L’Ontario, terre de défis et d’opportunités pour la communauté camerounaise

André Gallo Azambou et son épouse. Crédit image: Gracieuseté

[TÉMOIGNAGES]

De Windsor à Ottawa, en passant par Sudbury, ils sont plusieurs Camerounais à préférer l’Ontario au Québec comme nouvelle terre d’accueil. Mais les défis sont nombreux pour ces nouveaux arrivants.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

En 2016, ils étaient 2 110 Camerounais à devenir résidents permanents au Canada, dont 150 d’entre eux en Ontario, selon les chiffres d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).

Les motivations des immigrants du Cameroun ne sont pas toutes les mêmes. À 49 ans, Henri Wandji a laissé derrière lui son Douala natal il y a quatre ans pour ses deux enfants.

« On voulait s’assurer de leur réussite et de leur épanouissement. Quand je travaillais au Cameroun, je voyageais beaucoup et voyais bien que ce n’était pas facile. »

Depuis deux ans, M. Wandji travaille à Innovapost, comme informaticien. En juillet, il est devenu citoyen canadien.

Originaire de la capitale camerounaise, Yaoundé, Gaëlle Nkuipou a choisi Ottawa depuis 2013. À tout juste 30 ans, cette jeune camerounaise avait déjà connu les défis de l’immigration avant d’atterrir dans la capitale du Canada.

« J’étais partie à Dubaï pour aller à l’université. J’ai passé sept ans là-bas et ai commencé à y travailler. Mais comme expatriée, originaire du Cameroun, ce n’était pas toujours facile. J’ai donc décidé d’aller au Canada, un pays développé, où les lois et les règles sont respectées et où on peut trouver de l’aide en cas de besoin. »

Titulaire d’un diplôme en commerce électronique, Mme Nkuipou fait partie des histoires à succès que compte le Canada. Depuis quatre ans, elle travaille comme administratrice au sein de l’entreprise de Xerox, Docushare. Mais tout n’a pas toujours été facile.

« C’était difficile de s’intégrer à la communauté. Les gens étaient dans leur coin, c’était à moi d’aller vers eux. À certains moments, j’ai pensé repartir. Mais aujourd’hui, j’ai plus d’amis et ma sœur m’a rejoint en 2015. »

Des associations pour aider

À Windsor, la communauté camerounaise a trouvé la parade pour lutter contre le risque d’isolement. Depuis 2009, l’Association des Camerounais du Sud-Ouest de l’Ontario (ACSOO) aide les nouveaux arrivants d’origine camerounaise à s’établir dans la région.

« On les aide dans leurs démarches administratives, à trouver un logement… À la création de l’association, on s’était rendu compte que beaucoup se sentaient perdus quand ils arrivaient dans la région et que certains préféraient même repartir au Québec », explique Robert Powo, le chargé des affaires de l’ACSOO.

L’association compte aujourd’hui 40 membres actifs, auxquels s’ajoutent plusieurs participants selon les activités organisées tout au long de l’année, comme pour la Fête nationale du Cameroun, le 20 mai.

De tels regroupements existent un peu partout dans la province. À Ottawa, André Gallo Azambou a contribué à la création de l’association Yemba qui compte près de 200 membres, explique-t-il.

Après avoir vécu quelques années en France, M. Azambou a traversé l’Atlantique il y a 10 ans avec son épouse et leur fille de 4 mois. Il s’est d’abord établi au Québec, avant de finalement prendre ancrage en Ontario.

« Quand je suis arrivé en Ontario, j’ai senti que c’était plus ouvert, mieux structuré pour aider les nouveaux arrivants à s’intégrer et qu’il y avait plus d’opportunités professionnelles. »

Un avis que partage M. Powo.

« À Windsor, cela peut paraître plus difficile qu’ailleurs, mais il y a de bonnes structures d’aide et quand tu es qualifié, en Ontario, on te donne ta chance! »

Deux principaux défis

Mais pour réussir, les Camerounais doivent souvent relever le défi de l’anglais. Car bien que le Cameroun compte le français et l’anglais comme langues officielles, près de 80 % de sa population est francophone et beaucoup ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare.

« Le français est un atout, c’est sûr, mais ce n’est pas suffisant pour trouver un travail en Ontario, même pour des petits jobs. Il faut parler anglais. Même moi qui travaillais beaucoup en anglais au Cameroun, j’ai eu du mal, car le niveau demandé est élevé », raconte M. Wandji.

L’autre défi, commun à plusieurs nouveaux arrivants, est celui de la reconnaissance des diplômes et de l’expérience professionnelle.


« La vaste majorité de mes amis a dû recommencer ses études. » – Gaëlle Nkuipou


Pour M. Wandji, il est important de prévenir les candidats à l’immigration avant leur arrivée.

« Il faut leur dire que leurs diplômes ne seront pas forcément reconnus, qu’ils devront peut-être retourner aux études ou envisager une reconversion… Il est important qu’ils sachent que même si leur profil est recherché, il y a une grande compétitivité sur le marché du travail et que ce n’est pas si facile de trouver un emploi. »

Selon M. Azambou, les politiciens ont un rôle à jouer.

« Les communautés immigrantes rencontrent de grands défis, c’est important de s’y intéresser et d’agir. L’État doit les appuyer. »

Joint par #ONfr, le Haut Commissariat pour la République du Cameroun n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue pour savoir si des discussions sont en cours avec le Canada sur cet enjeu.

Des conseils d’intégration

À celles et ceux qui souhaiteraient faire comme elle, Mme Nkuipou recommande la patience et surtout, de l’ouverture d’esprit.

« Il ne faut pas s’attendre à ce que ce soit comme au Cameroun. Le système est différent et il y a des sacrifices à faire. »


« C’est quasiment impossible pour moi de retrouver ici le niveau social et professionnel que j’avais au Cameroun. Je reste au Canada pour mes enfants et aussi parce que ce serait dur de repartir et de tout recommencer. » – Henri Wandji 


Mais les efforts valent la peine, assure M. Azambou.

« Au Cameroun, je sentais que la réussite dépendait beaucoup d’éléments extérieurs, comme de connaître les bonnes personnes. En France, je n’ai pas non plus senti qu’il serait possible d’utiliser mon plein potentiel. C’est pour ça que nous sommes allés au Canada. Ici, si tu es flexible, prêt à changer de filière et que tu fais l’effort de t’intégrer et de participer aux activités, tu peux réussir. »