Nicole Fortier ou l’accent mis sur l’engagement à Orléans

La présidente fondatrice de la SFOPHO, Nicole Fortier. Crédit image: Sébastien Pierroz

[LA RENCONTRE D’ONFR] 

ORLÉANS – C’est dans le local flambant neuf de la Société franco-ontarienne du patrimoine et de l’histoire d’Orléans (SFOPHO) que Nicole Fortier nous accueille pour cette Rencontre de la semaine. Volubile, dynamique, la militante francophone d’Orléans nous dira tout, ou presque, sur son engagement en faveur de la francophonie. Un parcours commencé justement en 1979 par la fondation du Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO).

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

« On connait Nicole Fortier, la militante, co-fondatrice justement du MIFO, puis de la SFOPHO en 2011 dont vous êtes la présidente, mais on vous connait moins en tant que personne. Où tout a commencé?

Je suis née à Orléans, qui à ce moment-là était très francophone, et mes grands-parents venaient de Rockland, une autre communauté très francophone. Ma grand-mère parlait beaucoup de l’importance de rester Canadien, sous-entendu Canadaien français. Ça voulait dire garder sa langue. J’ai toujours grandi dans la communauté en français. Quand est venu le temps d’aller à l’école secondaire, ça se passait juste en anglais dans ce temps-là. Nos parents nous ont alors envoyé à l’école, à notre bon vouloir, au coin de la rue Rideau, à Ottawa. En salle de classe comme à l’université, j’ai toujours été une personne qui aimait prendre les dossiers et les mener.

Est-ce qu’il y a eu tout de même un élément déclencheur de cet engagement?

Dans les années 50-60, Orléans était en majorité francophone. On ne se posait même pas la question. Je me souviens qu’en 1979, mon mari et moi avons acheté une maison à Orléans. C’était le temps des projets domiciliaires. On se rendait bien compte que ceux-ci amenaient la communauté anglophone. On a réalisé que si on ne prenait pas notre place, tout de suite, on pouvait la perdre. C’est ainsi que l’on était un petit groupe qui a fondé le MIFO.

Il y a donc eu le MIFO, puis la SFOPHO qui, en sept ans, s’est distinguée notamment par la sauvegarde du silot Vinet, l’installation de plaques bilingues le long du boulevard St-Joseph, une sensibilisation au patrimoine. Pourquoi la nécessité de l’avoir créée?

Les fondateurs de la SFOPHO étaient en majorité des fondateurs du MIFO, comme Louis Patry, Suzanne Fortier-Gour, Pierrette Thibaudeau, Jean-Guy Doyon. Le seul qui n’était pas là dans le temps du MIFO, c’était Diego Elizondo. On a attendu qu’il ait 18 ans en 2011 pour qu’il fasse partie des membres fondateurs de la SFOPHO.

Tout était parti d’un livre lancé en mai 2010 et du 150e annivesaire d’Orléans en 2010. On s’est alors interrogé sur un projet d’avenir, d’où la création de la SFOPHO. Il faut dire qu’on a perdu beaucoup de patrimoine d’autrefois. Beaucoup de maison ont toutes été détruites pour faire place à des centres commerciaux. Ma maison d’enfance est devenue par exemple la station ESSO. Notre but est donc des expériences authentiques et patrimoniales.

Le rôle de la SFOPHO est de sensibiliser aussi les entreprises et commerces à mettre l’accent aigu sur Orléans. Parlez-nous un peu de ce défi historique.

L’affaire de l’accent d’Orléans ne date pas d’aujourd’hui. Dans les années 1960, parfois il y était, parfois il n’y était pas, mais on ne se posait pas la question, car tout était en français. Quand la Place d’Orléans était sur le point de se construire au début des années 1980, on a décidé de communiquer immédiatement avec les entrepreneurs pour s’assurer de la place de l’accent.

Et tout a changé donc dans les années 1990 concernant l’accent aigu sur Orléans?

