Le fédéral veut répondre à la pénurie d’enseignants francophones
VANCOUVER – La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, a profité de son passage en Colombie-Britannique, lundi, pour donner plus de détails sur les plans du gouvernement pour contrer la pénurie d’enseignants francophones.
Une somme de 31,3 millions de dollars sur quatre ans avait été annoncée dans le Plan d’action pour les langues officielles pour élaborer et soutenir des stratégies de recrutement des enseignants dans les écoles de la minorité francophone. Mais depuis mars 2018, plusieurs intervenants confiaient récemment à ONFR+ trouver le temps long.
La ministre Joly a finalement officiellement ouvert l’appel de propositions de projets et mesures, ce lundi, pour « mieux comprendre la pénurie et accroître la capacité à recruter et à maintenir en poste des professeurs de français à travers le pays ».
« Depuis quelques années, les intervenants du milieu scolaire partout au pays signalent une grave pénurie d’enseignants dans les écoles de la minorité francophone ainsi que dans les programmes d’immersion et de français langue seconde. Cette situation a des répercussions importantes pour les communautés en situation minoritaire et la promotion du bilinguisme », a expliqué le gouvernement fédéral, au moment de dévoiler sa stratégie nationale en deux volets pour aider à recruter et à maintenir en poste des enseignants dans les écoles de langue française en situation minoritaire et dans les programmes d’immersion et de français langue seconde.
En Ontario, la situation a souvent été évoquée. Un sommet doit d’ailleurs avoir lieu sur la question, ce jeudi, à l’Université d’Ottawa.
« Mais c’est un problème qu’on constate à travers le pays », rappelle le président de l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO), Rémi Sabourin. « On voit donc cette initiative d’un bon œil. »
Du côté de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), on se montre prudent.
« Nous sommes heureux que le fédéral grâce à cette enveloppe budgétaire reconnaisse l’existence de la pénurie d’enseignants et l’importance de maintenir en poste les enseignants qualifiés dans les écoles de langue française », explique l’organisme dans un échange de courriels avec ONFR+. « Cela dit, le problème est complexe et les solutions devront aussi s’attaquer aux différentes facettes du problème. »
Accueillir et retenir
L’AEFO a déjà un projet prêt à proposer au gouvernement fédéral, en collaboration avec plusieurs partenaires. Sans en dévoiler tous les détails, M. Sabourin explique qu’il portera sur le recrutement et la rétention des enseignants, notamment des nouveaux enseignants issus de l’immigration.
« Les statistiques démontrent que plus de 50 % des étudiants de nos facultés d’éducation en Ontario ont fait leurs études en dehors du Canada. C’est une nouvelle réalité pour notre communauté francophone et une richesse à laquelle on doit se consacrer, notamment car nous avons un mandat particulier en milieu minoritaire, celui de l’éducation mais aussi de la transmission de la langue. »
Les organismes pourront faire financer leurs projets en totalité, alors que les gouvernements des provinces et territoires auront eux aussi la possibilité de soumettre leurs idées, mais devront en financer la moitié.
« Lorsqu’il y a des gouvernements conservateurs qui abdiquent de leurs responsabilités par rapport au système scolaire en français, on va pouvoir travailler avec les organisations pour qu’elles puissent trouver des solutions et qu’il y ait des enseignants pour enseigner à nos enfants », a expliqué Mme Joly en entrevue avec ONFR+, ce mardi, profitant de l’occasion pour attaquer ses adversaires conservateurs.
Valoriser la profession
La rétention des enseignants en est un enjeu central, selon les chiffres de l’AEFO, qui indique que 26 % d’entre eux quittent le métier après leurs cinq premières années, dans la province.
« C’est une population à cibler! », insiste M. Sabourin.
Pour le syndicat franco-ontarien, il est également important de revaloriser la profession d’enseignant.
« Les demandes d’admission en éducation dans nos universités ontariennes ont baissé de 62 % depuis que la formation est passée d’un à deux ans. De plus, les attaques du gouvernement actuel donnent une mauvaise perception de la profession… L’annonce du fédéral est une partie de la solution, mais pour contrer le phénomène de la pénurie, il faut aussi des gouvernements qui voient l’éducation comme un investissement et non comme une dépense. »
En février dernier, la FNCSF et le Regroupement national des directions générales de l’éducation (RNDGE) lançaient plusieurs idées pour revaloriser la profession, comme du mentorat subventionné, des stages rémunérés ou encore, de l’appui pour faciliter l’intégration des nouveaux enseignants.
D’autres mesures à prendre
Les deux organismes avaient également proposé plusieurs pistes pour répondre à la pénurie en créant notamment un consortium de recrutement et de maintien des enseignants avec les différentes instances concernées pour trouver des solutions.
Parmi les autres mesures proposées, la FNCSF et le RNDGE suggéraient aussi la reconnaissance des compétences professionnelles entre les provinces et territoires afin d’assurer une meilleure mobilité des enseignants au pays, ainsi que l’établissement de critères nationaux de reconnaissance des compétences professionnelles afin de faciliter le recrutement à l’étranger.
Cet article a été mis à jour le mardi 14 mai 2019 à 13h12.