup. J’ai perdu un peu mon accent franco-ontarien au fil des années. Les opportunités se présentent plutôt quand on discute avec nos amis athlètes québécois comme Valérie Grenier (ski) ou Eliot Grondin (snowboard).
Participer à des quatrièmes Jeux olympiques (Milan, 2026), est-ce réalisable? En rêvez-vous dans un coin de votre tête?
C’est sûr que ce serait le fun, mais j’ai déjà 32 ans. J’ai décidé de prendre les choses année par année. On va voir. J’ai fait beaucoup de vélo cette année, y compris les championnats canadiens sur route lors desquels j’ai finie neuvième. Ça a été une grosse surprise pour moi. Je vais faire encore plus de vélo, avec l’idée en tête de peut-être faire les Jeux d’été (Paris, 2024).
C’est la voie suivie par un autre patineur franco-ottavien, Vincent de Haitre, capable d’enchaîner des Olympiades d’été et d’hiver. Comment expliquer une telle polyvalence à ce si haut niveau?
Pour le passage de vitesse, on s’entraine tellement sur le vélo qu’on fait travailler les mêmes muscles. Avec tous les camps d’entrainement avant les coupes de monde, on devient très compétitif dans ce sport également. Passage de vitesse et vélo se complétement très bien.
Quel est votre objectif à court terme?
Remporter le titre mondial au départ groupé et le titre mondial en équipe de poursuite. Personnellement, en ce moment, j’ai vraiment les yeux rivés sur le 1500 mètres. Avec ma vitesse, j’espère accéder au podium.
Suivez-vous les autres sports? Comment qualifieriez-vous le parcours de l’équipe canadienne à la Coupe du monde de soccer au Qatar?
Oui, j’aime suivre les autres équipes, surtout depuis que je vais aux Jeux olympiques avec l’équipe nationale. On se fait des amis dans des tas d’autres sports. Je trouve que les Canadiens ont bien performé au Mondial, avec un but pour la première fois de notre histoire. »
LES DATES-CLÉS D’IVANIE BLONDIN
1990 : Naissance à Ottawa
2014 : Remporte sa première Coupe du monde en départ groupé et participe à ses premiers JO
2016 : Premier titre de championne du monde de distances individuelles de l’ISU
2019 : Décroche cinq médailles d’or d’affilée dans cinq épreuves différentes, un exploit inédit
2022 : championne olympique en poursuite par équipe aux Jeux olympiques d’hiver de Pékin
Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.