Langues officielles : « Pourquoi pas 1 million de dollars? » Les sanctions financières du commissaire jugées trop faibles
OTTAWA — Les nouveaux pouvoirs du commissaire aux langues officielles de donner des amendes financières aux entreprises de compétence fédérale dans le domaine des transports de voyageurs, comme Air Canada, manquent de mordant, déplorent les partis d’opposition à Ottawa et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA).
Selon la FCFA, des entreprises comme Air Canada et VIA Rail s’en tireront trop facilement si la proposition d’Ottawa concernant cette portion de la version modernisée de la Loi sur les langues officielles (LLO) est retenue.
Dans son projet de règlement, le gouvernement fédéral veut permettre au commissaire d’imposer des amendes allant de 5000 $ à 50 000 $ par violation à la LLO.
« La FCFA prend la position que ces sanctions ne sont pas suffisantes. Ça devrait être doublé et pourquoi ne pas aller jusqu’à un million de dollars, parce que la dissuasion doit être financière », a soutenu Roger Lepage, un des avocats de la FCFA devant les élus du Comité des langues officielles mardi matin.
« Le coût de faire de la business pour Air Canada, c’est de simplement dire : ‘Bon, ça coûte 5000 $ chaque fois que je viole les droits linguistiques’. Quand c’est une grande entreprise comme ça, il n’y a tout simplement pas assez de mordant », déplore le juriste, dans le cadre d’une étude du comité sur ce nouveau pouvoir du commissaire, qui n’est pas encore en vigueur.
La FCFA propose aussi de pouvoir modifier les montants en fonction du nombre de plaintes, sa présidente Liane Roy suggérant que « s’il y a dix plaintes de déposées, le commissaire pourrait multiplier par dix le montant de la sanction » . À l’image du commissaire aux langues officielles, l’organisme francophone déplore que le processus soit trop lourd pour ce dernier, lui qui doit notamment produire un procès-verbal pour justifier sa décision d’imposer une sanction financière.
« Le commissaire aux langues officielles peut prendre de belles décisions très bien motivées, mais la Loi permet à la partie visée d’aller en appel sur tout et c’est comme un procès de nouveau », prévient M. Lepage.
Questionnée par le député conservateur Joël Godin, qui a demandé si le règlement avait assez de mordant, Mme Roy a répondu « qu’il pourrait en avoir plu s ».
« Ça manque de mordant. Seulement si on regarde la complexité du procès-verbal pour amener une sanction pécuniaire, c’est énorme », juge Joël Godin, soutenant que « ça démontre encore une fois le manque de volonté et d’intention de ce gouvernement-là ».
Des pouvoirs pas assez étendus
La FCFA et les partis d’opposition déplorent aussi qu’un bon nombre d’organismes fédéraux ne soient pas visés par des amendes financières, comme l’Agence des services frontaliers, les entreprises du secteur des télécommunications, les banques ou encore les ports.
« Je ne comprends pas pourquoi, dans un aéroport, les serveurs de restaurant devraient parler français, mais pas les agents de sécurité », déplore de son côté le député du Bloc québécois, Mario Beaulieu, qui soutient qu’on « accouche d’une souris » avec ce règlement.
Selon la proposition déposée par l’ancien ministre Steven Guilbeault à la fin novembre, une quinzaine d’administrations aéroportuaires, VIA Rail, Air Canada et Marine Atlantique pourraient faire l’objet d’amendes. Des fonctionnaires ont expliqué aux élus que certaines entités fédérales ne sont pas visées, car elles sont financées entièrement par des fonds publics.
« Le but est d’inciter à ce qu’il n’y ait pas de manquements aux obligations en langues officielles, mais si ça ne coûte rien parce que ça vient du Parlement et qu’on redonne au Parlement, ça n’aura pas l’effet voulu », a justifié la sous-ministre adjointe à Patrimoine canadien, Julie Boyer, rappelant l’applicabilité des pouvoirs du commissaire d’émettre des ordonnances et de conclure des accords de conformité.
Or, comme il s’agit d’un règlement, le gouvernement n’a aucune obligation d’écouter les doléances vis-à-vis de celui-ci et peut le modifier ou non selon ce qu’il désire. La secrétaire parlementaire du ministre responsable des Langues officielles, Madeleine Chenette, a refusé à trois reprises de dire si les libéraux considéraient comme la FCFA et l’opposition que le projet de réglementation manque de mordant.
« C’est clair qu’il y a eu de belles recommandations, alors il faut regarder et agir en conséquence », a-t-elle simplement répondu aux journalistes lorsque relancée sur de possibles modifications.