Le plaidoyer d’Amanda Simard pour la revalorisation de l’immersion française
TORONTO – La députée de Glengarry-Prescott-Russell, qui signait une tribune ce mercredi dans le Toronto Star, planche depuis plusieurs mois sur le dossier de l’apprentissage dans les écoles d’immersion française. Le résultat de consultations qu’elle a entamées pourrait déboucher sur des propositions, voire un projet de loi à Queen’s Park au cours des prochains mois.
« Ça prend une réforme, car c’est un problème de longue date qui empêche les jeunes de devenir bilingue », tranche tout net la députée de Glengarry-Prescott-Russell au micro d’ONFR+. Elle pointe du doigt la Loi sur l’éducation, réformée en 1976 et dont le cadre aujourd’hui apparaît désuet.
« On ne peut pas continuer à enlever aux élèves anglophones des opportunités quand on vit dans un pays si riche en culture », estime l’élue libérale, regrettant que l’immersion suscite une attention négative en Ontario.
Et de s’en prendre au manque d’action du gouvernement dans ce dossier. « Le besoin est criant à travers le Canada. Le gouvernement fédéral a mis 180 millions de dollars de côté pour ça, mais c’est aux provinces de s’assurer que nos enfants ont la meilleure éducation possible. »
« Plus on aura d’anglophones capables de parler en français, plus cela renforcera notre francophonie », ajoute celle qui mène des consultations auprès des parents d’enfants anglophones pour identifier les lacunes et faire émerger des propositions. « On doit investir et faire quelque chose car le statu quo ne peut plus durer. »
Un système d’éducation « discrétionnaire »
Elle décrit un système « discrétionnaire » dans lequel les élèves subissent le hasard des coupes dans les conseils scolaires, suivant la région où ils résident.
« Suivant le secteur, on n’a pas les mêmes choix. La législation de notre province n’accorde toujours pas aux parents le droit à l’immersion française. Mais les élèves veulent apprendre le français. Ils ne demandent que ça et on leur qu’il n’y a pas de place. On délaisse les programmes d’immersion, comme si c’était un extra, la cerise sur le sunday. Il faut que ça change. »
Selon elle, cette situation a un impact direct sur l’accès mais aussi la qualité des programmes existants. Il faut former plus d’enseignants pour faire monter en gamme la qualité générale de l’enseignement. « Former de la main-d’œuvre est essentiel », dit-elle. « Ça ne se fera pas du jour au lendemain mais il faut commencer à travailler là-dessus. On ne peut avoir un système à deux vitesses avec d’un côté des élèves nantis dans le privé et de l’autre des élèves dans les écoles publiques qui ne peuvent pas accéder à cette éducation. »
À la suite de plusieurs consultations et de la publication du rapport du Groupe de travail sur la pénurie de personnel enseignant dans le système d’éducation en langue française, l’Ontario s’est engagé en juin dernier à investir 12 millions de dollars sur quatre ans dans le recrutement et la formation d’enseignants en français, notamment dans les programmes de langue seconde.
250 000 élèves inscrits en immersion en Ontario
Confrontée à une croissance du nombre d’élèves et à une diminution du nombre d’enseignants de langue française, la province escompte que son plan aura des « effets positifs » sur les programmes de français langue seconde.
Plus d’un million d’étudiants suivent des cours de français langue seconde, dont le quart en programme d’immersion. Les inscriptions en immersion augmentent depuis près de 15 ans, d’environ 5 % par an.
La pénurie que subit la province s’étend à tout le Canada. Une étude de l’Association canadienne des professionnels de l’immersion (ACPI) et l’Association canadienne des professeurs de langues secondes (ACPLS), publiée en novembre, avance que 42 % des écoles offrant un programme en immersion française sont en situation de pénurie de personnel. Cela représente entre 1 000 et 1 400 enseignants équivalent temps plein au pays.
Cette même étude rapporte que 36 % des écoles seraient affectées par la pénurie d’enseignants en français langue seconde. Ce sont entre 7 000 et 8 000 équivalents temps plein qui manquent donc à l’appel.