La Laurentienne a manqué à ses obligations légales, selon le rapport Burke
SUDBURY – Près d’un an après les coupes de programmes à La Laurentienne, l’ombudsman adjointe Kelly Burke a rendu public ce jeudi son rapport d’enquête dans le cadre de la restructuration financière de l’université, et sur l’administration de la désignation de l’université par les ministères des Affaires francophones et des Collèges et Universités.
L’enquête, menée par l’Unité des services en français du Bureau de l’Ombudsman, a été ouverte en juin 2021 à la suite de la réception de 60 plaintes au sujet des coupes à l’Université. Désignée depuis 2014 par règlement comme un organisme gouvernemental en vertu de la Loi sur les services en français (LSF) et première université bilingue en Ontario, l’Université Laurentienne a des responsabilités légales.
L’ombudsman adjointe rappelle que l’université a le devoir d’assurer la prestation de programmes menant à 13 grades et reconnaît que cela ait pu contribuer à une certaine confusion pour le public.
« Il semble indiquer que les programmes menant aux grades désignés sont protégés en vertu de la LSF. Toutefois, les trois organisations visées par l’enquête nous ont indiqué que c’était en réalité seulement les grades qui étaient protégés », dit-elle.
Elle ajoute que le fait de ne garder qu’un seul programme sous chaque grade est donc contraire à l’esprit de la Loi. La suppression de tous les programmes menant à deux grades désignés maîtrise ès arts et maîtrise en activité physique est une infraction directe de cette Loi par le non-respect des étapes requises.
L’enquête a aussi permis d’apprendre que ce sont 72 programmes et non pas 69 qui ont été supprimés, dont 29 en Français au lieu des 28 connus. L’ombudsman adjointe a reconnu qu’il est possible qu’il y ait eu une confusion sur cette Loi, en conférence de presse : « Il y a plusieurs interprétations de cette Loi là, je laisse aux tribunaux de déterminer de l’application de la Loi ».
Une communication inefficace entre les partis
Mme Burke a aussi cherché à évaluer le rôle des ministères des Collèges et Universités (MCU), et des Affaires francophones (MAFO) au cours de son enquête. Elle affirme que ceux-ci ont communiqué trop tard, notamment le ministère des Collèges et Universités qui était « au courant que l’Université Laurentienne faisait face à des problèmes financiers depuis au moins l’été 2020, quand l’université a annoncé publiquement la suspension de sept programmes de langue française ».
Pourtant, apprend-on dans le rapport, bien que des discussions informelles aient eu lieu entre le MCU et l’Université, la LSF n’a été abordée qu’à partir de 2021 et ce même si « il n’y a aucune trace de ces conversations », déclare-t-elle.
L’enquête a aussi permis de conclure que, malgré l’obligation de 2014 par le MAFO « pour tous les organismes désignés de faire rapport tous les trois ans sur leur conformité continue aux exigences de leur désignation, l’Université Laurentienne n’a pas respecté cette exigence. Pour sa part, le MCU n’a pris aucune mesure pour s’assurer que l’université s’y soumette ».
L’ombudsman adjointe a indiqué en conférence de presse aujourd’hui que la Loi exige que les ministères jouent un rôle proactif. Dans sa recommandation 6, elle demande que le ministère des Affaires francophones et le ministère des Collèges et Universités s’assurent que l’évaluation de la conformité de l’Université Laurentienne soit faite avant tout changement futur qui pourrait affecter les services désignés.
Kelly Burke en profite pour lancer un blâme au MAFO qui « a manqué à son rôle en tant que ministère chargé de l’application de la Loi sur les services en français ».
Manque d’implication du coordonnateur
Comme le rappelle le rapport, en vertu de la LSF, chaque ministère du gouvernement a un coordonnateur des services en français qui, selon le MCU, collecte des informations et vérifie que les organismes désignés respectent les critères de leurs désignations.
Mme Burke s’est dite « très surprise, étonnée même » que le coordonnateur de service en français n’ait pas été plus impliqué dans le processus comme le révèle également l’enquête : « Le MCU nous a confirmé que son coordonnateur des services en français ne jouait pas de rôle par rapport à l’Université Laurentienne après sa désignation en 2014. Une fonctionnaire nous a spécifié que le ministère n’a pas non plus consulté son coordonnateur des services en français entre juillet 2020 et avril 2021 au sujet des coupes dans les programmes de l’université ».
Un constat qui a permis de conclure qu’il faudrait, ici aussi, un meilleur encadrement du rôle de coordonnateur et qui fait l’objet de deux recommandations.
Recommandation 14 : Que le ministère des Collèges et Universités s’assure que le coordonnateur des services en français soit consulté immédiatement par rapport à la conformité de l’Université Laurentienne à ses obligations en vertu de sa désignation sous la LSF.
Recommandation 15 : Que le ministère des Collèges et Universités développe une politique qui détaille le rôle du coordonnateur des services en français dans la surveillance de la conformité des organismes désignés par rapport à leurs obligations en vertu de la Loi.
Le rapport d’enquête présente 19 recommandations à l’intention des trois organismes qui les auraient acceptées et sur lesquelles ceux-ci se sont engagés et devront lui rendre des comptes jusqu’à ce que celles-ci soient complètement respectées, écrit Burke.
La 19e recommandation invite le ministère des Collèges et Universités, le ministère des Affaires francophones, et l’Université Laurentienne à faire rapport auprès de la commissaire Burke « dans six mois sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces recommandations, puis à intervalles de six mois, jusqu’à ce que je sois convaincue qu’ils ont pris des mesures adéquates pour les appliquer », conclut-elle.
« La Laurentian University ne mérite pas notre confiance », réagit l’AFO
« Ce rapport est une autre preuve que la Laurentian University ne mérite pas la confiance de la communauté franco-ontarienne », a réagi par voie de communiqué l’Association de la francophonie de l’Ontario (AFO). « L’institution est devenue un vecteur d’assimilation et vide le Nord de sa jeunesse franco-ontarienne », a fustigé son président, Carol Jolin.
De son côté, la principale concernée, l’Université Laurentienne, a « apprécié le rapport et les recommandations », affirmant être « prête à travailler avec les ministères. Elle ajoute cependant que la réduction des programmes en anglais et en français était « une étape difficile, mais nécessaire » et a s’est dite convaincue que sa « programmation actuelle concorde davantage avec la demande étudiante et contribuera à assurer la viabilité financière pour l’avenir ».
Le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) qualifie quant à lui la situation de « scandaleuse » et son président, Ephrem Porou ajoute que ce rapport vient confirmer que « Laurentian University ment à la communauté depuis des mois ».
Le RÉFO tout comme l’AFO exhortent le gouvernement à financer l’Université de Sudbury et à transférer les programmes de langue française sous le giron de l’Université Laurentienne vers l’Université de Sudbury.