« La libération queer ne se fait pas dans un silo » pour Fierté dans la capitale
OTTAWA – Le Festival de Fierté dans la capitale a débuté samedi et se déroule jusqu’au 25 août, sous le thème Écoute. Apprends. Agis. L’événement débute pourtant avec une controverse, alors que des regroupements juifs, le maire de la ville et d’autres organisations se retirent des activités, accusant le conseil d’administration d’antisémitisme et de détourner le défilé de la Fierté en manifestation propalestinienne.
C’est une déclaration émise le 6 août par Fierté dans la capitale qui est à l’origine de cette vague de réactions. L’organisme y dénonçait autant l’antisémitisme que l’islamophobie, puis critiquait vivement les actions du gouvernement israélien dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie.
L’organisme accusait aussi Israël de faire du « maquillage en rose », ou pink-washing, une pratique qui consiste à adopter une position alliée à la communauté LGBTQ+ en surface, pour faire passer des messages (souvent commerciaux, mais ici politiques) qui n’ont en fait rien à voir avec la lutte contre l’homophobie.
Fierté dans la capitale annonçait du même souffle une série de mesures, incluant de « reconnaître le génocide en cours en Palestine dans notre mot d’ouverture aux événements phares du Festival de la Fierté dans la Capitale. »
En poste à la co-présidence du conseil d’administration, Francesco MacAllister-Caruso a réaffirmé la position de l’organisme ce samedi, suite à une demande de précision d’ONFR.
« Il est important de ne pas oublier que la Fierté, à la base, se veut un mouvement de libération et de défense des droits de la personne. Les demandes énoncées dans notre déclaration – soit la protection des civils, le retour des otages pris par le Hamas, le respect du droit international et une fin à cette guerre horrible – n’enlèvent rien à notre solidarité envers les communautés juives, qui elles aussi vivent une hausse des crimes haineux. Nous réitérons que nous ne tolérons aucune forme de discrimination ou de haine à nos événements, y compris l’antisémitisme. »
De vives réactions
Au lendemain de la déclaration du 6 août, la Fédération juive d’Ottawa s’est dite choquée. Une semaine plus tard, l’organisme a annoncé se retirer du défilé de la Fierté prévu plus tard ce mois-ci, « suite au refus de Fierté dans la capitale d’ajuster sa position ».
Le maire d’Ottawa, Mark Sutcliffe, a ensuite déclaré sur X (anciennement Twitter) qu’il ne participerait pas aux activités de Fierté dans la capitale, tout en réitérant sa présence à des événements tiers pour souligner la période de la fierté dans sa ville.
« Je suis déçu qu’en dépit des conversations avec la communauté juive, le conseil d’administration de la Fierté de la capitale ait choisi de s’en tenir à sa déclaration originale qui a causé beaucoup de peine et de détresse à de nombreux membres de la communauté juive. »
Depuis, le Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario (CHEO) et l’hôpital d’Ottawa ont aussi retiré leur participation officielle au défilé, selon des notes internes obtenues par certains médias, dont CTV.
De son côté, la conseillère municipale du quartier Somerset d’Ottawa, Ariel Troster, a adopté une position plus modérée. Elle-même membre des communautés juive et LGBTQ+, elle affirme sur sa page Facebook être profondément déçue de la décision de la Fédération juive d’Ottawa.
« Avoir à choisir entre d’où l’on vient et ce que l’on est, c’est extrêmement douloureux », écrit-elle avant de confirmer sa présence aux activités de Fierté dans la capitale.
Dans sa déclaration, Ariel Troster indique aussi ne pas avoir été surprise de la déclaration du 6 août. « Je veux réitérer que la Fierté est, et a toujours été politique. (…) Critiquer les actions du gouvernement israélien n’est pas antisémite et je n’en ai pas personnellement été offensée », indique-t-elle tout en reconnaissant que certains juifs se sont sentis effacés par la façon dont la déclaration était écrite.
Pas de lutte en silo
Dans une entrevue accordée à ONFR avant les récents événements, Francesco MacAllister-Caruso expliquait sa vision d’inclusion.
« Avec le moment dans lequel on vit, qui est très instable et inquiétant pour plusieurs personnes marginalisées, c’est encore plus important pour nous de se montrer solidaire d’autres causes, de ne pas tenter de rester dans notre silo. Parce qu’on sait que la libération queer ne se fait pas dans un silo. »
Iel citait en exemple Zaffa : Une vitrine arabe et queer comme un événement phare du festival pour discuter des enjeux vécus par les personnes LGBTQ+ arabes, ici et à travers le monde. Zaffa aura lieu le 21 août, à la Quatrième salle du Centre national des arts (CNA), et inclura également des performances de drag.
La programmation du festival de Fierté dans la capitale inclut aussi des collaborations, comme l’événement Kiki Ball Réveillez-vous Ottawa!, organisé avec le Réseau des hommes gais noirs de l’Ontario.
Francesco MacAllister-Caruso indiquait également que la rétroaction de la communauté, du comité jeunesse et des autres organismes communautaires de la ville était importante pour améliorer le festival et le garder inclusif d’année en année.
Une programmation variée
Rien ne semble changer du côté de la programmation. Le lever de drapeau à l’hôtel de ville d’Ottawa aura lieu comme prévu ce lundi.
Plusieurs spectacles se dérouleront jusqu’à la journée du défilé, le 25 août. Quelques artistes francophones, dont Sarahmée, Jessy Lindsay et Makhena prendront part à la fête.
Les curieux qui voudraient participer pour la première fois à des événements de la Fierté peuvent commencer par le pique-nique familial (18 août) ou la foire communautaire (24 et 25 août).
Le 22 août, au théâtre du Musée des beaux-arts du Canada, se tiendra Accent queer : panel francophone sur la rédaction inclusive. En tant que francophone, Francesco MacAllister-Caruso a particulièrement hâte d’entendre les discussions.
« La langue française est une valeur qui tient à cœur à beaucoup de francophones. Certains perçoivent des attentes de la moderniser comme étant des attaques ou des menaces. On essaie de se positionner dans ce discours politique pour montrer qu’on peut respecter la langue française et qu’on peut bien la parler, tout en étant plus inclusif. »
Le festival de Fierté dans la capitale se déroule jusqu’au 25 août, jour du défilé de la Fierté. Les organisateurs s’attendent à recevoir 100 000 visiteurs pour l’ensemble des activités du festival.