L’âme militante de Denis Vaillancourt

Denis Vaillancourt, ancien président de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario. Crédit image: Patrick Imbeau

[LA RENCONTRE D’ONFR] 

Il y a un an, Denis Vaillancourt quittait la présidence de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) où lui succédait Carol Jolin. Un an plus tard, celui qui aura passé six années à la tête de l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens ne reste jamais bien loin de la francophonie et de ses enjeux.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Un an après avoir quitté la présidence de l’AFO, quel bilan dressez-vous de vos six années passées à la tête de l’organisme?

Quand je suis arrivé à l’AFO, l’organisme souffrait d’instabilité. Il y avait beaucoup de roulement au niveau du personnel et à la direction générale, ce qui créait un problème de continuité au sein de l’organisme. Six ans plus tard, j’ai laissé l’AFO beaucoup plus stable. Le recrutement de Peter Hominuk à la direction générale a été un très bon coup qui a contribué à assurer cette stabilité. Il est l’une des clés du succès de l’AFO. Aujourd’hui, l’organisme est un interlocuteur crédible et respecté auprès de la province et des élus fédéraux et joue son rôle d’influenceur auprès des décideurs politiques à Queen’s Park, auprès de tous les partis. Je pense aussi que l’AFO s’est rapprochée des citoyens.

Avec le recul, avez-vous des regrets par rapport à vos deux mandats?

Il y avait un travail de fond à faire quand je suis devenu président, ce qui a occupé une bonne partie de mon premier mandat. Mais j’aurais aimé voir le dossier de l’université franco-ontarienne avancer davantage. C’est une aspiration de la communauté depuis plus de 30 ans, le maillon manquant à notre système d’éducation en français… Aujourd’hui, la table est mise, mais je crains qu’avec les élections provinciales à venir, le projet de loi ne soit pas voté. Je reste toutefois optimiste que ça finira par se réaliser, mais il faudra aussi un engagement politique clair pour donner à ce projet les ressources financières nécessaires pour qu’il réussisse. J’espérais aussi voir se créer un poste de sous-ministre adjoint responsable des services de santé en français, je l’avais dit à la première ministre Kathleen Wynne lors de notre dernière rencontre. Je suis content de voir que de ce côté-là, ça s’est concrétisé.

Crédit image : Patrick Imbeau

Est-ce que vous continuez à suivre les dossiers francophones même en étant plus président de l’AFO?

Je continue à m’y intéresser, bien sûr, mais avec un peu plus de recul. Aujourd’hui, quand je m’exprime sur un problème, c’est à titre de simple citoyen et non comme président, j’ai donc moins d’auditoires… (rires) Mais quand j’ai quitté la présidence, nous avions estimé qu’il fallait que je laisse toute la place au nouveau président pour qu’il devienne le visage de l’organisme. Je pense que nous avons bien réussi.

Comment jugez-vous la première année de présidence de votre successeur, Carol Jolin?

Je pense que nous sommes entre de bonnes mains. Notre style et nos expériences sont différents, mais je pense que c’était le bon moment de changer après le travail de stabilisation qui avait été fait. Nous avions mis en place plusieurs stratégies de concertation ou de revendication, comme les livres blancs, qui ont permis à M. Jolin de prendre la balle au bond et de faire avancer les dossiers importants pour la communauté.

Est-ce que le rôle de président de l’AFO vous manque parfois?

Ce serait mentir de dire que ce n’est pas le cas. Ça me manque de côtoyer autant de personnes passionnées et impliquées dans leur communauté, et d’avoir des conversations avec les élus pour faire avancer les choses. J’ai beaucoup appris en étant président. Mais c’est vrai aussi que c’est un poste très prenant, avec des réunions en semaine et la fin de semaine. En tout cas, quand j’ai succédé à Mariette Carrier-Fraser, elle m’avait dit que c’était un travail de deux jours par semaine. Je me suis vite rendu compte qu’elle voulait dire deux jours de repos par semaine!Je suis toujours prêt à aider, mais je pense aussi qu’il faut savoir laisser sa place. Il y a une cohorte de jeunes adultes prêts à prendre le relais et c’est très bien.