Effectivement. Je me souviens que la Commission de la toponymie de l’Ontario avait fait un sondage auprès des entreprises d’Orléans. Le questionnaire était quelque chose comme « Est-ce que vous reconnaissez qu’Orléans s’écrive sans accent? » Je les ai appelés pour me plaindre. On s’est réunis avec un groupe. En 1994, la Commission de la toponymie a statué qu’Orléans s’écrive avec un accent. À l’époque, peu de communautés exigeaient l’accent sur leur nom. En 2011, au moment de la création de la SFOPHO, 79 % des entreprises et commerces ne mettaient pas l’accent. Aujourd’hui, on parle de seulement 40 % qui ne le font pas.

Pourquoi avez-vous choisi le patrimoine comme terrain d’action?

Je pense que c’est un parapluie. C’est un chapeau pour beaucoup de projets. La promotion de la langue française fait partie du patrimoine. Qui est contre le patrimoine? Personne. En disant aux anglophones que le patrimoine d’Orléans est l’histoire d’Orléans, tous les gens veulent en savoir plus.

Auparavant, Orléans était à majorité francophone. Aujourd’hui, les Franco-Ontariens représentent moins de 30 % des résidents. Comment cette anglicisiation se traduit au quotidien?

Certaines entreprises n’ont aucun respect. Je ne les nommerai pas, mais il y’en a plein établies à Orléans, qui n’affichent pas en français. Ça me heurte quand il n’y a pas de respect. Aussi, des jeunes parfois… On demande quelque chose comme un café. Et ils ne comprennent pas le mot. Cette manière de ne montrer aucun signe de bonne volonté me heurte. C’est encore plus fâchant quand c’est des jeunes.

On l’ignore, mais vous avez fait une longue carrière pour le gouvernement fédéral…

Oui. Au secrétariat du Conseil du trésor, j’ai eu des projets comme le développement des communautés francophones à travers le Canada. C’était pour moi comme un déclencheur. Je me suis promenée de partout au Canada, et j’ai pu contribuer au développement des communautés francophones pour m’assurer de la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, pour les sociétés d’État, ministères, et les privatisés. On l’oublie, mais certaines entreprises d’État qui deviennent privatisées, conservent les mêmes devoirs vis-à-vis de la Loi sur les langues officielles.

Avez-vous des figures de la francophonie qui vont ont inspiré?

Trèva Cousineau, je l’aime beaucoup. Elle a mené une belle carrière. Une autre personne que j’admire beaucoup, c’est Roger Laporte. À 92 ans, il a encore une telle ferveur pour son âge. Le chanteur Paul Demers, également. Marie-France Lalonde défend bien aussi les francophones. Cela a fait une différence au niveau de la fierté et de la visibilité de l’avoir comme députée d’Orléans et ministre.

En terminant, si vous étiez à la place de Justin Trudeau, quelle serait votre première mesure pour les francophones?

Je ferais d’une priorité le Plan d’action sur les langues officielles. Je tenterais d’arriver à faire comprendre au sein de la fonction publique et les organismes, que les francophones hors Québec puissent participer à la conception, au développement, à la gestion des services et des activités pour eux. »


LES DATES-CLÉS DE NICOLE FORTIER :

Dans les années 1950 : Naissance à Orléans (Nicole Fortier ne désire pas donner son année de naissance. « Je suis née dans les années 1950. Ne pas dire ma date exacte est une question de sécurité. »)

1978 : Maitrise en éducation à l’Université d’Ottawa

1979 : Co-fondatrice du MIFO

1993 : Commence à travailler comme conseillère principale pour le respect de la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles 

2011 : Co-fondatrice de la SFOPHO

2015 : Lauréate du Prix Bernard-Grandmaître, quelques mois après avoir obtenu l’Ordre de la Pléiade et l’Ordre d’Ottawa

Chaque fin de semaine, #ONfr rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.