La conférence sur la francophonie boudée par les provinces
IQALUIT – Comme l’an dernier, plus de la moitié des provinces et territoires n’avaient pas envoyé leur ministre responsable pour participer à la 25e Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne. Mais pour la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, cette édition avait tout d’un succès.
« Je tiens à souligner que cette conférence a été un succès! Il y a eu une belle collaboration entre les provinces et territoires présents », a commenté la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, ce vendredi, en clôture de la conférence organisée cette année dans le Nunavut.
Pourtant, ils étaient seulement six représentants élus des provinces et territoires à avoir fait le déplacement à Iqaluit, soit le même nombre que l’an dernier à Whitehorse.
Cette année, outre la ministre des Affaires francophones de l’Ontario, Caroline Mulroney, les gouvernements de Nouvelle-Écosse, Colombie-Britannique, Manitoba, Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador s’étaient eux aussi contentés d’envoyer une délégation de fonctionnaires provinciaux.
L’Alberta totalement absente
Quant à l’Alberta, ni la ministre responsable du Secrétariat francophone Leela Aheer ni sa secrétaire parlementaire pour la francophonie Laila Goodridge n’étaient présentes, pas plus qu’aucun représentant de la province.
La ministre Aheer a justifié son absence par « une présentation devant le Conseil du Trésor et le ministère des Finances dans la même période », selon La Presse canadienne.
« C’est sûr qu’on veut toujours avoir le maximum de membres élus autour de la table pour renforcer la francophonie canadienne », a reconnu la ministre Joly, insistant toutefois sur la présence de délégations de presque tous les gouvernements.
Mais comme l’expliquait l’ancienne ministre des Affaires francophones, Marie-France Lalonde à ONFR+, à la veille de la conférence, la présence de représentants ne peut remplacer celle des élus.
« Le matin, il y a un rendez-vous qui est prévu à huis clos auquel participent seulement les ministres. (…) C’est un endroit où on peut discuter d’enjeux importants et de stratégies avec le gouvernement fédéral. Il y a quelques années, on avait notamment parlé de la pénurie des enseignants de langue française et ça s’est ensuite retrouvé dans le Plan d’action pour les langues officielles! », illustrait-elle.
Ancien président de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), aujourd’hui président de la FCFA, le Franco-Albertain, Jean Johnson, refuse de se prononcer sur l’absence de sa province de résidence. Mais il reconnaît qu’il aurait aimé que tout le monde soit présent.
« C’est toujours décevant quand il y a des absents, mais je ne connais pas la réalité et les raisons de chacun. C’est sûr que je rêve d’un jour où tous auront hâte d’être là, car cela enrichit les discussions d’avoir les ministres autour de la table. »
« Historique » pour la FCFA
Un succès, ça reste également la perception de la FCFA, qui parle même d’un moment « historique ». Et pour cause, après avoir été systématiquement écarté des discussions, l’organisme porte-parole des francophones en milieu minoritaire a pu, pour la première fois depuis la création de la conférence en 1994, s’asseoir à la table pour une session de travail avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.
« L’an dernier, c’était ma première Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne et j’avais trouvé curieux qu’on parle de francophonie sans que les communautés aient une quelconque opportunité de dialogue à la table », explique M. Johnson. « Pour réaffirmer la place du français au Canada, on a besoin de la collaboration non seulement entre le fédéral, les provinces et les territoires, mais aussi entre les gouvernements et les communautés. La place qui nous a été faite et l’écoute attentive que nous avons reçue augurent assez bien à cet égard.
Pendant une heure, mercredi, l’organisme a insisté sur quatre priorités : l’accroissement de l’immigration francophone, l’accès à l’apprentissage du français pour tous les Canadiens, une stratégie de développement économique nationale et internationale bilingue et un plan fédéral-provincial-territorial-communautés pour la promotion du français partout au pays.
La FCFA a obtenu gain de cause en matière d’immigration, d’une certaine manière, puisqu’un deuxième symposium sera organisé dans la prochaine année, après celui de Calgary en 2018.
« Il y a eu beaucoup de questions et d’intérêt. On sent une curiosité », souligne le président de la FCFA. « Notre message, c’était de bien faire comprendre aux provinces et territoires l’importance de travailler avec leurs communautés francophones et avec leurs organismes porte-parole. »
La Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) a également eu voix au chapitre en parlant aux élus et représentants de la problématique de la sécurité linguistique.
L’Alberta refuse de s’associer au communiqué
Mais cette présence n’a pas plu au grand absent des discussions, l’Alberta. Selon les informations d’ONFR+, la ministre Aheer était opposée à l’idée d’inclure la FCFA, jugeant que la conférence n’était pas le lieu adapté.
N’étant pas présent à la conférence, le gouvernement de Jason Kenney a également demandé d’indiquer qu’il n’était « pas partie prenante » du communiqué final.
Un communiqué dans lequel, parmi les autres engagements pris lors de la conférence, les gouvernements se sont engagés à améliorer et à faire la promotion des services en français.
La ministre Joly indique aussi avoir présenté le sommaire de ses consultations sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles afin de donner l’occasion aux provinces et territoires de donner leur avis.
« On veut agir de façon transparente. Nous sommes toujours en consultation et voulons entendre ce que les provinces ont à dire », a expliqué Mme Joly qui n’a pas précisé quelle échéance a été fixée aux gouvernements provinciaux et territoriaux pour soumettre leurs suggestions.