Le défi de l’AFO face aux minorités raciales ethnoculturelles

La quatrième consultation de l'AFO pour les minorités raciales ethnoculturelles francophones à Ottawa, mercredi 4 juillet. Crédit image: Sébastien Pierroz

[ANALYSE]

OTTAWA – Candidat déclaré pour un second mandat à la tête de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin a du pain sur la planche. Mais ce n’est pas seulement sa relation avec le nouveau gouvernement et les leaders francophones que le président sortant devra travailler.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Si depuis sa création en 2005, l’AFO a globalement établi de bonnes relations avec la « vieille garde » franco-ontarienne, et les plus jeunes militants à l’instar de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), le contact reste encore bien difficile avec les minorités raciales ethnoculturelles francophones. Un terme un peu fourre-tout qui désigne les communautés franco-ontariennes originaires du Maghreb, de l’Afrique noire ou encore de l’Asie.

Lorsqu’il faut parler de l’AFO, ces représentants ne sont pas tendres : manque de légitimité, de crédibilité, organisme « colonial » qui ne sert pas leurs intérêts. Autant de sobriquets, souvent accusatoires, entendus lors des quatre consultations menées par l’AFO auprès de ces minorités raciales au début de l’été.

Peu importe le ton, Carol Jolin, et le directeur-général Peter Hominuk, ne peuvent pas ignorer ces demandes. Derrière la France, premiers pays d’immigration francophone en Ontario, viennent ensuite le Congo, mais aussi le Cameroun, Djibouti, le Maroc et l’Algérie.

Et l’AFO n’a pas lésiné sur les moyens pour les satisfaire. Mais la mise en place de deux sièges de représentation sur son conseil d’administration spécifiques aux « communauté des minorités raciales et ethnoculturelles francophones » n’a pas éteint l’incendie.

Comment comprendre ces tensions? Il existe bel et bien une frustration chez les minorités raciales. Le sentiment que les choses n’avancent pas assez vite. À Ottawa, la Café Franco-Présence, destiné à la culture africaine, a fermé ses portes en 2012. Le projet d’une Maison de l’Afrique, évoqué quelque temps, n’a jamais vu le jour. À Toronto, les choses coincent aussi. L’Auberge francophone, dédiée à l’intégration de ces mêmes minorités, n’aurait pas les reins assez solides, faute de subventions gouvernementales suffisantes.

Deux avenues envisagées pour les minorités raciales

Le hic, c’est que les représentants de ces minorités ne sont jamais parvenus à s’entendre et s’afficher comme un bloc fort, quitte à influencer les élus, et s’affranchir de cette tutelle de l’AFO jugée dérangeante. Depuis sa création des querelles internes ont miné l’Union Provinciale des Minorités Raciales Ethnoculturelles Francophone de l’Ontario (UP-MREF), leur organisme porte-parole. Conséquence : le groupe est désormais affaibli et à bout de souffle.

Entre un rapprochement de l’AFO pour des revendications sur la base de la dualité linguistique et non raciale ou bien devenir un collectif des Noirs à l’image du modèle noir américain, les opinions divergent au sein de l’organisme. D’autant que le projet de Coalition des Noirs francophones de l’Ontario commence à faire son chemin.

Enjeux subtils

Il est vrai que les minorités raciales et ethnoculturelles ne peuvent manquer de faire entendre leur voix au sein des Franco-Ontariens. Pour les immigrants d’Afrique comme du Maghreb, les enjeux d’intégration sont parfois subtils et plus grands : adaptation culturelle au modèle occidental, discrimination possible, voire racisme systémique.

Des obstacles qui n’ont pas empêché certains leaders d’émerger : Rym Ben Berrah, Jean-Marie Vianney, Léonie Tchatat, Camélia Djema, ou encore Florence Ngenzebuhoro.

Mais une scission au sein des minorités raciales et ethnoculturelles reste un pari aussi audacieux que risqué. Si l’AFO doit encore parfaire son inclusivité, elle ne pourra porter éternellement le blâme de l’intégration des minorités raciales ethnoculturelles.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 7 août.