Montée du populisme au Canada : succès éclair ou tendance lourde?
Avec plus de 800 000 voix, le Parti populaire du Canada (PPC) a connu une montée fulgurante lors des élections. Pour sa deuxième participation consécutive, le parti de Maxime Bernier a raflé plus de votes que le Parti vert, en place depuis plusieurs années. Même s’il n’a pas obtenu de siège, l’augmentation des voix en sa faveur montre une hausse de la vague populiste au sein du pays. Un phénomène qui trouve aussi écho chez les électeurs francophones.
Selon les résultats électoraux préliminaires, le PPC a obtenu 5,1 % des votes. Ceci représente une augmentation par rapport aux dernières élections où le parti n’avait obtenu que 2 % des votes. Ses idées ont particulièrement séduit les électeurs des circonscriptions à forte densité francophone : 9,1% dans Nickel Belt, 7,4 % dans Algoma-Manitoulin-Kapuskasing et Nippissing-Timiskaming, 6,8 % dans Glengarry-Prescott-Russell dans le sillage du Nouveau Parti démocratique (NPD) et 5,9 % dans Sudbury. Dans la région d’Ottawa, à l’exception d’Ottawa-Centre, le PPC a systématiquement fait mieux que le Parti vert.
Pour Frédéric Boily, professeur en sciences politiques à l’université d’Alberta, ce sont les restrictions sanitaires prises par le gouvernement qui ont permis la montée des voix en faveur de ce parti. D’après lui, en exploitant les contestations issues des différentes mesures sanitaires prises, le PPC a pu réactualiser son discours antigouvernemental.
« Le PPC a su jouer sur les contestations de ceux qui refusent que les gouvernements mettent en place des mesures sanitaires plus restrictives. Selon les partisans et le chef du Parti populaire, ces initiatives sont interprétées comme des mesures tyranniques et despotiques contre lesquelles il faut lutter », explique M. Boily.
Selon Stéphanie Chouinard, politologue au Collège militaire royale du Canada, même s’il est difficile de donner les causes exactes de la montée du Parti populaire, il est indéniable que les contestations liées aux restrictions sanitaires ont joué en faveur de l’idéologie qu’il défend.
« Avec la pandémie, M. Bernier a trouvé dans une partie de la population qui remet en question les mesures sanitaires, un terreau fertile (…). Par ailleurs, c’est un parti antisystème qui remet en question les grands partis et leurs intérêts. Cela vient toucher une corde sensible auprès d’un électorat un peu déçu du système politique et qui trouve le discours de M. Bernier rafraîchissant », ajoute-t-elle.
Une augmentation plus accentuée dans l’Ouest et en Ontario
Le parti a connu une forte augmentation dans l’Ouest et en Ontario. En Alberta, le candidat Shawn McDonald a obtenu près de 13 % des voix. Du côté de l’Ontario, le candidat du PPC a obtenu 10,5 % des voix dans la circonscription de Windsor–Tecumseh et dans les Maritimes le parti a aussi fait de beaux gains.
Dans la circonscription de Beauséjour au Nouveau-Brunswick, le PPC a obtenu 7,8 % des votes et dans celle de Darmouth–Cole Harbour en Nouvelle-Écosse, le parti a reçu 10,5 % des voix.
Pour Colette Methé, candidate du parti de Maxime Bernier à Sudbury, le PPC cherche à défendre les intérêts de tous les Canadiens.
« En combattant les mesures sanitaires mises en place, on veut non seulement préserver les libertés individuelles, mais aussi assurer une meilleure relance économique pour le pays. »
« Les principes de base du Parti populaire du Canada, la liberté, l’équité, le respect et la responsabilité, sont menacés au Canada, et cela a commencé bien avant la pandémie », précise-t-elle. « C’est devenu plus apparent lors du confinement. Le pays est divisé plus que jamais à cause du passeport vaccinal et de la fermeture des entreprises. On ne peut pas continuer comme ça. »
Selon Frédéric Boily, cette augmentation des pourcentages du parti dans les circonscriptions rurales et plus particulièrement dans l’Ouest, ne sort pas de l’ordinaire.
« Ce n’est pas surprenant qu’il y ait un certain populisme qui s’exprime au Canada et qui s’exprime surtout dans l’Ouest du pays. Cela fait partie de l’ADN politique de plusieurs provinces de l’Ouest que d’avoir des mouvements populistes. En Alberta, par exemple, ce n’est absolument pas une nouveauté », déclare-t-il.
D’après M. Boily, la dichotomie entre les zones rurales et zones urbaines sur le plan sanitaire est à l’origine de cette montée du populisme.
« Si on s’arrête strictement à la dimension anti-mesures sanitaires, on a l’impression dans ces régions-là [les régions rurales] que la pandémie est une affaire des grandes villes. Que ces villes-là sont touchées davantage par la pandémie alors que le phénomène semble de moindre importance en zone rurale (…). Cela vient renforcer cette dichotomie entre l’urbain et le rural », explique-t-il.
Pas une idéologie mais un système politique qui s’adapte
Pour Frédéric Boily, la montée de la pensée populiste va se maintenir à long terme. Selon lui, le populisme va continuer d’évoluer dans le temps et va s’adapter au contexte politique dans lequel elle va émerger. Cette évolution va lui permettre d’assurer sa pérennité dans le temps.
« Pour l’instant, c’est le Parti populaire qui a su davantage canaliser le populisme lors de cette élection. Cependant, on peut bien voir le populisme à certains moments du côté des conservateurs provinciaux en Ontario ou peut-être même en Alberta. Donc le populisme n’est pas une idéologie politique, c’est plutôt un système politique. Comme tout système politique, il peut être adopté par n’importe quel dirigeant politique », explique-t-il.
De son côté, Colette Methé a de grands espoirs pour le PPC. Elle estime qu’avec les années, le parti saura obtenir la confiance de la population et arrivera à faire concurrence aux principaux partis politiques.
« On est beaucoup plus haut que le Parti vert et cela fait plusieurs années qu’il existe. Je pense que probablement, dans une prochaine élection, on va obtenir des élus. Je crois qu’à un moment donné, nous serons au même niveau que les autres partis », est-elle convaincue.