Qu’avez-vous fait depuis un an?

Je continue à siéger sur le comité tripartite en éducation de langue française qui permet aux communautés de partager leurs ressources et de faire connaître leurs besoins auprès des différents ministères de l’éducation à travers le pays. Je continue également de m’impliquer dans ma communauté, notamment avec le Club Richelieu et Centraide. Depuis peu, j’ai aussi rejoint le conseil d’administration de l’Association canadienne-française de l’Ontario de Prescott et Russell (ACFO-PR). Mais j’ai aussi pris du temps pour voir ma famille qui est répartie entre le Canada et les États-Unis. Comme je l’avais promis il y a un an, j’ai troqué mon poste de président de l’AFO pour celui de président de la « Fédération des enfants Vaillancourt d’Amérique ». En décembre, nous allons tous nous retrouver au Mexique pour fêter les 50 ans de mariage de mon épouse Denise et moi.

On le voit, vous restez encore très près de la francophonie. Qu’est-ce qui vous a conduit à vouloir vous impliquer, puis à devenir président de l’AFO?

Mes parents étaient très impliqués dans leur communauté et je pense que de leurs trois fils, je suis celui qui en a le plus hérité. Ça a toujours fait partie de moi. On retire tellement des heures de bénévolat qu’on donne, on en sort plus riche! En 2005, après avoir pris ma retraite, on m’avait approché. À l’époque, l’AFO était dans une situation difficile et cherchait un président-directeur général. Mais je n’avais pas compris que le choix se ferait par élection, si bien que je n’ai pas fait campagne et n’ai donc pas été choisi. Cinq ans plus tard, on m’a approché de nouveau. J’ai bien réfléchi et je me suis décidé le dernier jour de la mise en candidature car je voulais continuer à contribuer et à influencer les politiques publiques en Ontario pour ma communauté.

Comment jugez-vous la situation du français en Ontario?

Mon regard sur la francophonie ontarienne a beaucoup changé en étant président de l’AFO. Beaucoup de gens se concentrent sur les échecs, l’assimilation… Mais quand vous circulez, comme je l’ai fait, dans toute la province, vous voyez tellement d’énergie. Ça me rend optimiste! Aujourd’hui, la francophonie ontarienne a progressé, mais elle a aussi changé en s’enrichissant de l’apport de l’immigration. Les jeunes qui sont dans nos écoles sont des militants beaucoup plus actifs que les gens de ma génération qui avaient le réflexe de rapidement passer à l’anglais pour ne pas déranger. C’est une bonne chose, car nous avons besoin de militants pour continuer les batailles.

En terminant, si vous étiez à la place de Justin Trudeau, quelle serait votre première mesure pour les francophones?

Si j’étais Justin Trudeau, j’affirmerais davantage l’importance de la dualité linguistique et je serais plus exigeant quant au respect de la Loi sur les langues officielles. Il n’est pas normal que le droit de travailler en français dans la fonction publique fédérale ne soit toujours pas respecté. Je travaillerais aussi avec les provinces pour assurer l’enseignement des deux langues officielles à travers le pays, afin que tous les Canadiens possèdent une connaissance de base du français et de l’anglais. Enfin, je m’assurerais que tous les bureaux fédéraux soient capables de desservir les citoyens en français, et non pas seulement « là où le nombre le justifie ». M. Trudeau doit développer davantage son « réflexe franco »! »


LES DATES-CLÉS DE DENIS VAILLANCOURT :

1948 : Naissance à North Lancaster

1967 : Premier poste de directeur d’école à Green Valley

1982 : Surintendant de l’éducation au Conseil d’éducation de Timmins et au Conseil des écoles séparées de Timmins

2001 : Sous-ministre adjoint au Ministère de l’Éducation de l’Ontario, responsable de l’Éducation en langue française et de l’administration de l’éducation

2010 : Président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario. Quitte son poste en 2016. 

Chaque fin de semaine, #ONfr rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.