La fin du journal papier pour Le Droit : une symbolique majeure
GATINEAU – La transition des médias imprimés vers les médias numériques est un phénomène majeur des dernières décennies. La fin du journal papier au Droit, ce 30 décembre, symbolise l’impact de cette transition sur l’industrie des médias, mais c’est aussi un choix environnemental pour la direction du quotidien.
Depuis 1913, le journal Le Droit a fidèlement inscrit son histoire sur le papier, un lien indéfectible depuis l’aube de la presse. Aujourd’hui, c’est une étape cruciale, d’autant plus que depuis 2020, le quotidien avait déjà fait un pas en abandonnant la version papier en semaine.
Exit les pages qui froissent sous les doigts, Le Droit entre à 100 % dans l’ère digitale, ce 1ᵉʳ janvier. Un changement majeur, que la rédactrice en chef, Marie-Claude Lortie, compare à juste titre à l’époque des débuts de l’industrie automobile.
« C’est comme quand on a arrêté de se promener tirés par des chevaux pour prendre des voitures à la place. »
D’ailleurs, d’après Mme Lortie, c’est en quelque sorte une progression naturelle dans le domaine des médias. « Lorsqu’on considère l’aspect matériel et environnemental, il semble assez surprenant de mobiliser toute cette énergie, cette matière, ce papier, ces camions, la machinerie, la logistique, les personnes et les transports, pour quelque chose qui a une durée de vie extrêmement limitée. »
« Le livre ou le magazine, on peut le feuilleter à maintes reprises, contrairement au journal qui demeure vraiment éphémère », ajoute-t-elle.
Pas de grands changements auprès des lecteurs
« Quand on y pense, c’est beaucoup moins cher d’être abonné numériquement », constate Mme Lortie.
Outre cet avantage, la rédactrice en chef insiste sur le fait que la transition a eu lieu il y a un certain temps déjà. Selon elle, la véritable fin du papier a été marquée par la pandémie en 2020, déclenchant inévitablement des ajustements significatifs. L’autre ajustement que les médias traversent en 2023 est le blocage des nouvelles par Meta(Facebook/Instagram).
Mais pour Marie-Claude Lortie, « Internet, c’est bien plus que Meta, même si indéniablement, ils occupent une place importante. C’est une réalité qui nous pousse, pour le moment, à prendre des décisions et à réfléchir sur le fonctionnement des choses ».
Pour ce qui est du Droit, c’est probablement bénéfique, croit-elle.
« Cela nous incite à devenir plus indépendants, à nous enraciner davantage dans notre identité. En fait, Internet est une plateforme ouverte à tous. Meta n’a pas le contrôle total sur Internet. Nous pouvons subsister en dehors de cela. Et cela se reflète dans les statistiques, montrant que les gens ont su s’adapter. »
Des départs volontaires et peut-être une perte de lecteurs
La fin du papier, c’est forcément aussi la fin d’une équipe. Ce qui a conduit à la mise en place d’un programme de départ volontaire au sein de la boîte. Le Droit a par exemple perdu l’ensemble de ses journalistes de sa section sportive dans les derniers jours, qui ont tous quitté l’entreprise. Ce programme a été lancé au printemps et s’est étendu plus ou moins tard, au début de l’été dernier.
« Nous avons offert aux employés la possibilité de partir en rachetant leurs postes, avec des départs volontaires (…) Il est important de souligner qu’il n’y a eu aucun licenciement, personne n’a été contraint de partir. »
Côté lecteur, la rédactrice en chef estime que « le lectorat numérique ne va pas diminuer ».
« Le pari que nous faisons, c’est que les lecteurs habitués au format papier seront curieux. Ils vont naturellement explorer la version numérique pour retrouver leur journal, d’autant plus qu’ils sont déjà abonnés de toute manière. »
Si l’usage du papier peut souvent être associé à des habitudes plus traditionnelles de consommation d’informations, qui sont parfois plus répandues parmi les générations plus âgées, cette frange de lecteurs devra probablement faire le pas vers le numérique, si ce n’est pas déjà fait.
« C’est des lecteurs importants, admet Mme Lortie, puis on espère que leurs enfants, que leurs amis, que leurs voisins vont les aider à faire cette transition-là. »
« De nos jours, le recours au numérique est devenu la norme, que ce soit pour accéder aux services gouvernementaux ou pour gérer divers aspects de la vie quotidienne tels que les assurances, les hypothèques et les transactions bancaires. Cependant, il est indéniable qu’une partie de la population n’a pas encore effectué cette transition vers le numérique », explique-t-elle.
« Malgré cela, il est essentiel que nos décisions d’affaires tiennent compte des tendances globales et des évolutions du marché », conclut-elle.