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Oasis Centre des femmes souffle ses 30 bougies, mais la lutte à l’égalité se poursuit

À date du 30 mai, l'organisme va célébrer 30 années d’engagement auprès des femmes francophones du Grand Toronto. Photo : Gracieuseté : Serge Paul

TORONTO – L’institution du Grand Toronto qui œuvre contre les violences domestiques et pour les femmes francophones a bien évolué depuis sa création en 1995. Passant d’un à une dizaine de programmes puis de deux à une vingtaine d’employées, le centre a déployé une multitude de services qui se développent à l’unisson dans la lutte en faveur l’égalité et l’inclusion. Retour sur Oasis Centre des femmes qui soulignera ce vendredi sa 30e année lors d’un grand gala.

En réflexion sur ces 30 années de service, la présidente de l’organisme, Axelle Cazalets, affirme que stabiliser les finances et assurer l’existence de l’organisme s’est traduite par la nécessité d’aiguiller les activités en fonction des besoins actuels des femmes francophones.

Plusieurs organismes torontois, à l’instar de Oasis, se trouvent dans une situation de vulnérabilité relative en raison de leur dépendance aux subventions, et par conséquent, au contexte politique, ce qui pousse ces acteurs à reviser activement leurs lignes directrices.

« Les challenges et les problématiques de Oasis il y a 30 ans ne sont pas les mêmes qu’il a 10 ans et ne sont pas les mêmes aujourd’hui » , confie Mme Cazalets.

Axelle Cazalets est la présidente de l’organisme depuis Septembre 2024. Photo : ONFR/Laetitia Dogbe

Un bilan doux-amer

Le flot de témoignages de résilience des femmes passées par Oasis combinée à une progression de la violence en Ontario pose un constat insatisfaisant auprès de la direction d’un tel organisme.

« C’est le flambeau que l’on continue de passer, et moi je vais le passer à la prochaine, la prochaine le passera à la prochaine, jusqu’à ce qu’Oasis devienne juste un centre d’épanouissement, pas juste un organisme qui lutte contre la violence » , estime la directrice générale, Dada Gasirabo, qui prendra sa retraite cette année.

L’Ontario et la Ville de Toronto ont tous deux déclaré la violence conjugale comme étant est une « épidémie » au cours des deux dernières années à mesure que la violence a pris une envergure ordinaire et normalisée.

La tâche de sensibilisation et conscientisation auprès de la communauté ainsi qu’auprès des partenaires ou bailleurs de fonds a notamment été influencée par un recrutement au sein de l’organisme de personnes véritablement engagées et en révisant ses règlements afin de stabiliser et retenir ses mandataires.

La troisième décennie de l’organisme a été marquée par l’émergence de nouveaux services en s’attelant à mieux comprendre les besoins des femmes, notamment celle des nouvelles arrivantes qui constituent « 75% à 80 % des utilisatrices d’Oasis », précise la directrice générale.

Cette dernière explique que c’est dans cette idée qu’un programme d’entrepreneuriat a vu le jour afin de couvrir les besoins de sécurité économique grandissant chez ces femmes. « On a créé un programme d’entrepreneuriat qui a formé 200 entrepreneures », ajoute Dada Gasirabo.

Une grande diversification des services

Dans cette conscience vis-à-vis de l’importance de se renouveler s’en est suivi une augmentation des services et du nombre de clientes qui tend à la hausse. Par exemple, l’accès tremplin qui donne certaines automatisations aux femmes par les outils informatiques pour celles qui veulent gagner en indépendance financière constitue un moyen nouveau pour se sortir de la violence.

Par ailleurs, le comité des hommes alliés de Oasis au sein de l’organisme lui a donné un nouvel élan depuis 2019, dans la mesure où le dialogue et la sensibilisation face aux multitudes de formes de violence ont permis d’être élargie en dehors du camp des victimes.

« 97 % de femmes abusées le sont par les hommes et seulement 3 % des abusés sont des hommes. Cette proportion est très disproportionnée », poursuit la directrice générale.

« C’étaient certains hommes qui ont exprimé l’envie de participer à ce combat, à participer à cette cause, et en mentionnant le fait qu’ils voulaient aussi apporter quelque chose à la cause », dit Serge, un membre des hommes alliés.

Ce dernier, Serge Paul qui a initialement commencé comme formateur, explique qu’amorcer ces conversations directement au sein de la communauté masculine est un fort moyen de sensibilisation.

« On va dans des collèges francophones, College Boréal, l’Université de l’Ontario français, Glendon, et on fait des conférences auprès des étudiants pour leur planter des graines positives dans leur comportement vis-à-vis des femmes », assure-t-il.

Serge Paul fait parti du comité des hommes alliés de Oasis qui sont toujours plus nombreux chaque année à rejoindre la lutte contre les formes de violence à l’égard des femmes. Photo : ONFR/Rudy Chabannes

C’est dans cette idée que Oasis a créé le comité des hommes alliés tout en gardant le conseil d’administration complètement féminin.

« Donc ces hommes-là, on va les éduquer, les former, leur expliquer l’intérêt d’avoir des égalités sociales entre les sexes. Ça va vraiment être à coups de formation, d’explication, d’éducation au niveau à ce sujet là. Éducation culturelle, éducation sociale, et leur expliquer comment ça se passe au Canada, comment ça devrait se passer dans le monde entier », conclut Serge Paul.

À l’avenir : assurer l’offre de services

En tant que présidente, Axelle Cazalets estime que l’une des thématiques à aborder sera d’assurer l’offre de services. « Il y a des fondations qui ont toujours été là depuis 30 ans. Et je pense que c’est un organisme qui s’est battu pour garder le cap et continuer à exister », déclare-t-elle.

Le 30e anniversaire marque une célébration, mais surtout un moment de réflexion sur la pérennité de l’organisme. « D’un point de vue opérationnel, je pense que nos membres de gestion et les chargés de l’accueil font de très gros efforts et ont une très grande présence et capacité d’écoute. Et ça passe par de la formation », confirme la présidente.

C’est lors d’un gala réunissant la communauté francophone du Grand Toronto qu’Oasis fête ses 30 ans. Photo : ONFR/Laetitia Dogbe

La numérisation et l’introduction d’un département des communications après la pandémie a souligné la volonté de Oasis à se diversifier et à se numériser afin de mieux atteindre les femmes dans le besoin. « Beaucoup sont prisonnières dans leur maison parfois et on les empêche de sortir », raconte l’homme allié Serge Paul.

À mesure que l’organisme se développe et se numérise, les besoins d’outils et de femmes expertes en cybersécurité et sur les technologies de l’information vont s’amplifier afin de s’aligner en même temps que les nouveaux besoins de la communauté féminine.

« Il faut qu’on utilise un peu plus les réseaux sociaux, qu’on aille un peu plus dans les écoles, qu’on aille chercher d’autres panels de clientes pour faire un peu plus de prévention. Je pense qu’on essaie de changer un peu les points d’accès justement pour essayer de répondre aussi aux attentes », confirme la présidente.

Le Conseil de l’administration ainsi que la direction générale semble travailler conjointement sur ces tâches qui resteront en constante évolution, soit autant que les défis qui habitent la vie des femmes francophones en Ontario. « J’ai beaucoup d’espoir parce que j’ai vu comment l’organisme a grandi dans 30 ans et je vois Oasis comme cette femme en constante croissance et progression », soutient Dada Gasirabo.

Oasis Centre des femmes fêtera son trentenaire le 30 mai à Toronto dans un contexte où les mœurs ainsi que les rapports entre les hommes et les femmes évoluent.