Politique

Ottawa coupe du financement au seul établissement francophone dans le Grand Nord

Crédit image: Gracieuseté Collège nordique francophone

OTTAWA — Faisant face à des compressions budgétaires, le gouvernement fédéral a coupé une partie du financement qu’il accordait au seul établissement postsecondaire francophone dans le Grand Nord canadien, le Collège nordique francophone.

Situé à Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest, il s’agit du seul établissement postsecondaire francophone à offrir des programmes et cours entièrement en français dans le Grand Nord. Aucune autre institution n’offre de programmes entièrement en français aux TNO, au Yukon et au Nunavut.

Le Collège nordique francophone voit son financement accordé par Ottawa fondre du tiers annuellement. Celui-ci avait reçu 4,2 millions de dollars entre 2021 et 2024 et sur la dernière période d’année scolaire (2024-2025), il avait reçu 2,9 millions de dollars.

Or, pour les trois prochaines années suivantes, l’établissement recevra, en provenance du même fonds, 1,3 million de dollars en moyenne par an, a indiqué Patrimoine Canadien. Au total, l’établissement recevra 3,9 millions sur les trois prochaines années en provenance de ce fonds du ministère fédéral dédié aux projets reliés aux langues officielles.

Si la réduction peut paraître minime, pour l’établissement, cela signifie qu’il a dû mettre sur pied un peu moins de la moitié de son personnel, soit 7 personnes sur un total de vingt employés dans les derniers mois.

« Le financement fédéral est crucial, c’est ce qui permet au collège d’opérer, avance Patrick Arsenault, le directeur du collège. C’est notre fonds d’opération le plus important. C’est sur cela que l’on compte pour payer les grandes dépenses comme le loyer, les salaires et les opérations courantes du collège », explique-t-il en entrevue.

Patrimoine Canadien enverra aussi près de 350 000 $ par année sur trois ans dans le cadre d’un autre fonds qui provient du Plan d’action pour les langues officielles, soit une légère augmentation d’un peu moins de 100 000 $ par année par rapport aux dernières années, précise M. Arsenault. 

Fondé en 2011, l’établissement a obtenu son accréditation en 2024, lui permettant finalement de devenir un établissement pouvant délivrer des programmes et crédits.

En injectant 4,2 millions de dollars en 2022, le fédéral avait pour but « de développer et de mettre sur pied un modèle pédagogique, ainsi qu’une stratégie communautaire axée sur la formation », indiquait dans un communiqué la ministre des Langues officielles de l’époque, Ginette Petitpas Taylor.

« On a pris en charge beaucoup de dépenses sur le long terme en pensant que les fonds allaient peut-être se stabiliser ou peut-être accuser une coupure de 10 % au maximum, mais pas le tiers. C’est catastrophique en termes d’ajustement, car c’est notre principal bailleur de fonds », dit Patrick Arsenault.

Ce dernier soutient qu’à la suite de l’obtention de l’accréditation l’an dernier, le collège s’est préparé à développer de nouveaux programmes en administration et en gestion, en plus d’offrir davantage de cours. 

« Il faudra voir si on est en mesure financièrement parce qu’avec le tiers des fonds, on n’aura peut-être pas la capacité d’embaucher des professeurs et de faire le recrutement, etc. Donc, c’est possible qu’il y ait des programmes qui restent sur les tablettes », reconnaît-il.

Les compressions au fédéral en cause

Ce sont les fonds fédéraux qui ont « permis une transformation et une croissance importante du collège », souligne Patrick Arsenault. Or les compressions budgétaires qui frappent Ottawa sont la cause, confirme-t-il. Le gouvernement Carney a demandé à ses ministères de réduire les dépenses de 15 % d’ici 2028-2029.

« On (Patrimoine Canadien) nous a dit que l’enveloppe (disponible) ne permettait pas de soutenir le projet comme on l’aurait voulu. Il semblerait que c’est ça (le financement) qui était possible dans le contexte de compressions budgétaires au fédéral », dit le dirigeant de l’institution postsecondaire à Yellowknife.

À l’heure actuelle, le Collège offre des formations et des cours spécifiques comme des cours de langue en français, anglais et inuktitut, par exemple. Certains programmes sont offerts en collaboration avec le collège La Cité à Ottawa, par exemple le cursus Éducation en services à l’enfance. L’établissement des TNO possède aussi une entente avec l’Université de Hearst dans le Nord de l’Ontario et porte sur une offre de cours conjointe.

Comme le français est l’une des 11 langues officielles du TNO et qu’il s’agit d’un établissement privé, le financement accordé à l’établissement francophone par le territoire est limité, forçant le Collège à dépendre grandement du fédéral pour du support financier. Le gouvernement ténois injecte près de 200 000 $ par année dans l’institution francophone, mais il ne s’agit pas d’un financement permanent.

« Il va falloir retourner à la table à dessin pour retravailler en entier notre plan de travail pour les trois années à venir, car ce qu’on avait bâti n’est plus réaliste avec ce que l’on a obtenu », admet Patrick Arsenault.