Le drapeau franco-ontarien ne flottera plus de façon permanente à Greenstone
GREENSTONE – Cette semaine, la municipalité de Greenstone, située près de Thunder Bay, a adopté une nouvelle politique concernant l’affichage des drapeaux suscitant des débats en opposant les privilèges des Franco-Ontariens à ceux des peuples autochtones, limitant à cinq jours par année le droit d’afficher leur drapeau pour ces deux communautés. Cette décision vise officiellement à assurer une cohérence et un respect dans le hissage des drapeaux sur les installations municipales.
« C’est une insulte à la communauté franco-ontarienne, et je crois aussi que c’est une tentative de la part du gouvernement local de créer une zizanie entre la communauté francophone et autochtone », s’est exprimé Fabien Hébert, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), au micro d’ONFR.
Selon le dernier recensement de 2021, la municipalité compte 890 résidents possédant le français comme première langue officielle parlée, soit un peu moins de 25 % de la population totale de la ville.
L’administration de la Ville de Greenstone a mis à jour sa politique sur le protocole des drapeaux dans laquelle, elle indique que « la politique établira un cadre pour régir les demandes pour hisser des drapeaux émanant de groupes communautaires ».
Mais rajoute : « Ce qui favorisera un sentiment d’appartenance communautaire et renforcera la sensibilisation du public aux activités telles que les jours fériés nationaux ou les événements multiculturels, qui peuvent ou non être accompagnés d’une cérémonie. »
Ainsi, la municipalité regroupant plusieurs communautés, dont Geraldton, Longlac ou encore Nakina , déclare dans sa nouvelle politique que seuls les drapeaux canadien, provincial et municipal seront hissés en permanence sur les mâts à drapeaux dits municipaux.
La municipalité de Greenstone possède trois mâts au niveau de son bâtiment administratif, lesquels supportent le drapeau du Canada, de l’Ontario et de la municipalité avec en dessous, celui franco-ontarien.
Avec la nouvelle politique, le drapeau franco-ontarien accompagnera celui municipal « pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq jours, incluant le 25 septembre de chaque année, en reconnaissance de la Journée franco-ontarienne ».
Il en sera de même pour les drapeaux communautaires et le drapeau Every Child Matters.
Un pas en arrière selon l’association francophone
La présidente de l’Association des francophones du Nord-Ouest de l’Ontario (AFNOO), Claudette Gleeson s’est dite confuse de cette décision, en entrevue avec ONFR.
« Cela fait dix ans que le drapeau franco-ontarien flotte devant la municipalité », rappelle-t-elle.
« C’est très étonnant et nous sommes très déçus, car il n’y a eu aucune consultation de la communauté. »
D’après Mme Gleeson, cette décision risque d’envoyer le mauvais message à la communauté francophone de Greenstone. C’est pourquoi la présidente rencontrera le maire dès jeudi prochain pour tenter d’inverser le sort. Elle perçoit cette annonce comme un « pas en arrière ».
« Il faut que la communauté se rapproche de la municipalité pour partager cette incompréhension, parce que c’est très important pour nous », s’indigne-t-elle.
En reprenant : « Nous sommes trois peuples fondateurs dans ce pays, la municipalité n’a peut-être pas compris la symbolique que cela représente pour notre communauté.
Acheter un nouveau mât plutôt que de priver les Franco-Ontariens
Dans la même veine, le président de l’AFO, Fabien Hébert a déclaré ne pas comprendre la décision de la municipalité, « je ne peux pas m’imaginer qu’on va choisir de brimer une communauté au nom d’une autre plutôt que de faire l’achat d’un nouveau mât », a-t-il dit.
L’AFO pourrait même aider la municipalité de Greenstone, s’ils le veulent, pour coordonner une demande de fonds afin de s’assurer que les autochtones aient leur propre mât aussi sans priver la communauté franco-ontarienne.
« Ils sont probablement capables de demander une subvention pour le Fonds Trillium de Patrimoine Canada ou autres pour un nouveau mât. »
Pour le président, ce qui se passe : « C’est donner un message que la communauté francophone n’a plus sa place. »
« Nous serions prêts à aider la municipalité dans leurs efforts de prélèvement de fonds pour maintenir le drapeau franco-ontarien et maintenir la paix entre les communautés. »
L’administration de Greenstone explique que « les mâts à drapeaux sont très coûteux et nécessitent un équipement spécial pour être installés ou retirés […] Le coût de remplacement d’un mât est estimé entre 10 000 et 20 000 $ en fonction du mât choisi et des exigences d’installation nécessaires ».
Face aux récents développements observés ailleurs en Ontario, tels que les efforts de réconciliation de Sault-Ste. Marie avec la communauté francophone après avoir adopté le statut unilingue anglophone, ou encore les discussions sur la politique d’aménagement linguistique à Cornwall, cette décision à Greenstone se trouve aux antipodes des avancées pour la francophonie, pensent Mme Gleeson et M. Hébert.
En votant pour ce règlement municipal, la Ville semble révéler un manque de compréhension de l’histoire francophone et autochtone des régions du Nord, estiment les deux représentants de la communauté franco-ontarienne.
En optant pour une alternance entre le drapeau franco-ontarien et le drapeau Every Child Matters, la Ville semble suggérer que les personnes issues des communautés franco-autochtones, métisses ou s’identifiant à ces groupes ne pourraient pas être représentées conjointement, pense Fabien Hébert.