L’Ontario modernisera la LSF et investit 1,5 million de dollars dans les entreprises francophones
TORONTO – Dans sa mise à jour financière, le gouvernement sanctuarise la modernisation de la Loi sur les services en français (LSF) qui se matérialisera par un projet de loi. Il investit 1,5 million de dollars dans les entreprises francophones, dont la création d’un incubateur, et exonère l’Université de l’Ontario français d’impôts fonciers. L’Université de l’Ontario français (UOF) bénéficiera par ailleurs de financements en santé mentale pour ses étudiants.
Si le montant d’investissement reste flou et la formulation au conditionnel, le gouvernement ontarien s’engage bel et bien, dans son exercice financier d’automne dévoilé ce jeudi, sur la voie de la modernisation de la LSF. Cette mention conforte la promesse de la ministre des Affaires francophones Caroline Mulroney qui a promis qu’un projet de loi en ce sens serait déposé et adopté avant les prochaines sélections de juin 2022.
Le gouvernement ne s’avance pas toutefois sur le contenu de ce projet de loi dans son document financier. Selon un fonctionnaire du ministère des Finances, il est prévu « d’étendre la zone d’accès aux services en français ». Une source proche du dossier explique qu’il ne s’agira pas de désigner toute la province en vertu de la LSF mais que le ministère aurait la capacité de mettre des services en français dans des zones non-désignées de façon ciblée.
Le ministère des Affaires francophones s’apprête à révéler les contours de sa refonte dès ce vendredi pour couper court aux spéculations. Le ministère des Finances assure à ONFR+ que l’offre active de services en français et l’imputabilité des ministères seront incluses dans le futur projet qui écartera, en revanche, le retour à un commissaire aux services en français indépendant, un élément réclamé par l’opposition et l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).
La désignation de l’ensemble de la province en vertu de la LSF est aussi mise de côté, mais le ministère des Finances assure à ONFR+ que le texte prévoit « des mesures pour permettre la désignation de nouveaux points de service partout dans la province afin d’élargir l’accès aux services en français au fil du temps, y compris dans les régions non désignées ».
Libéraux et néo-démocrates ont récemment relancé leurs projets de loi respectifs sur cet enjeu, morts au feuilleton à la suite du discours du Trône. L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) avait de son côté remis à la ministre Mulroney un libellé de loi, dans le même esprit, élaboré en partenariats avec l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO).
Aide aux entreprises francophones
Le gouvernement fait aussi un pas en avant en direction des entreprises commerciales francophones en injectant 1,5 million de dollars sur trois ans dans le Réseau économique francophone. Une partie de cette enveloppe doit financer la création d’un incubateur d’entreprises. La communauté en compte déjà deux : celui de la Société économique de l’Ontario (SÉO, virtuel) et celui du Conseil de la coopération de l’Ontario (CCO, physique).
« Cet investissement permettra d’appuyer les entreprises en démarrage, de mettre de l’avant les produits et les services franco-ontariens, d’encourager les partenariats stratégiques avec d’autres secteurs de compétences et de promouvoir la prochaine génération d’entrepreneurs francophones, notamment les femmes et les nouveaux arrivants », indique le ministère des Finances.
L’Université de l’Ontario français (UOF) devrait bénéficier d’une exonération d’impôts fonciers et d’une partie de l’aide aux étudiants en santé mentale répartie dans plusieurs établissements postsecondaire. La province son bonifie son enveloppe initiale de 8,7 millions supplémentaires pour la porter l’aide totale à 27,9 millions de dollars, en 2021-2022 dans le postsecondaire.
« Ce financement répondra aux besoins accrus des établissements postsecondaires et comprend un nouveau volet pour les établissements autochtones, l’UOF et l’École de médecine du Nord de l’Ontario », précise le document financier.
Le budget du ministère des Affaires francophones passe de 6 à 9,3 millions de dollars, dont 2,8 millions seront consacrés à l’aide temporaire liée à la COVID-19.
L’AFO salue la modernisation de la LSF
L’AFO salue l’intention du gouvernement de moderniser la Loi sur les services en français. « Ça a été un long cheminement mais on est content de ce qui a été déposé aujourd’hui », souffle son président Carol Jolin, évoquant plusieurs gains importants. « Deux des quatre principales priorités qu’on demandait seront présentes : l’enchâssement de l’offre active de services dans les deux langues officielles et l’imputabilité avec un mécanisme qui obligera les ministères à fournir un plan sur leurs services ».
Il accueille favorablement la possibilité de réviser la Loi tous les dix ans, un point nouveau, mais regrette que le retour à un commissariat aux services en français indépendant n’ait finalement pas été retenu, ni même la désignation de l’ensemble de la province sous la LSF.
« Si on avait désigné toute la province, il aurait été difficile de combler tous les postes pour être capable de donner les services en français », convient-il. « La logique du ministère des Affaires francophones sera de donner des services dans les endroits désignés où on aura les ressources pour les offrir vraiment. Le ministère aura ce pouvoir et c’est une étape importante. »
Malgré le revers essuyé sur le commissariat aux services en français, l’AFO a obtenu du ministère qu’il s’engage à ce que le poste d’ombudsman de l’Ontario soit obligatoirement bilingue, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici.
La hausse du salaire minimum fait grincer des dents
Du côté des organisations francophones de la sphère économique, les réactions sont plus nuancées. Richard Kempler, directeur général de la Fédération des gens d’affaires francophones (FGA) pense que l’augmentation du salaire minimum avec un préavis aussi court et peu de concertation pourrait mettre en difficulté les petites entreprises. « On se pose des questions sur la fragilité des entreprises franco-ontariennes, surtout dans le domaine de l’hôtellerie et du tourisme où le salaire minimum était à 12,20$, d’autant qu’elles ne sont pas encore sorties de la crise. »
Il reconnaît que, sur le fond, la hausse du salaire en elle-même aura un impact sur l’attrait pour ces professions en contexte de pénurie.
« La hausse de salaire pourrait poser problème dans certains métiers comme le commerce de détail et de première ligne », convient également Julien Geremie, directeur général du Conseil de coopération de l’Ontario (CCO), « mais je ne pense pas que ce soit dérangeant car c’était préannoncé depuis plusieurs semaines et c’est en ligne avec une inflation rampante. Les employeurs s’y préparaient et cela pourrait répondre en partie au problème de main d’œuvre qualifiée ».
Dans cette mise à jour financière, M. Geremie accueille avec enthousiasme l’emphase mise sur le développement économique et l’employabilité, comparée au budget précédent qui accordait plus de place à la santé. « On est dans une logique de relance avec le développement des compétences, la valorisation des métiers spécialisés et la digitalisation des entreprises qui se poursuit. Le programme pilote pour les investisseurs étrangers est aussi un concept novateur qui m’a beaucoup interpellé. Attirer directement des immigrants entrepreneurs est une approche nouvelle qu’il faudra suivre. »
De son côté, le président de la Société économique de l’Ontario (SÉO), Denis Laframboise, se dit « ravi de l’investissement de 1,5 million de dollars sur trois ans dans le réseau économique francophone ».
L’organisation voit en outre d’un bon œil le crédit d’impôt temporaire de 2,7 millions pour encourager les Ontariens à visiter leur propre province, ainsi qu’un investissement de 4 milliards de dollars sur six ans afin de fournir à toutes les régions de l’Ontario un accès Internet à haute vitesse.