L’intersectionnalité en milieu de représentation communautaire 

Chaque samedi, ONFR+ propose une chronique sur l’actualité et la culture franco-ontarienne. Cette semaine, le récit d’immigrante de Rym Ben Berrah, francophone engagée.

[CHRONIQUE]

De nos jours, les combats à mener dans la vie sociale et politique ne manquent pas et se caractérisent tous par leur complexité ainsi que leur adhérence aux normes sociales évolutives. Dans les médias, on voit des choses qui nous touchent de près, de loin, certains événements nous ébranlent et nous secouent, tandis que notre réalité nous aspire de par sa proximité et, parfois, sa complexité.

La représentation dans la francophonie en milieu minoritaire est l’une des choses les plus fascinantes dans le militantisme et le travail communautaire au Canada. Tout d’abord, il y a le fait que nous reconnaissons tous les jours que notre vie est bâtie sur des terres qui n’ont pas été cédées, qui sont donc colonisées et appartiennent à un héritage autre qui leur a été arraché et que certains tentent tant bien que mal de faire vivre à travers les coutumes, les épreuves et les événements troublants.

Ensuite, il y a les minorités francophones existantes d’elles-mêmes de province en province, diverses de par leurs histoires, leurs racines et leurs façons de s’implanter dans leur milieu. Combien de fois j’ai pu voir des dirigeants ou des acteurs de la communauté, dans une conscience de bien faire, en train de jongler entre les dilemmes déjà existants et ceux à venir – par exemple – de par les réfugiés à accueillir ainsi que les nouveaux arrivants.

Enfin, bercés par le flux actuel des nouvelles mondiales et par les cibles fédérales et provinciales francophones à atteindre, nous avons l’effort collectif d’accueillir des immigrants et autres catégories d’immigrés francophones. Le challenge est donc de réussir à composer avec toutes ces réalités dans ses engagements et sa vision, et ainsi de comprendre et de démystifier le souci de l’intersectionnalité dans toute initiative à entreprendre, tel un devoir dans son accomplissement. 

Si je peux me baser sur mes impressions des dernières semaines, j’ai vu dans mon quotidien et mes rencontres des personnes qui œuvrent dans des organismes en Acadie afin d’y accueillir le mieux possible des réfugiés francophones venus d’Afrique. J’ai entendu les échos des étudiants qui se battent à l’Université Sainte-Anne. J’ai lu la déception des Franco-Ontariens quant au budget fédéral annoncé et à sa nonchalance quant à l’avenir et aux priorités de l’Ontario français.

Je suis la rage qui monte au Québec par rapport au projet de Loi 96. J’ai lu cette semaine que l’ambassadrice du Festival international Nuits d’Afrique 2022 avait été une femme blanche, qui s’est désistée suite au tollé que la nouvelle a créé sur les réseaux sociaux. Et si on évitait de heurter les mœurs des gens qu’on veut intégrer et représenter? 

L’importance du folklore 

Le but d’une représentativité réussie est donc de prendre en compte tous les aspects qui composent les communautés et individus à inclure. Le défi est de garder l’authenticité du passé et des origines de la communauté d’accueil et d’y inclure cette perspective à bâtir de présent et d’avenir. L’omniprésence du folklore est ce qui fait perdurer l’identité d’une province, d’une nation. C’est ce qui nous permet de continuer dans la lignée des combats déjà amorcés et de ne pas perdre de vue le travail qui a déjà été fait.

Que ce soit pour l’immigration, l’accueil des réfugiés, le fait de vouloir se présenter dans un poste de gouvernance ou de politique, ou peu importe la nature de l’engagement civil ou communautaire à entamer, il est important de mesurer la portée de notre compréhension de tous les aspects qui composent les réalités des personnes impliquées. La tâche est souvent ardue de par sa complexité. C’est pourquoi cela doit être une éducation continue et renouvelée, rythmée par le vécu, l’actualité et l’évolution des dossiers prioritaires.

Ce qui m’a charmée en Ontario français c’est que les pratiques culturelles sont reliées au savoir-vivre et à la tolérance dans la vie quotidienne. Je peux parler de ma propre identité en disant que mon folklore désormais est une mosaïque nord-africaine, berbère, kabyle et franco-ontarienne. Dans mon désir de connecter avec l’autre, en communiquant, je mets en avant les aspects qui nous unissent. Les moments où je me sens le mieux considérée, c’est lorsque cet instinct est réciproque. Je demeure fascinée par la richesse ethnoculturelle franco-ontarienne et confiante dans l’avenir de cette communauté, soudée, rétroactive et riche de ses vagues et apprentissages. 

Outre la communauté, il y a les dirigeants politiques, les feuilles de route de comment mener les différents dossiers cruciaux actuels, les promesses électorales et les plateformes politiques qui ne tiennent pas souvent compte de cette intersectionnalité et ce folklore. D’ailleurs, ces dernières semaines, on peut sentir que les francophones sont oppressés dans les médias, que les gens sont dépassés par l’augmentation du prix de la vie, qu’il y a une fixation sur le fait de se refermer sur soi parce que c’en est trop. Et puis c’est vrai, que ça l’est, là, trop.

Lorsque je siégeais sur le conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques, j’ai pu voir des gestes de manifestation qui m’ont beaucoup émue dans les communautés internationales des Amériques de francophonie minoritaire. J’essaye toujours de revenir à la source de ses émois pour trouver la force de braver les déceptions politiques quotidiennes et les tempêtes médiatiques qui bafouent les droits et diminuent la prise au sérieux des réalités des minorités visibles, linguistiques, etc.

Je me souviens de ce jeune homme qui, son geste de militantisme mensuel pour faire perdurer la francophonie dans son université salvadorienne, était d’organiser une soirée cinéma en français, en réunissant quelques francophones et francophiles. La joie et la fierté qui se transmettent de leur partage permettent d’aiguiser n’importe quelle détermination à l’échelle de notre réalité.

J’ose croire que la seule chose à faire, c’est de ne pas baisser les bras, sans se départir d’aucune couche de son identité. Bonnes élections!

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position d’ONFR+ et du Groupe Média TFO.