
Lutte contre les feux : des métiers mal payés qui n’attirent plus en Ontario?

SUDBURY – Alors que le Nord-Ouest ontarien connaît une de ses pires saisons de feux de forêt, le Syndicat des employés de la Fonction publique de l’Ontario (SEPFO) et des députés de l’opposition à Queen’s Park dénoncent des salaires jugés trop bas pour les pompiers forestiers, un manque d’investissement et des difficultés de rétention des travailleurs.
« On est passé de 214 équipes de pompiers forestiers en 2005 à 143 aujourd’hui et dans le Nord on est à 50 % des forces donc clairement il y a quelque chose que le gouvernement ne fait pas correctement », déplore le député néodémocrate, Guy Bourgouin en entrevue avec ONFR.
Il y a quelques jours, l’opposition officielle dénonçait également une réduction de 42 millions de dollars de la réponse aux incendies de forêt et près de 4 millions de dollars pour les préparatifs d’urgence, selon les données du budget provincial.

« Les faits parlent d’eux-mêmes, depuis 2018, notre gouvernement a augmenté les investissements dans la protection contre l’incendie de 92 % (…) Toute affirmation selon laquelle nous avons réduit le financement cette année pour la réponse aux incendies de forêt est fausse », répond par courriel à ONFR le porte-parole du ministère des Ressources naturelles, Richard Mullin.
De son côté, la SEPFO juge que les investissements annoncés par le gouvernement, dont six nouveaux avions, ne résolvent la situation et tire la sonnette d’alarme concernant la pénurie de personnel forestier. En outre, le syndicat a fait savoir que les pilotes qu’il représente ont refusé en bloc une offre du gouvernement qui aurait fait de leur salaire le deuxième plus bas au pays.
Un métier qui n’attire plus
« Les pilotes qualifiés dont nous avons besoin ne viennent pas travailler en Ontario et d’autres partent travailler dans les provinces voisines qui offrent une juste rémunération pour ce travail spécialisé et souvent dangereux », a déclaré Chris Eckert, président du comité chargé des cas spéciaux de la SEFPO, qui représente les pilotes de bombardiers d’eau en Ontario.
Travis Vernier a travaillé comme pompier forestier pendant douze ans avant de quitter le domaine et de se réorienter en 2021.
« Ça ne payait pas beaucoup et c’était devenu impossible de survivre avec ce salaire quand tout le reste augmente », confie le Franco-Ontarien de la communauté de Nakina, à Greenstone.
« Une bonne année, où on travaillait beaucoup et qu’on nous envoyait dans d’autres provinces, je pouvais gagner près de 60 000 dollars par année, mais ce n’est pas assez pour tout le travail que ça demande », souligne-t-il.

Il ajoute que le fait qu’il s’agisse d’un emploi saisonnier n’aide pas à vouloir rester dans le domaine. À l’époque, le syndicat avait tenté de revaloriser la rémunération et d’obtenir une reclassification du métier de pompier forestier pour que les salaires soient alignés sur ceux des sapeurs-pompiers, en vain.
« C’est déplorable quand on sait que l’Ontario est la province la plus riche et où il y a le plus de forêts », estime le député de Mushkegowuk-Baie James.
Des conditions de travail difficiles
De son côté, Lise Vaugeois, députée de Thunder Bay-Supérieur-Nord juge qu’il y a un manque de travailleurs spécialisés : « On entend le gouvernement dire avec beaucoup de fierté qu’il y a 700 pompiers qui travaillent dans le Nord en ce moment, mais ce ne sont pas nécessairement des pompiers expérimentés. Il faut des pompiers expérimentés pour diriger les équipes ».
M. Bourgouin abonde dans le même sens : « L’année passée, le gouvernement a offert 5000 pièces pour attirer des personnes pour aider à éteindre les feux, mais souvent ce sont des étudiants qui cherchent des emplois d’été, et cette année le fédéral déploie les Forces armées canadiennes…Ce ne sont pas des solutions à long terme. »
Mme Vaugeois souhaite aussi que le gouvernement de Doug Ford en fasse davantage pour protéger les travailleurs sur le terrain : « Il n’y a pas de véritables protections, comme des respirateurs contre les toxines pour les pompiers en milieu sauvage. »

« C’est un travail difficile, ce n’est pas tout le monde qui est capable de vivre dans des tentes, porter des vêtements mouillés sur une longue période et être exposé à des agents cancérigènes », continue son collègue de Mushkegowuk-Baie James.
Le Nouveau Parti démocratique demande, notamment, au gouvernement de favoriser la création d’emplois permanents à temps plein et d’augmenter le nombre d’équipes plutôt que le nombre de personnes dans ces équipes.
La SEPFO précise que les congés maladie et le vieillissement du personnel actuel rendent la situation encore plus précaire sur le terrain. Le poste de chef pilote d’hélicoptère demeure vacant après une démission il y a deux ans et que l’Ontario a perdu 20 ingénieurs en mécanique aérienne sur 46 au cours des cinq dernières années.